Les mauvaises langues dans les gradins de la Roy Emerson Arena de Gstaad se demandent si Robin Haase porte des protège-tibias sous ses bas ou s'il s'est trompé de sport. La dégaine du tennisman néerlandais, aligné dans le tournoi de double, fait en effet penser à celle d'un footballeur.
Ces mêmes esprits persifleurs imaginent peut-être que l'Italien Andrea Vavassori, de l'autre côté du filet, cache un tatouage qu'il regrette ou n'assume pas sous sa manche longue. Rien de tout ça!
Ces deux pros du tennis portent en fait des manchons de compression. Comme leur nom l'indique, ces tissus synthétiques élastiques exercent une pression sur les parties du corps qu'ils entourent. Objectif? Stimuler la circulation sanguine. «Il s'agit d'amener davantage d'oxygène dans les muscles pour optimiser le fonctionnement de ceux-ci et repousser la fatigue», explique Vincent Gremeaux, médecin du sport au Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv). Autrement dit, exactement ce qu'il faut pour des athlètes en plein effort. Les différents fabricants ne ratent d'ailleurs pas l'occasion de vanter leur produit miracle sur leur site internet.
Mais l'efficacité de ces manchons est-elle prouvée? Non. En tout cas pas pendant la pratique sportive. «En laboratoire, on n'arrive pas à reproduire les conditions de vrais matchs», argumente Vincent Gremeaux. «Les études ne montrent pas d’effets sur le flux sanguin, la fréquence cardiaque ou le ressenti de la difficulté de l’effort», complète son confrère Maxime Moreillon, de l'hôpital de La Tour à Meyrin (GE).
S'ils sont sceptiques quant aux bienfaits cardiovasculaires de ces équipements sportifs, les deux spécialistes leur reconnaissent toutefois une utilité. Et elle est d'abord mentale. «Certains sportifs se sentent bien grâce à l'effet sensoriel que peut avoir la compression, voire même au look que ces vêtements leur confèrent», observe Maxime Moreillon.
On peut aisément imaginer que l'extravagant Nick Kyrgios, récent finaliste de Wimbledon, appartient à cette dernière catégorie. Lors de l'Open d'Australie 2016, il avait foulé les courts avec un style on ne peut plus tape-à-l'œil et excentrique: des manchons pour bras jaune fluo et un débardeur rouge pétant.
Et puis, il y a le fameux effet placebo: même si la technologie n'a aucun impact positif, il suffit parfois d'être convaincu du contraire pour se sentir pousser des ailes.
Mais les manchons de compression ont bel et bien une utilité physiologique. Elle est d'ordre biomécanique. «En serrant les membres, ils diminuent les vibrations musculaires issues de l'impact sur le sol des pieds lors des courses et quand la balle frappe le cordage. Ainsi, les manchons réduisent les petites douleurs et augmentent le confort», analyse Vincent Gremeaux.
Le professeur du Chuv attribue encore une autre fonction à ces tissus, après une blessure:
Novak Djokovic, par exemple, en portait un sur tout son bras au début de la saison 2018, histoire de soulager ses douleurs au coude.
Cependant, pour les deux experts, les manchons de compression trouvent leur utilité surtout dans la phase de récupération. «Ils améliorent le drainage des déchets dans le sang et favorisent le retour veineux des muscles vers le cœur», applaudit Vincent Gremeaux. Du coup, les courbatures se font moins cruelles et l'enchaînement des matchs d'un jour à l'autre moins pénible. Logiquement, l'expert préconise leur port à ce moment-là. «Très peu d'athlètes le font», regrette son confrère Maxime Moreillon.
Accessoirement, c'est aussi le moment où les caméras sont rivées sur les athlètes – contrairement aux salles de repos –, un timing pas anodin au niveau du marketing pour les fabricants. Dans une perspective commerciale, l'allongement des tissus représente aussi un espace publicitaire supplémentaire, potentiel (pour de nouveaux sponsors) ou réel (une virgule floquée en plus pour Nike, par exemple).
A Gstaad, Robin Haase et ses bas (sans oublier son coéquipier Philipp Oswald, quand même) sont venus à bout des Italiens Vavassori et Sonego en demi-finale, avant d'être sacrés. De quoi faire des émules parmi les jeunes fans, après la mode des claquettes-chaussettes?