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Pierre Carter est le premier homme à s'élancer de l'Everest

Il est le premier homme à s'élancer légalement de l'Everest, aussi appelé le «toit du monde».
Il est le premier homme à s'élancer légalement de l'Everest, aussi appelé le «toit du monde».Image: Instagram/AFP

Premier vol légal à l'Everest: «Il était prêt, la montagne aussi»

Un parapentiste a été autorisé à s'élancer du «toit du monde». Géraldine Fasnacht explique pourquoi voler en haute altitude est un exploit technique et se félicite d'une nouvelle victoire de l'Homme sur les interdictions en tout genre: «La montagne appartient à tout le monde.»
01.06.2022, 18:5402.06.2022, 12:22
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C'est un petit vol pour l'Homme (il a duré une vingtaine de minutes), mais un bond de géant pour la communauté des amoureux du ciel et des sommets: la semaine dernière, le parapentiste sud-africain Pierre Carter est devenu le premier humain à s'élancer légalement de l'Everest. Jusqu’ici, trois vols avaient été enregistrés depuis le toit du monde, tous effectués sans autorisation gouvernementale.

Une prouesse que Géraldine Fasnacht, star du saut en wingsuit, a appréciée en connaisseuse, elle qui s'est déjà élancée depuis le sommet du Lobuche (6119m). Interview.

Géraldine Fasnacht, qu'est-ce que la performance de Carter inspire à la «femme-oiseau» que vous êtes?
Ça me fait rêver. Décoller d'un sommet mythique comme l'Everest puis voler dans ces décors grandioses, c'est magique et incroyable. C'est la récompense de beaucoup de rigueur dans la préparation, d'effort dans l'ascension, et c'est aussi un cadeau de la nature: à cette altitude, il faut bénéficier de conditions particulièrement favorables pour voler.

Lesquelles?
Il faut avoir un peu de vent de face pour gonfler la voile, et une neige suffisamment compacte pour faire les quelques pas nécessaires au décollage.

«Ce jour-là, il y a eu un tout: lui était prêt, et la montagne aussi»

Gravir l'Everest est déjà un exploit. Mais Carter l'a fait avec un parapente sur le dos. C'est lourd?
Non, pas du tout. C'est même ultra léger. Ça ne pèse qu'un kilo et demi. D'ailleurs, quand je pars marcher en montagne, comme je déteste redescendre à pied, mon parapente est tout le temps dans le fond de mon sac.

C'est un peu comme un K-way, en fait!
(elle rit) Voilà! C'est simple à transporter, et simple à utiliser: une aile moderne se gonfle presque toute seule, elle reste au-dessus de la tête, on fait trois pas et on est dans les airs. On peut décoller partout, mais encore une fois, dans l'Himalaya, l'exploit vient de l'altitude, qui rend l'air beaucoup moins dense, et des conditions météo qui doivent être favorables.

C'est la raison pour laquelle Carter a dû redescendre un peu du sommet (8849m), décollant du col sud de l’Everest, aux alentours de 8000m?
Sa décision a pu, en effet, être motivée par des conditions de vent ou de neige.

Il s'agit du premier vol autorisé par le Népal. Pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps?
Ils n'étaient pas vraiment interdits par le passé, c'est simplement que les permis coûtaient extrêmement cher. Quand j'ai été au Lobuche, je voulais enchaîner plusieurs sommets, mais cela était très onéreux. C'est la raison pour laquelle je n'ai fait qu'une seule descente.

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Le vol réussi par Carter depuis l'Everest va peut-être démocratiser, puis étendre la pratique, non?
Ce que je constate, c'est qu'au début, tout le monde décollait et atterrissait aux mêmes endroits. Ensuite, des pionniers ont commencé à sortir des sentiers battus, et montré qu'on pouvait décoller de partout. Aujourd'hui, de plus en plus de gens veulent aller dans ce sens, aussi parce que c'est beaucoup mieux de descendre en volant qu'en marchant.

Pourquoi?
Parce que ça sauve les genoux, ça fera moins d'opérations pour les chirurgiens et moins de frais pour les assurances (elle en rit). Plus sérieusement, c'est plus sûr de descendre en volant plutôt que sur des voies très fréquentées et accidentées, où l'on risque des chutes de séracs. La descente, c'est la partie la plus difficile. La plupart du temps, on donne tout dans la montée, si bien que l'on redescend fatigué et moins lucide. Je n'ai pas peur de le dire: c'est moins dangereux de voler à la descente que de rentrer à pied.

En règle général, les parapentistes atterrissent à des altitudes bien inférieures à 2000m. Or Carter a posé son aile à Gorakshep, un village situé à 5164m.
Et ça change tout. A cette altitude, on arrive beaucoup plus vite qu'en plaine. Concrètement, plus on descend en altitude, et plus c'est facile de freiner sa voile et d'arriver sur la pointe des pieds. Mais à 5000m, ce sont des atterrissages très techniques. Il faut être très précis car, l'air étant très fin, on arrive vraiment fort, et on a vite fait de se casser quelque chose.

La réussite de Carter, malgré toutes les difficultés, s'apparente à la fois à une ode à la montagne mais aussi à la liberté, une quête que vous menez depuis tant d'années. C'est le genre d'aventure qui doit vous réjouir, non?
Absolument! La montagne, c'est la nature et la liberté. Elle est à tout le monde. Les interdictions m'ont toujours énervée, surtout lorsqu'elles sont malheureusement édictées par des gens qui n'ont aucune idée de la discipline dont ils parlent. T'es qui, pour dire que t'as pas le droit de voler ici, de marcher là? Bien sûr il faut des règles, surtout dans des endroits comme l'Everest, où il y a énormément de monde. Mais on ne peut pas interdire des disciplines de montagne, comme le parapente ou la wingsuit. Si on a le droit de marcher en montagne, pourquoi ne peut-on pas voler?

Et en effet, elle vole.
Et en effet, elle vole.

C'est quoi, le rêve ultime de la femme-oiseau?
Ce serait de faire du «soaring» (réd: du verbe soar, planer) avec les oiseaux en wingsuit.

Du «soaring»?
Vous avez déjà observé ces oiseaux qui planent au bord de la falaise, sans faire le moindre battement d'ailes? Et bien, c'est ce que je voudrais faire, mais avec ma wingsuit.

Mais la discipline implique un mouvement constant, non? Vous pensez pouvoir rester immobile?
L'envol est à 160-180 km/h. Si je vais dans une soufflerie et je règle la vitesse de l'air à 180 km/h, je peux voler en statique. Donc si un jour, je bénéficie de ces mêmes conditions idéales, c'est-à-dire avec un vent thermique à 160 km/h ou plus qui remonte de la vallée et vient taper la falaise, je pourrai voler en statique comme les oiseaux. Mais vous m'avez demandé mon rêve, alors le voilà. Ça reste un rêve!

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