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Pourquoi des sportives à moitié nues et pas des hommes?

Pourquoi des sportives à moitiés nues et pas des hommes?
Les joueuses, si elles le souhaitent, sont désormais autorisées à passer un short et un t-shirt.

Pourquoi des sportives à moitié nues et pas des hommes?

Une surfeuse perd des sponsors quand elle passe un t-shirt. Mais un footballeur qui ôte son maillot reçoit un carton jaune. L'homme est-il si laid qu'il faille le cacher? Ou le sport féminin si inintéressant qu'il faille lui trouver d'autres attraits?
28.06.2022, 18:4230.06.2022, 07:06
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Signe des temps, le beachvolley a aboli le port obligatoire du bikini, une tenue pratique et néanmoins aphrodisiaque, appelée à lutter contre la chaleur des unes tout en stimulant celle des autres. Les joueuses, si elles le souhaitent, sont autorisées à passer un short et un t-shirt.

Mais elles ne le souhaitent pas vraiment... Preuve en est qu'après le changement de règlement, peu sont allées se rhabiller. Le beachvolley féminin a pris un pli, celui du bikini rikiki, et son équilibre budgétaire semble tenir à ce fil: «Le maillot deux pièces plaît aux sponsors et aux TV», confirme clairement Jean-Pierre Seppey, ancien membre dirigeant de la Fédération internationale et «père» du beach-volley olympique.

La discipline a séduit par ses marivaudages de paillote, en jouant sur l'ambiguïté des déhanchements subreptices et des étreintes dans le sable chaud, en tout bien tout honneur.

Démonstration
Démonstration

C'est dans ces parfums d'ivresse, mélange de sueur et d'ambre solaire, que «les revenus du beachvolley ont gonflé de 60%», brandit fièrement Jean-Pierre Seppey. Mais s'il suffisait de tremper un athlète dans l’huile de coco pour faire bouillir la marmite, pourquoi cette recette n'est-elle pas appliquée aux hommes? En d'autres termes, pourquoi les fédérations sportives déshabillent-elles les femmes, et exclusivement les femmes?

  • Parce que les règlements sont faits par des hommes?
  • Parce que l’homme est moche?
  • Parce que le sport féminin est si peu intéressant qu'il faille lui trouver d'autres attraits?

Des matous au pouvoir

«C’est une norme sociale: on a accepté le principe d'une femme en crop top et mini-short», remarque l'ancienne joueuse de tennis Timea Bacsinszky. «Dans le sport, en plus, le public féminin est moins nombreux. On ne cherche pas à lui plaire avec des hommes en petite tenue

On devrait? «Bien sûr que oui», assume Jean-Pierre Seppey. «De tout temps, les muscles sont un objet de fascination pour l’être humain. Regardez les sculptures grecques. D’ailleurs, des disciplines comme l’athlétisme ont suivi notre exemple. Elles montrent des corps musclés.»

«Idéalement, je ferais jouer les hommes torses nus, avec des tatoos pour les logos et les noms. Nous l’avions expérimenté sur le Tour, en laissant le libre choix. Swatch avait décidé de nous sponsoriser»
Jean-Pierre Seppey

Tomber le haut plutôt que regarder sous les jupes des filles: idéalement... Dans la réalité contemporaine des sports majeurs, l'homme est d'abord un primate en cravate (87% des postes de direction dans les fédérations internationales). Timea Bacsinszky rappelle qu'à la tête des marques également, «il y a très souvent des hommes. Ils savent quelles joueuses sponsoriser et ce n’est pas toujours sur des critères sportifs. Certaines mal classées gardent des contrats bétons».

Eugénie Bouchard, au hasard.
Eugénie Bouchard, au hasard.

