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Tokyo 2020

Tokyo 2020: pourquoi Belinda Bencic est si spéciale

Belinda Bencic à 12 ans.
Belinda Bencic à 12 ans.
Tokyo 2020

Pourquoi Belinda Bencic est si spéciale

A Tokyo, l'enfant prodige remporte le premier grand titre d'une carrière commencée tôt, à des fins pécuniaires, et poursuivie avec des goûts très personnels de beau jeu et d'émotions fortes.
31.07.2021, 16:40
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Belinda Bencic a quelque chose de spécial. Quelque chose que l'on n'enseigne pas sur les courts ou dans les manuels de dépassement de soi, avec des mantras de grenadiers de montagne: elle aime la compétition. Profondément. Viscéralement.

«Je crois que ça vient de mon caractère, émotive et compétitrice en tout. Pour moi, il n’est pas concevable de jouer juste pour le plaisir»
Septembre 2019, US Open

Et il fallait aimer la compétition, cette semaine, pour batailler au rythme de deux matches par jour, emmener Viktorija Golubic en finale du double (ce matin à 8 h en Suisse) et devenir championne olympique en solo, comme une vraie grande, au terme d'un duel harassant face à Marketa Vondrousova (7-5 2-6 6-3).

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On peut partir du postulat que les champions aiment la compétition (encore que...) mais Belinda Bencic y a développé une conception très personnelle du bonheur, en une succession de petites quêtes essentielles, bien au-delà des victoires éventuelles.

Les émotions fortes

Ainsi expliquait-elle aux médias internationaux, à l'US Open 2019, qu'elle aspirait aux clameurs, à une certaine effervescence, et qu'elle ne deviendrait jamais une chanteuse de salle de bains:

«C’est vrai, j’ai besoin de ce feu; surtout s’il vient du public et peu importe si c’est contre moi. Même quand je regarde du sport à la télévision, et que la foule hurle ou chante, j’en ai la chair de poule. Je n’aime pas les atmosphères molles ou neutres; c’est pourquoi j’adore jouer sur les grands courts. J’attends la même chose de mon staff: si je le vois vautré sur sa chaise, ça ne me plaît pas.»

Belinda Bencic, of Switzerland, reacts after defeating Naomi Osaka, of Japan, 7-5, 6-4 during the fourth round of the US Open tennis championships Monday, Sept. 2, 2019, in New York. (AP Photo/Frank F ...
Image: AP

Cette envie de monter sur scène est assortie d’une aversion profonde pour les répétitions. Il fut un temps où, pour éviter l'entraînement, Belinda Bencic s'inscrivait à un tournoi chaque semaine, et ce fut sans doute la cause de quelque fatigue ou blessure à répétition.

Le beau jeu

Elle aime gagner, dit-elle volontiers, et elle n'a jamais caché son ambition de devenir numéro une mondiale. Mais cette ambition se distingue du «successful» anglo-saxon par une démarche qui, si elle prétend à la validation statistique, ne se départit jamais de l'idéal stylistique.

«Je suis convaincue que bien jouer aide à gagner, et non l’inverse»

A des qualités innées de touché et de jugeote, Belinda Bencic a ajouté, sous la tutelle de Mélanie Molitor, une volonté impérieuse de dicter le jeu (prise de balle précoce, appuis ouverts, changements de rythmes et de trajectoires) dont elle semble tirer autant de bénéfices que de malins plaisirs.

Belinda Bencic à 12 ans.
Belinda Bencic à 12 ans.

Ce n'est pas une posture galante, pour la beauté du geste, et encore moins une coquetterie d’esthète. Il s'agit au final de gagner. Mais c'en est presque un acte de résistance dans un tennis féminin où, depuis bientôt quinze ans, des combattantes surentraînées mènent une guerre d'usure, embusquées derrière leur ligne de f(r)ont.

La main de Bencic distribue le jeu comme d’autres les coups. Il y a là l'idée d'une activité sensorielle plus que d'une force de frappe; mais ça n'en reste pas moins une tentative d'intimidation.

Un cadre

Elle se revendique consciencieuse, parfois pinailleuse et, en cela, profondément suissesse. «Dans notre pays, les gens respectent les règles, expliquait-elle aux journalistes étrangers. Ce n’est pas un cliché. Ailleurs, il n’y a pas de problème si quelque chose ne fonctionne pas bien. Moi, j'aime que tout fonctionne. En ce sens, je suis très suissesse. On se moque de mon respect des règles mais j’aime ça.»

epa09376146 Belinda Bencic of Switzerland uses a mobile air-condition unit to coold-down during a break while playing Elena Rybakina of Kazahstan during their Women's Singles Semifinal Tennis mat ...

Le sport lui permet de canaliser ses énergies, de leur donner un sens. Ce n'est pas un hasard si, à Tokyo, malgré un emploi du temps chargé (deux matches par jour), Belinda Bencic ne montre aucun signe de lassitude ou de fatigue. Tout est maîtrisé. Assumé.

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Sa différence

Ses parents ont décidé qu’elle baignerait dans la compétition alors qu’elles barbotait encore dans le placenta, et lui ont appris le service à la cuillère dès sa première compote de pomme. A 7 ans, elle avait déjà une société de management à son nom et un mécène.

Portrait of Belinda Bencic, second from the left, Swiss tennis player, with mother Dana, brother Brian and father Ivan, from left to right, pictured on July 17, 2009 in Wollerau, Canton of Schwyz, Swi ...
La famille au complet.Image: KEYSTONE

Belinda Bencic est le fruit d'un désir cupide mais elle a su se ré-approprier sa carrière, s'émanciper de son destin de championne-éprouvette, sans craindre les colères d'un père qu'elle continue de chérir, ni les jugements d'un pays qu'elle ne manque jamais de servir.

«C'est une personne déterminée, indépendante, mais pas du tout arrogante»
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«BB» cultive sa différence jusque sur le court où, au mépris de la doxa utilitaire et des préceptes psychorigides, elle évolue dans un état d'excitation permanente, sans rien cacher de ses sentiments, quitte à assumer une perte d’énergie, de temps, et de contrôle – mais quand on aime autant la compétition, on ne compte pas ses pertes.

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