Le patron de la «Grande muette» a parlé et c'est dire si c'est rare. Le chef de l'Armée suisse, Thomas Süssli, estime que la guerre en Ukraine est le moment de repenser la politique de sécurité de la Suisse, comme il l'a expliqué samedi dans l'émission Samstagsrundschau de la radio SRF. Il était également en grande interview dans la Schweitzer am Wochenende. Le premier soldat du pays a assuré que les forces aériennes suisses ne pourraient tenir quatre semaines en cas de guerre.
Avec Armée 21 – une réforme adoptée par le peuple suisse en 2003 – la Confédération a décidé de dégraisser l'armée, a rappelé Thomas Süssli. Cette dernière dispose toujours de compétences, mais pour défendre toute la Suisse sur une longue période, les capacités font défaut.
Si depuis 2003, les capacités militaires ont été revues, est-ce affirmer pour autant que l'armée est incapable de remplir ses missions? Son chef précise:
Notons, pour pondérer le propos, qu'un rapport du Contrôle des finances a pointé du doigt, cette semaine, les failles dans l'administration. Une coordination brinquebalante entre l'armée, la protection civile et le service civil.
Alors où est le problème? Selon le militaire, il n'y a pas assez de moyens et plusieurs secteurs manquent d'investissement. Il souligne que la décision de dégraisser l'armée avait été largement soutenue à l'époque, mais il complète:
Et le soldat rappelle qu'il avait toujours été prévu qu'une «montée en puissance» devait rester possible si la situation politique mondiale devait changer. C'est désormais chose faite au vu du contexte international.
Dans l'émission Samstagsrundschau, Thomas Süssli ne s'est pas exprimé directement sur les revendications des élus bourgeois en faveur d'une rallonge au budget de l'armée. Il s'est contenté de rappeler qu'il existait déjà un plan pour les douze prochaines années en ce qui concerne les acquisitions et le développement des capacités dont l'armée aura besoin à l'avenir.
Les scénarios retenus correspondent en grande partie à ce que l'on voit actuellement en Ukraine, notamment en ce qui concerne les cyberattaques ou les campagnes de désinformation, a expliqué le militaire. L'institution examine, toutefois, si des adaptations sont nécessaires. Si le militaire ne se prononce pas directement sur le débat politique, il lance néanmoins, à propos d'une hausse possible des moyens alloués à la modernisation:
Et le peuple en pense quoi? Le conflit ukrainien ne semble pourtant pas le motiver à dépenser davantage pour le budget de l'armée. En revanche, ils seraient plutôt favorables à l'achat des avions de combat F-35. Seuls 45% des sondés estiment que le budget de l'armée doit être augmenté et un réarmement engagé, selon un sondage publié par les journaux de Tamedia, le 21 mars.
Le chef de l'armée a également déclaré, dans la Schweiz am Wochenende qu'en cas de menace accrue, la Suisse ne pourrait maintenir sa défense aérienne que pendant un mois.
En effet, pour une défense adéquate, quatre avions de combat devraient être simultanément en vol, a expliqué Thomas Süssli. Avec les 36 jets F-35 que la Suisse veut acheter aux Américains, les capacités n'excèderont ainsi pas plus d'un mois.
Le militaire est clair: «L'adhésion à l'Otan est actuellement hors de question». Il y a, toutefois, un «mais». En effet, dans le cas hypothétique où la Suisse devait entrer en conflit, sa neutralité tomberait, selon Thomas Süssli. Par conséquent, cela et lui offrirait la capacité de collaborer militairement avec d'autres Etats. Dans ce contexte, le militaire commente:
Ainsi, le chef de l'Armée suisse a expliqué que les Etats proches attendaient de la Suisse qu'elle contribue à la sécurité. Il s'agit, toutefois, d'affirmer de manière crédible notre position de pays neutre, a rappelé le soldat. D'un point de vue purement militaire, une collaboration plus étroite avec l'Otan et l'Union européenne aurait tout son sens, selon lui. Il s'agit, cependant, d'une décision politique.
La Suisse n'est pas menacée militairement pour le moment, a déclaré le patron de l'Armée suisse. Il n'y a pas de signes en ce sens, même si le risque est bien sûr plus élevé qu'auparavant. Il en va de même pour une escalade nucléaire. Le risque est faible, mais plus élevé que par le passé. (jah)