«On ne fera jamais gagner une chèvre à Longchamp».
Cette expression est souvent employée dans les hippodromes pour rappeler qu'aucun produit dopant ne transformera une vieille bique en cheval de course. Mais quand un propriétaire possède dans son box un étalon déjà capable de grandes choses, il sait qu'une petite modification de son régime peut le rendre invincible, à tout le moins redoutable.
Bob Baffert a-t-il fait ce genre de calculs avant le 147e Kentucky Derby? C'est ce que soupçonnent les autorités antidopage après avoir reçu les analyses de son cheval «Medina Spirit», vainqueur le 1er mai sur l'ovale de Churchill Downs (Louisville).
Des traces de bétaméthasone corticostéroïde, un inflammatoire interdit qui traite l’arthrose chez les chevaux, y ont été décelées.
La quantité est certes infinitésimale (21 picogrammes), il reste que son utilisation est prohibée dans les quatorze jours précédant une compétition. Résultat: «Medina Spirit» pourrait perdre sa victoire si le résultat du deuxième échantillon est lui aussi positif.
Les enquêteurs n'attendent pas du cheval qu'il dise la vérité. Alors ils ont interrogé son entraîneur Bob Baffert, septuple lauréat (un record) du prestigieux concours américain. Celui-ci se défend de toute tentative de triche.
Cette affaire intervient quelques semaines après l'arrestation d'Andrea Marcialis, l'un des meilleurs entraîneurs du monde. Ce Milanais de 37 ans est en prison. La police le suspecte d’avoir mis en place un système de dopage avec la complicité de vétérinaires.
Un an plus tôt, des soupçons de dopage avaient aussi pesé sur le Kentucky Derby. Un acte d'accusation avait même été déposé devant une Cour fédérale après la victoire du cheval «Maximum Security». Vingt-sept personnes, dont des vétérinaires, avaient été inculpées de plusieurs chefs d’accusation, dont altération frauduleuse de médicaments et complot pour faux étiquetage.
Le dopage chez les chevaux existe de longue date. Ils ont été médiatisés au début du siècle dernier. La Presse y faisait référence dans son édition du 20 mai 1903: «On sait que les entraîneurs américains usent depuis longtemps d'une médication spéciale appelée "doping" qu'ils administrent avant une course à leurs pensionnaires. Cette modification porte le plus grand tort à la régularité des épreuves».
Les gendarmes des compétitions équines prennent les affaires de dopage très au sérieux. Rien qu'en France, ils analysent chaque année près de 30 000 échantillons d'urine et de sang prélevés lors de chaque réunion de courses hippiques. Les produits les plus recherchés sont notamment les corticoïdes, les anabolisants, les anti-inflammatoires ou encore les bêtabloquants.
Signe d'une répression efficace, le taux de positivité est inférieur à 1%.