Il y a deux évènements qui font très peur chaque année: Halloween et la descente de Kitzbühel. Le premier effraie les enfants, le second les skieurs, lancés à plus de 140 km/h dans les contreforts du Tyrol autrichien, sur la piste la plus célèbre et la plus dangereuse du circuit.
C'est sur ces pentes il y a deux ans que le pauvre schwytzois, Urs Kryenbühl, flashé à 146,7 km/h dans le mur final, avait subi une «Horrorsturz» (chute horrible) le laissant avec une commotion cérébrale, une fracture de la clavicule et une déchirure des ligaments internes et croisés du genou droit.
Michael Huber, le chef du comité d'organisation, avait par la suite décidé qu'il fallait agir. «Je n'ai plus besoin de ça. Sinon, nous allons finir par briser les coureurs», avait-il confié à la Wiener Zeitung, expliquant que les skieurs ne devaient plus dépasser les 140 km/h.
Pour les ralentir, il a décidé de plusieurs mesures cette année. «Des corrections ont été effectuées autour de l’Hausbergkante, car de nombreux skieurs se sont plaints de la trop forte vitesse emmagasinée lors du premier entraînement, relève le site spécialisé Skiactu. La trajectoire a été légèrement modifiée afin que les athlètes ralentissent avant la fin du tracé, qui a souvent été problématique ces dernières années en raison de la vitesse et de la taille de l’ultime bosse, elle aussi rabotée.»
Hier geht es mit bis zu 140 Stundenkilometern den Berg hinunter: Das Profil der legendären Streif in Kitzbühel in der @dpa_infografik (pn) pic.twitter.com/v0R5DQuydM
— dpa (@dpa) January 19, 2017
Le but est de garantir une meilleure sécurité aux coureurs, qui ne pourront plus aborder le terrible saut final à des vitesses aussi extravagantes que par le passé (le record appartient à Michael Walchhofer, auteur d'une pointe à 153 km/h en 2006).
Ce n'est pas la première fois que la Streif (apparue sur le circuit en mars 1931) subit un lifting. De tout temps, des mouvements de terrain ont été rabotés, des bosses adoucies et des compressions comblées.
Certains coureurs, comme Beat Feuz, se sont réjouis des aménagements effectués pour protéger les athlètes. D'autres ont fustigé ce qu'ils estiment être des concessions faites à la sécurité, estimant que la discipline la plus spectaculaire du ski alpin s'en trouvait presque dénaturée. C'est le cas du Valaisan William Besse qui, jeune retraité en 2003, avait affirmé être «dérangé» par une énième modification de la piste.
«Herminator» avait employé d'autres mots, quelques saisons plus tard, pour dénoncer la prudence exagérée de certains organisateurs de descentes Coupe du monde:
Le défi permanent des organisateurs consiste à «tout faire pour protéger les skieurs sans dénaturer l'âme de la Streif», résumait Eurosport en 2019, rappelant qu'ici plus qu'ailleurs, le danger magnifie à la fois la montagne et ses acteurs.
«Il est difficile de trouver l'équilibre (ndlr: entre spectacle et sécurité)», reconnaissait le quintuple vainqueur Didier «CucheBühel» en 2011. «Mais si on arrive à un point où le public ne voit pas la différence entre la descente et le super-G, on va tuer l'esprit de la descente et le grand spectacle. Skier ici demande du courage.»
C'est toujours vrai en 2023. Car aucune modification n'a pour le moment affecté le mythe: Kitzbühel reste comme toujours l'évènement le plus attendu de la saison. Vendredi et samedi, il invitera une nouvelle fois les skieurs au rêve autant qu'à l'effroi.
Cet article a été adapté d'une première version publiée le 19 janvier 2022.