Chris McSorley a quitté les Vernets il y a un an mais il y est resté si longtemps (19 ans), il y a occupé tant de fonctions (toutes sauf joueur) qu'il est forcément pour quelque chose (mais pour quoi exactement?) dans les excellents résultats actuels de Genève-Servette. «Tout le passé du club fait ce qu'il est aujourd'hui», philosophe Goran Bezina, ex-capitaine des Grenat. «Tu ne crées pas un finaliste du championnat en deux ans. C'est un long processus, appuie Gianluca Mona, ancien gardien genevois. On retrouve la patte de Chris dans les bases de l'équipe, sa colonne vertébrale.»
L'Ontarien de 59 ans a laissé son empreinte dans trois registres au moins, et pas toujours pour de bonnes raisons.
«Cet «esprit de Genève», c'est McSorley qui l'a inculqué», affirme Bezina, évoquant la «combattivité» prônée par l'ancien gourou des Vernets. «Bien sûr, le hockey a évolué mais Genève bénéficie aujourd'hui de cette culture du fighting spirit.» Celle qui incite des leaders comme Tömmernes ou Richard à se coucher devant les pucks adverses. «McSorley a toujours oeuvré dans le sens du collectif: groupe sain, état d'esprit irréprochable. Son travail de longue haleine paie», souligne Florian Conz, Genevois entre 2008 et 2011.
Les joueurs du GSHC ne vont jamais seuls au combat. Ils ont toute une armée derrière eux. «Chris a créé un engouement dans cette ville. Il a fait de Genève une cité de hockey et ça lui a pris du temps, rappelle Mona. Son travail a offert de la visibilité au club, il lui a permis de renforcer son mouvement juniors et d'en bénéficier aujourd'hui.»
Les hockeyeurs sont follement aimés par des milliers de supporters. La semaine dernière au retour de Zurich, plusieurs d'entre eux les ont accueillis au milieu de la nuit. «Quand on est joueur, on est sensible à ce genre de choses», relève Florian Conz, finaliste avec les Aigles en 2010.
Courte nuit pour les supporters du @officialGSHC. Ils étaient une centaine à accueillir les joueurs aux Vernets à 2h30 pour célébrer la qualification en finale, la 3e de l’histoire du club. #GSHC #GenèveServette #ultras pic.twitter.com/EMy4uRarcA
— Valentin Emery (@EmeryValentin) April 30, 2021
«Genève est en finale grâce aux renforts de Chris, constate Olivier Keller, ancien défenseur de la maison grenat. Il a engagé des étrangers (ndlr: comme Omark, Fehr, Winnik ou Tömmernes) très forts individuellement et capables d'encadrer les jeunes.» «Il s'est rarement trompé dans le choix des mercenaires», reconnaît Florian Conz.
En 2018, le Canadien Tanner Richard avait expliqué dans Le Matin que sa venue en Suisse avait été motivée par la présence de son compatriote sur le banc.
Les «disciples de McSorley» sont éblouissants depuis le début des séries éliminatoires:
Le technicien nord-américain a aussi contribué à l'essor de plusieurs talents, en investissant chez les juniors élites (deux titres de champion sous son mandat) puis en oeuvrant pour un partenariat avec Sierre, où les meilleurs ont fini de grandir.
Au reste, le staff technique actuellement en place a bénéficié de son expertise: Louis Matte a été son adjoint, Jan Cadieux (assistant) son joueur, Jimmy Omer son chef matériel, Pat Emond le coach des juniors pendant dix ans. «Toutes ces personnes ont beaucoup appris à ses côtés», estime Conz.
McSorley est pour beaucoup dans la qualité de jeu développé par les Aigles, et ce n'est pas forcément un compliment pour l'ancien mentor des Vernets. «Avec tout le respect que j'ai pour Chris, son départ a libéré les joueurs du carcan qu'il a imposé pendant des années», remarque Olivier Keller, certain que «l'équipe actuelle ne serait pas en finale si Chris était sur le banc». Il détaille:
Gianluca Mona et Florian Conz sont moins rancuniers envers leur ancien entraîneur. Ils estiment tous deux que McSorley a su faire évoluer ses principes tactiques au fil du temps.
On lui a envoyé un SMS avec cette promesse: «On ne te parlera pas de Lugano», le club où il est attendu sur le banc (info Watson). Chris McSorley s'en est amusé, il a rappelé et s'est révélé touché et ému par la question de son héritage au GSHC. Un club qu'il suit toujours de près et auquel il souhaite le meilleur, même si le meilleur sera sans lui: «J'espère qu'il pourra enfin remporter le titre cette saison».
Du Tessin, il observe une continuité dont il est fier. «Durant de nombreuses années, mon staff et moi avons inculqué aux Vernets une culture de la gagne. On attendait de nos gars qu'ils se battent à chaque match, qu'ils soient engagés physiquement.»
Le mérite, in fine, en revient autant à Chris McSorley qu'aux dirigeants en place. Ces derniers ont eu l'intelligence de ne pas tout bouleverser lors de son départ, plaçant le projet au-dessus des hommes, pile où naissent les rêves.