En temps normal, les supporters des ZSC Lions n'auraient accordé qu'un intérêt poli à un match programmé un splendide après-midi d'automne contre le dernier du classement. Mais depuis que la nouvelle patinoire a été livrée, chaque partie des Zurichois est un évènement. Pour l'avoir oublié, une mère de famille qui pensait encore trouver des places a dû sécher les larmes de son fils, inconsolable devant les caisses fermées du stade, quelques heures avant le coup d'envoi de la rencontre face à Lausanne.
La Swiss Life Arena est la patinoire la plus moderne et la plus chère du pays. Elle est devenue «the place to be». Même les trains la sifflent quand ils passent devant son imposante façade blanche en direction d'Olten.
Les passagers qui sont à bord ont sans doute du mal à deviner qu'il s'agit d'une patinoire. À l'extérieur côté sud, le soleil inonde une immense terrasse avec parasols et transats cosy. On se croirait au Flon. Il y a de la pression IPA (entre autres nectars), des pop-corn et de la musique. L'endroit est tellement sympa qu'on pourrait imaginer y venir même quand Zurich ne joue pas. C'est d'ailleurs comme un bâtiment pour les gens et la ville (en anglais: un «civic building») que l'architecte Adam Caruso a conçu la patinoire. Les visiteurs peuvent ainsi accéder au restaurant «Zett» et au bar sportif «1930» sans billet d'entrée.
Ceux qui ont la chance d'avoir une place sont autorisés à pénétrer dans ce que la presse zurichoise considère déjà comme le «théâtre des rêves» (NZZ), un «temple du hockey sur glace» (Tagblatt der Stadt Zürich) qui offre à Zurich le luxe de «concurrencer New York», selon le Tages-Anzeiger, qui n'en revient toujours pas: «On peut discuter de la beauté de la façade ondulée en béton avec des hublots en guise de fenêtres. Mais une fois à l'intérieur de l'arène, on s'extasie rapidement.»
Ce qui donne le vertige, c'est le nombre de places (12 000 dont 1900 debout) autant que le volume de l'enceinte: 33m du sol au plafond. Le genre de dimensions que l'on ne trouve d'ordinaire qu'en NHL.
Pour essayer de garder les spectateurs près du jeu (c'est réussi), les architectes ont dû construire des tribunes particulièrement raides. Peter Zahner, le CEO des ZSC Lions AG, s'en était ému quand il avait pénétré dans l'enceinte pour la première fois, demandant aux architectes s'il ne s'agissait pas d'une erreur de planification. «Non, non. Toutes les normes ont été respectées», lui avait-on assuré.
Mais plus que les dimensions du stade ou la déclivité des tribunes, ce qui saute aux yeux, surprend, ébahit, ce sont les proportions du «cube vidéo» suspendu au-dessus de la glace. Un bloc de 23 tonnes qui s'étire sur 420 m2 (l'équivalent d'un terrain de basketball). Le plus grand du continent européen, inspiré par son cousin du Madison Square Garden de New York, le domicile des Rangers.
On comprend bien avant le premier lâcher de puck qu'on est dans un autre monde et que cette enceinte devisée à 200 millions de francs permet de voir et de vivre le hockey comme jamais auparavant en Suisse.
Les premières places ne sont d'ailleurs situées qu'à 1m50 de la glace, ce qui permet d'observer les joueurs de très près. Et l'acoustique de l'endroit est tellement spécial que lors de l'égalisation de Simon Bodenmann dimanche, on a entendu distinctement le puck heurter la barre avant de rentrer. Un son comme une note de musique qui témoigne aussi de l'ambiance feutrée de ce stade que les supporters zurichois doivent encore apprivoiser. C'est ce qu'explique en substance Patrick, un supporter lausannois croisé au terme du premier tiers.
Les Vaudois qui ont l'habitude de fréquenter la Vaudoise Arena ont aussi été surpris par l'espace situé entre les tribunes et les buvettes.
«Contrairement à chez nous, on trouve ici suffisamment d'endroits sous la tribune pour s'installer et manger ou boire un verre. Des tables ont même été installées», a relevé Bernard, admiratif.
Outre le restaurant «Zett» et le «Sportsbar 1930», les deux établissements situés au seuil de la patinoire, côté sud, pas moins de 13 foodboxes offrent aux spectateurs un choix qu'eux-mêmes n'auraient pu imaginer. Certains stands proposent carrément des menus végétariens. «J'avais envie de tout manger tellement ça semblait bon», s'est marré un Vaudois qui découvrait lui aussi la patinoire, pendant qu'un spectateur nous vantait le pain chaud et croquant qu'il venait d'accompagner d'un schublig.
C'est à croire qu'on ne peut être déçu que par le match, ce qui peut arriver parce que les Zurichois ont la fâcheuse tendance, parfois, à choisir les rendez-vous importants (et à se préoccuper un peu moins des autres). Mais la partie face aux Lausannois leur tenait à coeur puisqu'ils se sont battus jusqu'en prolongations pour arracher la victoire (5-4) face à de valeureux Vaudois.
Il n'y aura, ici comme dans toutes les autres patinoires, pas toujours de grands matchs. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour rester chez soi, surtout que les Romands n'ont plus besoin de s'enfoncer en ville pour accéder au stade: contrairement au Hallenstadion, la Swiss Life Arena est située juste avant Zurich. Il suffit de descendre à Altstetten et de marcher dix minutes pour faire l'expérience d'un match de hockey pas comme les autres.