Le trafic de crystal meth était tellement lucratif que les prévenus ne savaient pas comment écouler l’argent. Le chef de bande s’est alors mis à acheter des voitures de marque, tandis que la mère de l'un des accusés les aidait à blanchir l'argent. Ce n'est pas le scénario d'un épisode de Breaking Bad, mais le récit d'un procès qui s'est ouvert, mercredi, devant le Tribunal pénal de Porrentruy, comme le rapporte le Quotidien Jurassien.
C'est la première fois qu'une audience se penche explicitement sur le trafic de crystal meth dans ce canton. Le même jour, la police valaisanne annonçait la saisie d'une importante quantité de cette drogue, à savoir près d'un kilo, après plusieurs mois d'investigations.
Popularisé dans la culture de masse par les séries télé et le cinéma, le crystal meth ne fait pas souvent parler de lui en Suisse. Ce mercredi, en l'espace de 24 heures, le voilà surgir deux fois dans l'actualité. Que se passe-t-il? Cette drogue de synthèse est-elle devenue tendance dans notre pays?
«La méthamphétamine a fait son apparition en Suisse il y a une vingtaine d'années», explique Frank Zobel, vice-directeur chez Addiction Suisse. «A l'époque, on en trouvait sous forme de pilules, qu'on appelait "pilules thaïes". Elles étaient importées des pays d'Asie, tels que le Laos et la Thaïlande, et ensuite vendues dans des salons de massage».
Les pilules ont progressivement été remplacées par le crystal meth, apparu vers 2010. Ce dernier est plus pur et se présente sous forme de cristaux blancs, précise le spécialiste. «Aujourd'hui, il est la substance principale quand on parle de méthamphétamine».
Présent donc depuis quelques temps sous nos latitudes, le crystal meth n'est pas beaucoup consommé en Suisse, assure Frank Zobel. «Il l'est beaucoup moins que les substances les plus répandues, qui sont le cannabis, la cocaïne, l'ecstasy, l'amphétamine et l'héroïne».
Mais on peut tout de même en trouver. Et, contrairement à toutes ces substances, il n'est pas consommé dans l'ensemble du pays, mais dans un endroit plutôt spécifique: le triangle entre Neuchâtel, Bienne et Bâle.
Une hypothèse formulée par la police neuchâteloise soutient que cette situation soit liée à l'époque des «pilules thaïes». «Dans cette zone, il y avait beaucoup de salons de massage», explique Frank Zobel. «Les pilules y étaient donc très répandues, et le crystal meth serait venu s'y ajouter».
Cette drogue est principalement achetée à la frontière entre l'Allemagne et la République tchèque, poursuit le vice-directeur d'Addiction Suisse. «Le plus souvent, ce sont les mêmes consommateurs qui vont la chercher sur place pour la ramener chez nous. Il s'agit de gens qui achètent pour eux-mêmes ou pour revendre la drogue à d'autres clients. On n'assiste donc pas à une situation de trafic très organisé».
Le trafic démantelé en Valais représente donc plutôt une exception. Frank Zobel rappelle, en outre, que le crystal meth peut également être acheté sur le «dark web», comme toute substance illégale.
Pour ce qui est des laboratoires, élément emblématique de la méthamphétamine dans la culture populaire, seuls quelques-uns ont été découverts en Suisse. «Ce n'était pas l'oeuvre de professionnels, il s'agissait d'amateurs, de consommateurs qui essayaient de faire du Breaking Bad dans leur cuisine, sans y arriver toujours d'ailleurs», explique Frank Zobel. «C'est ce qu'on appelle des "kitchen lab"».
Si le crystal meth est consommé dans des quantités relativement petites, c'est tout d'abord à cause de son prix. «Il faut savoir que les drogues sont extrêmement bon marché en Suisse, se droguer coûte moins cher qu'aller au cinéma», affirme Frank Zobel.
A titre d'exemple, illustre le spécialiste, «un gramme de méthamphétamine coûte 150 à 200 francs, alors que le gramme de cocaïne s'achète pour moins de 100 francs».
Un autre facteur, plus inattendu, joue en défaveur de la méthamphétamine, poursuit le vice-directeur d'Addiction Suisse. «Il s'agit d'un stimulant très puissant, ses effets sont extrêmement forts». Presque trop forts. «Beaucoup de toxicomanes avec qui l'on a parlé nous ont dit qu'ils la trouvent trop forte et ont, par conséquent, décidé de ne plus en consommer après l'avoir testée».
«La méthamphétamine est difficilement compatible avec une vie "normale", car en privant le consommateur de sommeil, elle entraîne des situations d'épuisement extrême»
La grande puissance de cette drogue constitue, par ailleurs, l'un de ses principaux dangers. «Les effets sont suivis d'une descente très rapide et spectaculaire, une véritable petite dépression qui pousse les gens à reconsommer», détaille l'expert. «La personne dépendante peut entrer dans des cycles d'hyperconsommation, pendant lesquels elle ne mange pas, ne dort plus et dépense tout son argent pour se droguer. Cela entraîne une perte de contact avec la réalité, l'épuisement et des problèmes cardiaques».
Le crystal meth n'est donc pas en passe de s'imposer en Suisse. «Au niveau international, on a observé qu'il s'agit d'une drogue de deuxième choix, qui s'installe quand les autres ne sont pas disponibles», conclut Frank Zobel. Ce n'est pas du tout le cas dans notre pays.