Inégalité de traitement, encore, sur les aspects pratiques. «Les hommes peuvent se changer sur un court de tennis et rester torse nu pendant plusieurs minutes, ça ne pose aucun problème», poursuit Bacsinszky. «Les filles, nous ne pouvons même pas passer un t-shirt sec en vitesse, y compris si nous portons une grosse brassière en dessous. Nous sommes sanctionnées pour "comportement antisportif". Dans ce cas, pourquoi tout le monde nous pousse-t-il à porter des tenues légères, les équipementiers, les télés, les fédérations?»

L'ancienne nageuse et triathlète Magali du Marco, médaillée de bronze aux Jeux de Sydney 2000, a vécu la même expérience: «Le maillot de bain ne tenait pas toujours bien. Avec la répétition des mouvements, il pouvait "tourner"».

«Mais si un sein sortait, on était disqualifiées. On vivait un peu avec cette angoisse de tout perdre à cause d'un sein qui bouge»

Mais Magali di Marco ne croit pas à un sexisme généralisé. «Les polémiques viennent surtout de fédérations qui, comme le handball, imposent une largeur maximale de maillot, au centimètre près, sans cacher l’intention d'aguicher à tout prix.»

A son époque, «certaines sportives avaient cette volonté d’être plus médiatisées, de bien présenter. Elles portaient des tenues qui les mettaient en valeur. Je peux les comprendre car c’était parfois difficile d’exister sans publicité "extérieure".»

Parmi les rares marques à jouer sur la nudité masculine dans le sport de haut niveau.
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Mais en déshabillant uniquement les sportives, n'est-ce pas l'homme que l'on renvoie à ses études et la femme que l’on réduit à son plus simple appareil, objet de désir et machine à sous?

«Nous devons nous inspirer de la Grèce antique», persiste Jean-Pierre Seppey. «Mes jeunes garçons portent des baggys amples. Je n’ai aucun problème avec les modes mais toutes ne mettent pas l’athlète en valeur. Dans le sport, je préconise une mesure unitaire à 18 centimètres au-dessus du genou. Pour les hommes comme pour les femmes.»

Jean-Pierre Seppey soutient que ses idées ont émoustillé jusqu'au plus haut niveau de la Fifa. «Quand j’ai pu convaincre les volleyeuses de porter un bikini deux pièces, Blatter m’a demandé: "Comment tu as réussi? Je veux le faire aussi. S'il le faut, je l’imposerai!" Mais il n’avait aucune chance de passer en force… Du coup, rien n’a changé, les tenues sont restées conservatrices, si je puis dire.»

«Je plains les footballeuses: elles sont habillées comme de pauvres vieilles»
Jean-Pierre Seppey

Le football ne tolère aucune légèreté: un joueur qui enlève son maillot reçoit un avertissement pour «provocation». Ces règlements sont défendus corps et âmes par les membres vénérables, majoritairement octogénaires, du «Board», gardiens du temple et des bijoux de famille.

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So-so sexy

L'inégalité ne tient pas seulement au traitement, mais à la vision du mâle: peu de gens avouent fantasmer sur les abdos de Ronaldo, les cuisses de Feuz ou la silhouette de Pogacar. C'est un fait. D'autres y verront une forme de sexisme inversé.

En août 2010, Le Nouvelliste se pâmait en ces termes devant une exhibition de beachvolley à Sion: «Les courbes d'une superbe jeune fille en string jaune attirent l'attention autant que les joueurs à la carrure impressionnante et leur ballon rond». On a vainement cherché un tel lyrisme sur la beauté masculine, résumée ici à sa masse corporelle et à son ustensile de travail.

«En natation, les hommes étaient moins vêtus que nous et c’était un plus car ils étaient bien foutus», relève Magali di Marco. «Pour autant, je n’ai jamais fantasmé sur un sportif masculin en petite tenue. Et ce n’est même plus nécessaire: avec les habits moulants, il n’y a plus besoin de déshabiller pour mâter.»

Il est difficile de convoquer des études dites sérieuses pour attester du pouvoir de séduction d'un sportif à moitié nu: ces audits n'existent pas, comme si la question ne s'était jamais posée.

