Le sport individuel est-il nocif? Un rapport passé presque inaperçu pencherait vers cette hypothèse. Des chercheurs californiens auraient mis le doigt sur une problématique persistante. L'étude porte sur plus de 11 235 enfants et adolescents américains, de 9 à 13 ans passés sous la loupe sur une période de dix ans. Les résultats ont révélé que les enfants qui pratiquent un sport individuel sont plus enclin à sombrer dans la dépression et l'anxiété.
L'incidence des troubles de santé mentale chez les enfants et les adolescents a augmenté au fil des décennies. La toxicité mentale ressentie dans les sports tels que le tennis, le ski ou encore la gymnastique font que l'enfant se sent davantage sous pression. Pourquoi donc les enfants et les adolescents ressentent autant une peur alors qu'ils sont plus «sains» dans les sports collectifs comme le foot et le basketball? La performance ne repose que sur leurs épaules et la pression est trop forte, d'après l'étude.
Alors, le sport individuel est-il si nocif que ça? «Non, le sport individuel n'est pas nocif», explique Laurence Chappuis, psychologue du sport basée à Lausanne. L'auteur principal du rapport, Matt Hoffman, pensait que la pratique de n'importe quel sport en club serait positive, que de simples variations interviendraient entre les sports collectifs et individuels.
La psychologue appuie sur l'importance de différencier le sport et le sport de performance:
Le sport est important pour le développement et possède des vertus sociales. Comme le rappelle la psychologue, il faut veiller à «la quantité et le volume de sport effectué en fonction de l’âge; l’enfant doit avoir le temps de souffler ou de pratiquer d’autres activités». Trouver le juste milieu entre la performance et le plaisir de pratiquer. «A partir du moment où l'objectif est uniquement basé sur les résultats et que le plaisir de l'activité n'existe plus, il peut y avoir un risque que l’enfant commence à en souffrir», précise-t-elle.
L'enfant, de son propre chef, peut se mettre une grande pression aussi, voire développer une anxiété qui peut parfois évoluer en tristesse.
Mais si l'étude se montre alarmiste, les enfants sondés ne sont pas en proie à une grande souffrance. Ils montrent des signes et cette hypothèse renforce la prévention dans les clubs et auprès des parents.
Laurence Chappuis précise qu'«aux Etats-Unis, il y a beaucoup de structures pour former des jeunes à favoriser le sport de performance.» Mais est-ce si différent ici, sur le continent européen? «Ici, à l'échelle nationale, il y a des jeunes qui subissent beaucoup de pression.»
Il y a surtout une pression qui est symptomatique de notre époque. Laurence Chappuis décrit une pression polysémique:
Des pressions multiples qui mettent à mal des athlètes toujours plus jeunes. Inévitablement, les jeunes sportifs osent davantage venir se faire suivre et aider. «Je dirais que les enfants sont davantage amenés en consultation aujourd’hui, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de souffrance auparavant», avance Laurence Chappuis.
L'une des raisons de cette détresse mentale toujours plus visible est liée au métier du psychologue du sport. Une nouvelle discipline, encore assez jeune dans nos contrées.
Les sportifs reconnus s'étalent plus sur leurs carences et cela permet à des jeunes d'oser demander de l'aide ou pousser des parents à se tourner rapidement vers des professionnels pour répondre à la fragilité de leur rejeton.
Laurence Chappuis souligne également que pour faire face à la pression ou au stress, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte: «Chaque enfant est différent et trouve ses propres solutions pour faire face au stress ou à la pression, son contexte de vie et son environnement sportif et familial ont aussi une très grande importance pour lui apporter du soutien. Ce qui est très important, c’est de pouvoir écouter l’enfant et tenir compte de ce qu’il ressent pour lui apporter de l’aide si nécessaire».