Malgré le faible enneigement de ces derniers jours, les courses de Wengen (samedi et dimanche) auront lieu. Le président du comité d'organisation, Urs Näpflin, nous explique les enjeux derrière l'organisation d'un tel événement mythique, au budget de 9 millions de francs.
Il évoque aussi la dernière course en Suisse de la légende Beat Feuz, triple vainqueur sur le Lauberhorn, qui mettra un terme à sa carrière à la fin du mois.
Wengen est situé à près de 1300 mètres d'altitude et était presque entièrement vert à Noël et au Nouvel An. A quel point ces images vous font-elles mal?
URS NÄPFLIN: Nous sommes habitués à certaines choses ici. Par le passé, nous avons aussi connu des épisodes de chaleur avec des jours de pluie. Je me souviens d'une édition, il y a quinze ans, où deux jours de pluie nous avaient fait perdre près de 20 centimètres de neige.
Quoi d'autre?
Ce qui est nouveau pour nous, c'est qu'il y ait une période aussi longue avec des températures aussi extrêmes et autant de pluie. Je ne me souviens pas qu'il ait fait aussi chaud aussi longtemps. Et malheureusement, il ne faut pas s'attendre à un net refroidissement cette semaine non plus. De ce point de vue, je dois clairement dire que tout ça n'est pas beau à voir. Toute cette évolution autour du climat va nous préoccuper de plus en plus.
Ces derniers jours, pour se rendre au village de Wengen, les skieurs ont dû retirer leurs lattes à plusieurs endroits. Quelle est la situation sur la piste?
Étonnamment bonne. Nous avons pu enneiger parfaitement pendant dix jours en décembre, avec des températures idéales et une faible humidité de l'air. C'est la seule raison pour laquelle nous sommes dans une situation aussi confortable en termes d'enneigement et que l'organisation de cette année n'a pas été remise en question.
Plus que l'enneigement, ce sont les conditions météorologiques qui vous inquiètent.
Le temps s'annonce très instable, il peut basculer d'un côté comme de l'autre. L'important, c'est d'abord qu'au moins un des trois entraînements puissent avoir lieu (réd: le premier a pu se dérouler ce mardi à 13h00). A partir de là, nous serons en mode course et nous verrons au jour le jour.
Il y a neuf ans, vous êtes entré en fonction en tant que nouveau président du comité d'organisation avec l'ambition de faire des courses du Lauberhorn un classique, mais en aucun cas un dinosaure. Y êtes-vous parvenu?
Il ne s'agit pas seulement de moi. En tant que président, je suis à la tête d'un très bon comité d'organisation, homogène, dont les membres font preuve d'une grande compétence dans leur domaine respectif.
Après votre arrivée, vous avez par exemple parlé d'élargir le soutien financier.
Nous y sommes parvenus. Certes, après quelques discussions avec Swiss-Ski. Mais tout a été réglé. Nous sommes désormais en mesure de survivre à une année difficile.
Et sinon?
A côté du ski, il y a les coulisses et les contrats pour les sponsors et les VIP. Le développement dans ce domaine nous a vraiment réussi. Sur et autour de la piste, la sécurité des coureurs, des bénévoles et des spectateurs est une priorité absolue.
Durant votre mandat, vous avez déjà tout connu, de la semaine de course parfaite à l'annulation complète. Comment gérez-vous cette incertitude pour un événement de près de neuf millions de francs?
Elle en fait tout simplement partie. Nous avons déjà tout eu: des vents violents qui ont détruit la tente VIP en début de semaine (2018); un mètre et demi de neige fraîche pendant la semaine de course pour aboutir finalement à l'annulation de la descente (2017); ou encore, l'année dernière, nous avons eu quatre courses sous un ciel bleu acier avec au moins un Suisse sur le podium à chaque fois.
Heute Morgen haben unsere Leute auf der Piste Schwerstarbeit geleistet.⚒️❄️. Dank ihnen konnte das Training um 13.00 Uhr gestartet werden.⛷️🏔️ pic.twitter.com/cYXd6dz44q
— Weltcup Lauberhorn (@WeltcupWengen) January 10, 2023
Quel est le soutien dont vous bénéficiez de la part de Swiss-Ski et de la Fédération internationale (FIS)?
Nous avons fini par trouver un accord extrajudiciaire avec Swiss-Ski. Il a fallu faire certaines concessions, mais une bonne solution a été trouvée et nous travaillons ensemble à l'amiable. Dans le domaine du marketing, nos revenus ont augmenté. Je peux vraiment dire que les relations entre Swiss-Ski et nous sont très bonnes.
Et avec la FIS, après le passage en 2021 de Gian Franco Kasper à Johan Eliasch à la tête de l'organisation?
Je ne peux pas juger de la situation en détail à la Fédération internationale, parce que nous n'y sommes pas très impliqués.
Johan Eliasch a de nombreuses idées, notamment celle de centraliser la commercialisation.
Il ne s'agit pas de nos droits financiers à Wengen, mais de ceux de Swiss-Ski. C'est donc une histoire entre la FIS et Swiss-Ski. Mais c'est clair que le fait qu'Eliasch cherche à faire ça quasiment seul, sans impliquer les grandes fédérations, rend les choses difficiles. Au lieu d'un coup de pied de biche, il faudrait plutôt un travail en commun.
Qu'espérez-vous de l'édition de cette année du Lauberhorn?
Que les trois courses prévues puissent toutes avoir lieu.
Beat Feuz disputera ses dernières courses à Wengen et Kitzbühel. Avez-vous réfléchi à comment célébrer le triple vainqueur du Lauberhorn?
Nous avons eu une idée.
Une star bernoise comme lui serait un bon ambassadeur pour les courses du Lauberhorn.
Beat fait partie des plus grands, pas seulement au Lauberhorn, mais dans toute l'histoire du ski. Nous garderons volontiers le contact avec lui à l'avenir. Et qui sait, peut-être même qu'une collaboration verra le jour. Je pourrais très bien l'imaginer. Mais laissons-le d'abord terminer sa carrière.
Comment voyez-vous les courses du Lauberhorn dans sept ans, année du centenaire? Resterez-vous président du comité d'organisation jusqu'à ce 100e anniversaire?
Si je reste en bonne santé, le centenaire est bien sûr mon objectif. J'aurais alors 70 ans. Nous devons aussi veiller parallèlement à ce que des jeunes soient intégrés au comité d'organisation et puissent prendre des responsabilités. De manière à ce que la transmission puisse se faire au bon moment et que la manifestation puisse continuer. C'est au moins aussi important que le 100e anniversaire lui-même.
Et ces potentiels successeurs existent-ils?
Oui, il y a de très bons jeunes qui ont un lien avec le ski et avec Wengen, et qui ont même grandi ici. Je suis donc motivé et très confiant de pouvoir remettre mon poste en de bonnes mains. Mais le 100e anniversaire des courses du Lauberhorn serait définitivement ma dernière édition en tant que président du comité d'organisation.
Adaptation en français: Yoann Graber