«Ils veulent des personnes exclusivement vaccinées», c'est par ces mots, écrits noir sur blanc dans un e-mail il y a quelques jours, qu'Estelle* a appris qu'elle ne décrocherait pas l'emploi qu'elle convoitait à Genève. «Lors d'un pré-entretien, la personne m'a demandé si j'avais le passe vaccinal. J'ai pensé qu'il y avait une confusion avec la France, alors j'ai précisé que j'avais le certificat Covid parce que j'avais eu le virus en décembre.»
La Vaudoise aurait eu meilleur temps de ne rien dire. Quelques heures plus tard, elle reçoit un e-mail lui indiquant que sa candidature n'irait pas plus loin, l'entreprise n'acceptant plus que des personnes vaccinées. «Sur le coup, j'ai été surprise, j'ai cru à une blague.» Elle poursuit:
Car la quadragénaire, dont l'immunité a été boostée par les anticorps liés à la maladie, possède un certificat 2G+, le plus haut niveau possible en Suisse. Si Estelle ne souhaite pas aller plus loin dans cette affaire, elle s'interroge: «Est-ce légal de faire ça? Est-ce que cela va se répéter pour d'autres emplois? Si les entreprises n'acceptent plus que des personnes vaccinées, cela peut pousser des gens dans des situations de grande précarité».
Pour Michel Chavanne, avocat spécialisé en droit du travail, l'employeur pourrait être condamné dans une telle situation. «Il la discrimine clairement pour une mauvaise raison. Il utilise une donnée personnelle qu'il n'a pas le droit d'utiliser pour l'écarter d'un processus de candidature.» A ses yeux, la situation d'Estelle est symptomatique d'un phénomène plus large depuis l'arrivée du Covid:
Qui est vacciné, qui ne l'est pas? Qui a été malade? Le spécialiste observe que les employés livrent spontanément des informations que l'employeur n'est même pas en droit de demander. «Les données médicales sont des données sensibles que chacun peut garder pour lui», rappelle-t-il.
Dans le cas d'Estelle, la seule question qui aurait donc dû être posée et répondue dans le cadre de l'entretien d'embauche est: «Possédez-vous le certificat Covid? Peu, importe comment il a été obtenu».
Si l'entreprise peut le justifier, une offre d'emploi pourrait effectivement s'adresser uniquement aux personnes titulaires du certificat, précise l'avocat. Par exemple, si le poste réclame que l'employé puisse accéder à des lieux qui exigent le fameux sésame.
*Prénom d'emprunt