«C’est incroyable! A la fin, je ne tenais plus en place. J'étais sur mon home trainer en train de crier. Heureusement, les voisins sont compréhensifs! Ils sont eux aussi grands fans de cyclisme et regardaient la course en même temps à la télé.» Au bout du fil, Olivier Zingg se marre. Mais le jeune Lausannois n'en revient toujours pas: sa petite amie vient de devenir championne olympique de cyclisme à Tokyo. A la surprise générale.
Elle s'appelle Anna Kiesenhofer, elle est Autrichienne et a 30 ans.
Et si on était chauvin, on écrirait que sa médaille d'or, c'est aussi un peu celle de la Suisse romande. Parce que la native de Kreuzstetten, à 50 kilomètres de Vienne, entretient de forts liens avec notre coin de pays: elle vit à Lausanne avec son copain, fait son post-doctorat en mathématiques à l'EPFL et roule pour le Vélo-Club Echallens.
Comme Olivier Zingg, le président du club challensois Vincent Mettraux a vu son rythme cardiaque monter sec tôt ce matin. Pas à cause d'un col hors catégorie, mais bel et bien en réaction à ce qu'il voyait en direct sur sa télévision. «On est très fiers de ce qu'Anna vient de réaliser!», s'enthousiasme l'habitant du Gros-de-Vaud. Il poursuit, admiratif:
Oui, l'exploit est monumental et il est une immense surprise. Personne n'avait misé sur Anna Kiesenhofer. Même pas elle. «Avant la course, Anna avait prévu de s’échapper, mais sa victoire est une surprise totale», avoue son petit ami.
Et c'est logique: son CV n'affichait pas beaucoup de lignes avant sa médaille d'or olympique. Professionnelle uniquement pendant une saison en 2017-2018, l'Autrichienne a remporté une victoire d'étape au Tour de l'Ardèche 2016 et quatre titres de championne d'Autriche, un dans la course en ligne (2019) et trois en contre-la-montre (2019, 2020 et 2021).
Mais c'est justement cet anonymat qui lui a permis de vivre ce rêve. «Anna n’est pas connue dans le peloton, les autres coureuses l’ont complètement laissée faire parce qu'elles ne la considéraient pas comme une concurrente pour le titre», analyse Olivier Zingg.
Une indifférence qui a accouché d'une scène cocasse: la médaillée d'argent néerlandaise Annemiek Van Vleuten – arrivée avec une minute et vingt secondes de retard sur Kiesenhofer – a levé les bras au moment de franchir la ligne, en pensant avoir remporté la course...
JO 2021 - Cyclisme : l'énorme bourde d'Annemiek van Vleuten, persuadée d'être championne olympique sur routehttps://t.co/iEnS2zi9JQ pic.twitter.com/AFW0rLNd8x
— franceinfo (@franceinfo) July 25, 2021
Pour gagner une course en ligne d'un jour, il faut une part de chance. Anna Kiesenhofer l'a eue avec cette attitude étrangement passive du peloton, qui l'a laissée s'échapper avec son groupe très rapidement puis partir en solitaire à 40 kilomètres de l'arrivée. Mais il faut aussi, bien sûr, être prêt à fournir une grosse performance le jour J. Et la collaboratrice de l'EPFL l'était. «J’ai pas mal souffert en montée en essayant de la suivre à l'entraînement, avant qu'elle parte à Tokyo», rigole Olivier Zingg.
Le couple roule souvent ensemble, surtout les week-ends ou en vacances. Le Vaudois et l'Autrichienne se sont d'ailleurs connus à vélo en 2017, année où elle est arrivée en Suisse, en faisant des sorties avec un groupe lausannois. C'est aussi avec lui qu'elle a rejoint le Vélo-Club Echallens en 2019, en quête d'une licence pour participer à des compétitions.
«On les a accueillis à bras ouverts, rembobine Vincent Mettraux. On les croise régulièrement ensemble sur les routes.» Même s'il la côtoie depuis deux ans, le président challensois ne connaît pas encore très bien la nouvelle championne olympique: «Anna est une personne discrète, timide et très concentrée sur ses objectifs professionnels et sportifs.»
Son planning très chargé empêche aussi, naturellement, la nouvelle championne olympique de s'entraîner davantage avec les autres membres du club.
Anna Kiesenhofer est censée arpenter les couloirs des bâtiments de l'école lausannoise dès mardi. «Je ne sais pas si ça sera vraiment possible», sourit son amoureux.
Il a eu sa chérie au téléphone dimanche après-midi vers 16h30, pour la féliciter. «C'était quatre, cinq heures après la course, alors elle était déjà un peu redescendue de son nuage.» Ces prochaines heures, l'Autrichienne devra notamment gérer les très nombreuses sollicitations médiatiques, qui ont débuté tout de suite après son sacre.
La suite à plus long terme? «Je pense que des équipes professionnelles vont la contacter, prédit Olivier Zingg. Mais je ne suis pas sûre qu'elle ait envie de retenter l'aventure pro, dans laquelle elle n'avait pas eu beaucoup de plaisir.»
Une chose est certaine: Anna Kiesenhofer ne passera plus jamais incognito dans un peloton, ni dans les couloirs de l'EPFL ou sur les routes romandes.