Cette fois, le doute n'est plus permis: l'Espagne tient la nouvelle pépite du tennis mondial. «Une superstar est née», vient d'ailleurs de tweeter Chris Clarey, spécialiste de la petite balle jaune pour le NY Times. Carlos Alcaraz (19 ans et 4 jours) avait fait naître de belles promesses lors de ses titres à Rio, Miami et Barcelone cette saison. Mais son épopée lors du Masters 1000 de Madrid, ponctuée par sa victoire contre Alexander Zverev en finale, le hisse définitivement au rang des meilleurs joueurs du monde.
Mentalement pour la « next gen » du tennis ça doit être quelque chose. Ça fait des années qu’ils attendent que les « vieux » prennent leur retraite et puis quand ils entrevoient (à peine) la lumière, voilà un phénomène qui débarque. #alcaraz
— benjamin deceuninck (@benjadeceuninck) May 8, 2022
Le meilleur du monde, même? C'est la question posée par un journaliste, samedi, après la victoire épique du Murcian contre Novak Djokovic.
Signe de sa maturité, Alcaraz a habilement contourné la question en lisant le classement:
Parmi eux, Alexander Zverev (3e mondial), double vainqueur sur la terre battue madrilène et tenant du titre jusqu'à dimanche et sa rencontre avec «Carlitos». Une mauvaise rencontre pour le joueur allemand, balayé en deux manches et 62 minutes de jeu: 6-3 6-1.
Au-delà des résultats, il restera l'impression tenace d'une semaine incroyable, historique même, Carlos Alcaraz devenant le premier humain à éliminer successivement Rafael Nadal et Novak Djokovic lors d'un même tournoi sur terre battue. Bien sûr, le premier revenait de blessure et le second manquait encore de repères, dans une saison marquée par ses ennuis juridico-sanitaires en Australie. Mais exproprier Nadal sur ocre en trois manches, puis déboulonner un Djokovic en pleine possession de ses moyens, s'apparente à un double exploit immense.
Le genre d'exploit dont la Suisse doit faire le deuil, elle qui n'a pas encore trouvé de successeur à Roger Federer (blessé) et Stan Wawrinka (sur le retour). Logique: notre pays, comme la Serbie d'ailleurs, ne possède pas le même réservoir de population ni la même densité de talents que l'Espagne. Les Ibères ont encore 7 joueurs dans le top 50 du classement mondial, contre deux pour la Serbie (Djokovic et Kecmanovic) et un seul pour la Suisse (Federer).
La fête continue donc en Espagne, où le public a chanté toute la semaine à la gloire de Carlos Alcaraz, allant jusqu'à huer le numéro un mondial, «coupable» d'avoir célébré le gain de sa première manche face à l'idole des lieux. Mais les hommages les plus appuyés sont venus du monde du tennis. Sur Prime Video, Martina Navratilova n'a carrément pas hésité à affirmer qu'Alcaraz était «une meilleure version de Djokovic».
Carlooooossssss
— Patrick McEnroe (@PatrickMcEnroe) May 7, 2022
Carlos Alcaraz a marqué les esprits par son enchaînement de victoires, mais pas seulement. Il y a autre chose chez ce garçon qui aime le golf et le Real Madrid (comme Gareth Bale). D'abord, beaucoup de maturité. Face aux médias comme sur le terrain. Son intelligence tactique, qu'il doit aussi à son entraîneur Juan Carlos Ferrero, un ancien expert dans le domaine, lui permet de faire des miracles, et de poser de savoureuses amorties pile au bon moment.
I want to believe in anything the way Alcaraz believes in his drop shot
— Laura Robson (@laurarobson5) May 7, 2022
Il y a aussi une force sauvage, un instinct de chasseur mâtiné d'audace, qu'il déploie par séquences en attaquant toutes les zones du terrain et dans toutes les positions.
Il y a, enfin, ses faux airs d'habitués, cette façon de gérer les points clés avec une maîtrise rare pour son âge. Sauver froidement une balle de break en milieu de 3e set, puis dominer le numéro un mondial Novak Djokovic dans un tie-break décisif, dit toute la sérénité qui escorte déjà l'Ibère. Et à ceux qui guettaient des signes de fébrilité en début de finale, Alcaraz leur a répondu en collant un 6-3 en 31 minutes à son adversaire.
Jusqu'où ira-t-il? Cette question aussi lui a été posée avant son dernier match de la semaine. «Y'a-t-il une limite à ce que vous pouvez accomplir?», a questionné un journaliste. Carlos Alcaraz a souri, puis répondu poliment: «Je ne pense pas.»
Plus rien ne semble l'effrayer, à deux semaines de Roland-Garros. Un tournoi qu'il abordera avec fraîcheur (il fait l'impasse sur le Masters 1000 de Rome cette semaine) et un moral gonflé comme le biceps gauche de Nadal, ce grand frère qu'il pourrait bientôt imiter: en 2005, après sa victoire à Rome, le Majorquin n'avait pas joué Hambourg, pour mieux remporter son premier Roland.