David Beckham, l'exception au masculin.
David Beckham, l'exception au masculin.

«Si on imposait les mêmes tenues légères aux hommes, il n’y aurait plus de sexisme. Et les revenus augmenteraient comme chez les femmes», plaide Jean-Pierre Seppey. «Quand je négociais les droits, toutes les télévisions nous demandaient une scénographie du corps en mouvement. Aux JO d’Athènes, on a rempli le stade tous les jours. Les gens venaient peut-être voir des filles en bikini, mais aussi une discipline à part, avec de la musique et un jeu rythmé.»

Dix-huit ans après, rares sont les volleyeurs à jouer torse nu. La relation à l'anatomie masculine semble moins appréciable ou, selon le prisme, plus inavouable. «Moi, je n’ai pas envie de voir des hommes à poil. J’aime le sport», rit Timea Bacsinzsky. «Si je voulais regarder des corps, je me passionnerais pour la natation.»

Pas le même maillot,
pas la même valeur

Des voix tout aussi pragmatiques (ou réactionnaires) estiment que le sport masculin n'a pas besoin de «ça», qu'il ne mise pas sur son physique; lui. Timea Bacsinzsky tressaille: «Quelques marques ont encore du mal à concevoir qu’une femme puisse être bonne en sport et intéressante pour ses seules compétences professionnelles».

Le règlement de la Fédération internationale de handball stipule que «les joueuses doivent porter des bas de bikini […] ajustés et échancrés». L’équipe norvégienne a écopé d’une amende pour avoir refusé de jouer en bikini, avant d'obtenir réparation.

«Je n’ai jamais ressenti le sexisme de la même manière que les sportives actuelles», se souvient Magali di Marco, 50 ans. «J’ai vécu avec les ouvriers qui te sifflent dans la rue et je ne me suis jamais sentie offensée ou stigmatisée par un règlement sportif. Je sais qu’aujourd’hui, les médias doivent faire très attention aux photos qu’ils publient et à la représentation féminine dans leurs pages. Mais moi, je viens d'une autre époque. On se préoccupait peu de ces questions-là.»

Plus récemment, la surfeuse Tessa Thyssen s'est plainte d'un contrat de sponsoring qu'une concurrente en string lui a soufflé. «Elle a une meilleure image et plus de followers sur Instagram. Si tu t'affiches en maillot de bain sur les réseaux sociaux, tu auras plus de likes et, donc, de sponsors.»

Pour Tessa Thyssen comme pour de nombreuses sportives «essentiellement nordiques», selon Jean-Pierre Seppey, ces bouts de ficelles œuvrent à la précarité de la sportive moderne, quand elles ne perpétuent pas une certaine idée de la féminité post-soubrette, où la performance physique est à la renommée de ce que le cinéma porno est à l’amour - un succédané aux vertus aphrodisiaques.

Tessa Thyssen, pour la beauté du sport.
Tessa Thyssen, pour la beauté du sport.

«Un temps, Nike est arrivé avec des mini-shorts vraiment très minis», témoigne Timea Bacsinzsky. «Je sais que les joueuses n’étaient pas à l’aise mais, contractuellement, elles étaient obligées de les porter. Aujourd’hui, les marques sont plus flexibles. Elles n'imposent presque plus rien. Je dirais qu'elles vont dans le sens de l’histoire.»

Or Jean-Pierre Seppey continue de défendre le mouvement inverse, et compte sur les hommes pour le relancer. «Je ne peux que les encourager à porter des tenues légères. Avec la canicule, déjà, ils seraient plus à l’aise. Ensuite ils gagneraient mieux leur vie. Et puis, quand il fait chaud, les garçons se trimbalent tous torses nus, non? Promenez-vous sur les terrains de beach, de foot ou de pétanque. Vous voyez beaucoup d'hommes en t-shirts?» Une façon comme une autre, assez woke, de prôner un retour à la nature.

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