Depuis dix jours, chaque épreuve olympique est une symphonie, et on s'étonne encore que Mezzo TV, la chaîne spécialisée dans la musique classique et le jazz, n'ait pas encore acheté les droits de retransmission. Car on entend tout à Pékin: le crissement des lames sur la glace, le frottement des bâtons sur la neige, le brouhaha des bobs sur la piste d'élan, le sifflement des balles de biathlon. Les JO ont toujours été beaux à voir; ils sont devenus beaux à entendre.
On ne peut pourtant s'en réjouir qu'à moitié. Car cette perception très fine de la musique du sport est surtout le résultat de l'absence de public. «C'est vrai et je le déplore», nous dit Massimo Lorenzi, qui ne s'est jamais habitué aux huis-clos imposés par la pandémie.
La télévision s'est longtemps focalisée sur l'image. Parce que c'est sa nature profonde, ce qui la distingue des autres vecteurs, mais aussi parce que la qualité des optiques permet de découper l'image au 1000e de seconde, laissant apercevoir les torsions du visage ou du matériel des athlètes. «En télévision, on soigne d'abord l'image», reconnaît M. Lorenzi.
Le rédacteur en chef des sports de la RTS reconnaît toutefois que des progrès ont été faits en audio. «On constate une évolution à la fois dans le matériel permettant de capter le son, dans la manière dont on le dispose ensuite et dans les différentes sources de captation.» Concrètement: un énorme travail a été entrepris pour offrir aux téléspectateurs un son immersif, et les rapprocher physiquement de la scène qu'ils observent depuis leur canapé. «Au fur et à mesure que le public des Jeux olympiques a grandi, nous sommes passés de l'envie d'entendre l'action à celle de nous sentir au premier rang, puis au milieu de l'action», écrivait l'année dernière un journaliste de The Conversation.
L'absence de public sur place ne rend ces progrès que plus perceptibles et spectaculaires.
Les amoureux du sport avaient déjà constaté un changement dans la retransmission des Jeux à Tokyo, tenus eux aussi à huis clos en 2021. Plus de 3 600 microphones avaient été installés sur les différents sites. Signe qu'il prend les choses très au sérieux, Olympics Broadcast Services, le diffuseur hôte des Jeux olympiques et paralympiques, avait une nouvelle fois mandaté ses deux experts: Nuno Duarte, chef audio à plein temps, et Rowan Smith, responsable de l'installation des micros. M. Duarte était comme à son habitude arrivé trois mois avant le début de la compétition pour inspecter puis équiper les sites.
Qu'en sera-t-il, dans deux ans à Paris, lorsque le public reviendra dans les tribunes des JO d'été? Le son en sera impacté, forcément, mais d'autres trouvailles acoustiques pourraient participer à l'attractivité des épreuves. «Ce que l'on peut encore améliorer, et ces propos n'engagent que moi et non les techniciens, c'est la retransmission du lien entre l'athlète et l'extérieur, songe M. Lorenzi. C'est ce qu'on observe au tournoi des 6 Nations de rugby, le micro-cravate de l'arbitre permettant d'entendre les échanges entre les joueurs et le directeur de jeu.»
Ce degré de proximité, Massimo Lorenzi en convient, poserait moins de questions techniques que philosophiques. Mais s'il était accepté par toutes les parties, il dévoilerait des facettes méconnues des athlètes. «Équiper les coachs de micros me plairait aussi, ajoute le rédacteur en chef. L'entraîneur est le plus proche accompagnant de l'athlète. J'aurais bien aimé entendre Mauricio Pochettino mardi soir lors de PSG-Real. Ou Alain Geiger le week-end dernier, lorsque l'arbitre n'a pas accordé de pénalty à Servette. Il ne s'agit nullement de voyeurisme. Cette innovation ajouterait simplement une nouvelle dimension à la narration sportive en direct.»
Si le micro-cravate est accepté un jour aux JO, watson s'engage à formuler une demande officielle auprès du CIO pour que Philippe Lucas, le coach fort en gueule de la natation française, en soit équipé.