Ils sont nombreux dans les cantons d'Uri, Schwytz, Obwald... Conservateurs au sens strict, ils ont pour habitude de refuser tout changement quand ils sont appelés à l'urne. Ceux que l'on appelle les «Neinsager» seraient-ils désormais aussi présents en Suisse romande? Cette bannière qui se multiplie ces derniers jours sur Facebook le laisserait croire:
Des Romands appellent à dire non lors des votations du 13 juin – qui obtiendraient pour l'instant cinq oui selon les sondages. Or, aucune des personnes jointes par watson ne s'estime conservatrice. Trois d'entre elles, représentatives d'une tendance réelle mais difficile à quantifier, ont pris le temps de nous expliquer leurs motivations.
Virginie est une entrepreneuse vaudoise de 42 ans. Michel, un contremaître de chantier fribourgeois d'une soixantaine d'années. Sarah, la trentaine, une Valaisanne aux activités diverses. Tous glisseront cinq non dans l'urne le 13 juin.
Comment expliquer qu'ils s'opposent à ces objets pourtant combattus tantôt par la gauche (comme la loi anti-terroriste), tantôt par la droite (comme les deux initiatives sur les pesticides)? D'abord, ils s'accordent sur leur refus des logiques partisanes: chacun d'eux dit s'engager en tant que citoyen, mais jamais en tant que militant d'un parti.
Apartisans, mais pas apolitiques. Chacun à leur façon, ces trois Romands témoignent d'une certaine méfiance à l'égard du pouvoir de l'Etat. Qu'il s'agisse du Conseil fédéral, accusé de céder à la tentation autoritaire, ou du parlement, échouant selon eux à représenter le peuple, une même déception les anime. Celle de ne plus se sentir souverains dans le pays de la démocratie directe:
Sur la nouvelle loi anti-terroriste, par exemple, les trois s'accordent à dire qu'elle est à la fois «mal ficelée» et «dangereuse pour notre Etat de droit». Au cœur de leur critique, la définition de l'activité terroriste, considérée comme trop vague, laissant libre cours à la police de surveiller des citoyens qui tout simplement ne plaisent pas à l'Etat.
Sur un plan plus positif, leur refus se veut tour à tour un soutien du «peuple», de la «base», des «gens du quotidien». Michel, qui s'est toujours trouvé dans une démarche d'opposition qu'il juge saine et modérée, a concrétisé cette préoccupation en étant l'un des initiateurs de l'association Les Ami.e.s de la Constitution, dont il préside la section fribourgeoise et qui est à l'origine du référendum sur la loi Covid:
Michel voit un point commun entre la Lex Covid, la loi anti-terroriste et les initiatives «environnementales». Celui d'un Etat qui ne fait pas confiance aux gens, sur le terrain. Les paysans, par exemple, suivent la bonne direction environnementale depuis des années selon le Fribourgeois. Leur ajouter des contraintes serait contre-productif. Un discours qui rejoint celui de la Valaisanne Sarah:
Virginie, Michel et Sarah l'assurent: ils ne sont pas des Neinsager dans l'âme. Ils se souviennent avoir voté «oui» à plusieurs occasions et en ont juste marre des «lois fourre-tout» et de «l'abandon de la population». Tous se réjouissent des mouvements citoyens naissant ici et là, ayant pour but de trouver des solutions intelligentes venant par le bas. Les votations, ce n'est finalement plus trop leur truc. A part pour dire non.