Sept minutes de verbiage présidentiel pour une heure de conférence de presse comblée par des spécialistes. Sous les premiers bombardements russes en Ukraine, ce jeudi 24 février, c'est ce que le Conseil fédéral a eu de plus fort et de plus symbolique à offrir à ses citoyens. C'est vrai, son apparition furtive a été annoncée: Ignazio Cassis devait filer, conseil permanent de l'OSCE oblige. Sauf que, du symbole, il en aurait fallu.
Surtout le jour où chaque mot de Vladimir Poutine est scruté, disséqué, analysé, à la syllabe près et où chaque chef d'Etat du monde occidental est censé démontrer qu'il est capable de hisser solidement sa nation au sommet de ses déclarations. Alors que l'Europe a été assommée à l'aube par le début d'une guerre qui s'annonce (au mieux ) compliquée, les Suisses ont eu droit à un Ignazio Cassis fantomatique et expéditif. Un agenda chargé n'est, ici, pas une excuse très recevable.
Nous ne parlons pas ici de stratégies, de décisions ou d'éventuelles nouvelles sanctions suisses qu'il aurait fallu (ou non) annoncer. Encore une fois: c'est jour de symbole. Et toute déclaration de guerre draine son lot de symboles. Hasard du calendrier, Emmanuel Macron a pris la parole quelques minutes plus tôt pour s'adresser aux Français. Oui, aux Français. Un peuple doit savoir s'il peut compter sur un patron aux épaules suffisamment solides pour regarder le reste du monde dans le blanc des yeux, surtout quand ce dernier se met méchamment à trembler. Macron a bien sûr dénoncé, promis, menacé. Mais ce n'est pas, ici, le propos.
Il devait surtout se dévoiler aux Français le verbe assuré, le regard droit et les silences pleins. Mission accomplie. Le président de la République avait du symbole aux commissures des lèvres. Malgré un agenda au moins aussi chargé. Ce jeudi noir, nous pensions donc naïvement que le président de la Confédération allait lui emboîter le pas (et l'allure). Mais Cassis s'est cassé.
En sept petites minutes, quelques lieux communs sur les conflits passés en Europe et une condamnation «officielle» des attaques russes. Sept minutes de banalités diplomatiques, sans charisme ni aplomb, et puis s'en va. Ignazio Cassis a quitté la salle de presse, l'oeil vautré sur ses mocassins, pour laisser sa place aux spécialistes fédéraux qui connaissent le dossier. Comme si, là, nous rêvions de potasser des dossiers.
Le rôle (qui sait) crucial de la Suisse dans ce conflit aurait mérité bien meilleure représentation. Car si «neutralité ne signifie pas indifférence», ça ne devrait pas non plus signifier pleutrerie.