Les chiffres officiels disent que 624 joueurs participeront à l'Euro 2020 dès ce vendredi, mais ce n'est pas tout à fait exact: des millions d'autres vont transpirer pendant 90 minutes, célébrer des buts et pleurer des défaites. Ce sont les parieurs.
Mais qui déterminent les cotes des paris sportifs? Et sur quelles bases scientifiques reposent-elles?
Les premières cotes sont calculées par Betradar (aussi connu sous le nom de Sportradar). «C’est la référence mondiale. La plupart des organes de paris sportifs travaillent avec cette entreprise», renseigne Jean-Luc Moner-Banet, directeur de la Loterie romande (LoRo).
Les employés de la société zougoise, qui sont plus matheux que footeux, collectent avant chaque match toutes les données possibles et imaginables sur les footballeurs et leur équipe (confrontations, statistiques individuelles des joueurs, collectives des équipes, etc.). Ils introduisent ensuite ces datas dans un ordinateur qui établit les cotes en fonction des rapports de forces. Pas de place pour le romantisme: tout est froidement scientifique.
Les cotes «nées» en Suisse alémanique sont ensuite transférées par ordinateur dans les locaux de la Française des Jeux (FDJ). Sur les bords de Seine, une dizaine de «traders», reclus dans ce qui s'apparente à une salle de marché, affinent les cotes pour leurs loteries partenaires (dont la Suisse).
La FDJ a pour mission d'ajuster les cotes pour répondre aux attentes de ses clients. La Loterie romande exige par exemple de percevoir en moyenne entre 23 et 25% du montant total parié. Autrement dit: sur chaque mise de dix francs, la LoRo veut être certaine de gagner (toujours en moyenne) entre 2.30 francs et 2.50 francs.
Il lui arrive bien sûr de perdre de l'argent lorsqu'un pronostiqueur réussit son coup, mais son ambition est ailleurs. La LoRo veille à ressortir gagnante sur l'ensemble de la saison. D'où la nécessité d'avoir en permanence des professionnels qui travaillent pour elle, et ajustent les cotes en fonction des mises totales des parieurs, toujours dans le but d'enrichir son client.
Les bons pronostiqueurs ne font finalement que gagner une partie de l’argent que les autres ont perdu. Un principe récurrent dans tous les jeux de hasard et de monnaie.
Mais la Loterie romande n'exige pas seulement d'être rentable. Elle attend aussi de la Française des Jeux qu'elle sache flatter le chauvinisme des parieurs suisses. Comment? En arrondissant vers le haut la cote de la Nati pour la victoire finale dans le tournoi. «C'est du fine tuning pour exprimer notre patriotisme», sourit M. Moner-Banet.
Les Français de la FDJ n'ont toutefois pas vraiment besoin de se forcer pour nous offrir une cote généreuse. Car notre équipe nationale apparaît très loin des meilleures nations. Cet été encore, nous aurons donc droit à une cote (62) entre 10 et 12 fois plus élevée que celle des favoris au titre. La France en fait évidemment partie, surtout depuis le retour de Karim Benzema. Elle est même celle qui a les plus grandes chances de victoire, selon les spécialistes zougois des datas.
Tout ce qui fait la beauté des paris tient dans ce dilemme: miser gros sur une valeur sûre, ou poser prudemment quelques pièces sur un outsider. Les Romands ont choisi la première option. Vendredi dernier, ils étaient 37% à avoir placé leur argent de poche sur la France. L'Italie récoltait 14% des suffrages, contre 12 pour le Portugal et 7 seulement pour la Suisse.
Les Romands savent aussi qu'en privilégiant un outsider comme la Nati, ils courent le risque de ne plus avoir de paris ouverts au-delà des 8es de finale. Sur quelles sélections reporteront-ils alors leurs espoirs de joueur invétéré? Jean-Luc Moner-Banet cite d'expérience la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal.
À ce stade, il n'y a ni favoris, ni outsiders. La Loterie récompense moins l'audace que le flair.