Quand on leur demande si un bon sportif fait forcément un bon politicien, ils répondent un peu gênés que ce n'est pas toujours le cas, qu'il n'y a pas de règle universelle en la matière, mais tous conviennent aussi que leur expérience de champion leur a donné des outils précieux pour la chose politique. «Abnégation, goût de l'effort, esprit de compétition, acceptation des règles et de la défaite», dresse Philippe Leuba, conseiller d'Etat et ex-arbitre de football, avant d'ajouter, non sans malice: «Et la plus grande compétence de toutes: la capacité à surmonter les critiques des médias!».
L'ancien sifflet est même convaincu que «l'école qui prépare le mieux à la politique, c'est l'arbitrage. Car, dans les deux cas, vous devez prendre une décision rapidement et vous êtes jugés par tout le monde». Il développe:
Calme et sang-froid dans l'adversité, c'est aussi ce qu'a expérimenté le Conseiller d'Etat valaisan Frédéric Favre dans une autre vie (la première), lorsqu'il était encore karateka et arbitre de hockey sur glace.
La Verte valaisanne Magali Di Marco (ex-médaillée olympique en triathlon) précise toutefois qu'en politique, il est nécessaire d'avoir une résistance à la critique plus qu'au stress, «car tu as la plupart du temps des reproches, et très rarement des félicitations. C'est tout le contraire dans le sport, où on t'encense quand tu fais de bons résultats et on t'oublie un peu quand tu es moins performante».
Savoir encaisser les coups, c'est ce qu'a appris Sergei Aschwanden (député PLR au Grand Conseil vaudois), au sens propre comme figuré. «J'ai rapidement compris que si l'on prenait les choses personnellement, ça pouvait vite devenir compliqué», témoigne l'ancien judoka. «J'ai dès lors toujours manifesté un certain détachement à l'égard de ce qui se disait sur moi.»
On pourrait suspecter que les sports individuels ne forment pas à la collégialité, ni au consensus, et qu'il apparaît difficile pour ces athlètes d'obtenir des résultats qui soudain ne dépendent pas d'eux-mêmes, mais tous rejettent cette idée, et pour la même raison: «Même en pratiquant un sport individuel, on est toujours entouré», souligne Magali Di Marco. «Il faut collaborer avec les coachs, le staff médical, la Fédération, composer avec sa famille.»
Sergei Aschwanden résume: «En sport comme en politique, c'est la somme des individualités qui permet d'être performant».
Les sportifs ont un avantage sur leurs concurrents dans leur quête de performance politique, c'est qu'ils jouissent d'une certaine popularité. «Il y a des électeurs pour lesquels c'est important de voter pour une tête connue», reconnaît Di Marco. Mais cette notoriété peut aussi se retourner contre eux. C'est le revers de la médaille.
Ce procès en illégitimité, Sergei Aschwanden l'a aussi vécu, mais pas trop mal. «Quand vous débarquez dans un milieu dans lequel vous n'avez jamais fait vos preuves et que votre notoriété vous a en partie permis d'être élu, il est normal que vous deviez faire vos preuves. Mais c'est la même chose en sport: quand un petit jeune arrive, on attend de voir ce qu'il a dans le ventre.»
Un domaine oppose toutefois de façon très nette les deux mondes: la manière d'évaluer l'action d'une personnalité. «Nous sommes dans les deux cas jugés sur nos résultats, mais il est vrai que l'action sportive est plus visible que l'action politique», relève Frédéric Favre.
Travailler beaucoup et longtemps sans obtenir de résultats, ça n'arrive pas souvent en sport. Or, c'est le lot quotidien des politiciens. «Il est plus difficile de remporter un vote qu'un grand tournoi», assène Sergei Aschwanden. «Car vous devez souvent vous y reprendre à plusieurs fois pour être élu, et même en multipliant les efforts, vous n'êtes pas sûr de gagner, car au final ce sont les électeurs qui décident. En sport, vous exécutez une performance seul et vous avez tout de suite un résultat, une conséquence.»
Cette absence de satisfaction immédiate peut être ingrate, voire décourageante. Magali Di Marco raconte:
Sport et politique ont beaucoup de points communs, mais n'ont pas toujours les mêmes règles du jeu.