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La piscine de Porrentruy interdite aux Français rejaillit à Paris

Interdiction des Français à la piscine de Porrentruy en juillet 2025.
Le maire de Porrentruy Philippe Eggertswyler (médaillon), la piscine de Porrentruy et le Club Ados de Delle où l'on se prépare aux baignades.Image: watson

«On ne cible pas des faciès»: la piscine de Porrentruy rejaillit à Paris

L'interdiction de la piscine de Porrentruy aux «étrangers» fait grand bruit en Suisse et en France. watson a rencontré ce lundi le maire de la ville jurassienne, Philippe Eggertswyler, avant d'aller au Club Ados, à Delle, de l'autre côté de la frontière. A Paris, l'ambassade suisse et le parlement français sont sur l'affaire.
07.07.2025, 18:3213.07.2025, 10:55
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Une équipe de TF1 devait venir en reportage à la piscine de Porrentruy ce lundi 7 juillet. «Vu le temps pourri annoncé pour aujourd’hui, je leur ai proposé de repousser à jeudi, il devrait faire à nouveau beau et chaud», raconte Philippe Eggertswyler, le maire de cette ville jurassienne dont tout le monde parle en Suisse et en France.

Début juillet, à la majorité de ses sept membres, l’exécutif bruntrutain votait une mesure peu banale, qui interdit aux étrangers sans permis d’établissement ou de travail en Suisse, touristes exceptés, la fréquentation de la piscine municipale. En cause: des incivilités commises par des «bandes» venues de France voisine.

Jeudi 10 juillet, la première chaîne de télévision française TF1 est donc attendue à Porrentruy. Le même jour, le maire devrait recevoir dans son bureau de l’Hôtel de Ville à la belle façade baroque XVIIIe, la visite de Matthieu Bloch, le député de la troisième circonscription du département voisin du Doubs, qui comprend Montbéliard, une ville avec ses petites cités à problèmes. «Il souhaite me rencontrer», affirme Philippe Eggertswyler, 56 ans, allure svelte, vêtu d’un jean et d’un sweat-shirt. Matthieu Bloch appartient au groupe UDR, qui s'est séparé du parti de droite Les Républicains pour faire alliance avec le Rassemblement national aux élections législatives anticipées de 2024.

Répercussions à Paris

En France comme en Suisse, depuis quelques jours, c’est l’emballement. La première interdiction de piscine frappant les «étrangers», prise en 2020 par la même municipalité, pour les mêmes raisons, n’avait pas provoqué un tel émoi.

Lundi soir à Paris, l’ambassadrice de Suisse, Tania Cavassini, donnait une réception. Le député Matthieu Bloch, vice-président du groupe d’amitié franco-suisse à l’Assemblée nationale, devait y assister, a indiqué son entourage à watson. L'affaire de la piscine de Porrentruy, qui n’est pas sans conséquences diplomatiques et qui a fait réagir en Suisse la Commission fédérale contre le racisme, devrait être abordée à cette occasion. Elle le sera à coup sûr ce mardi par les groupes d’amitié franco-suisse de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui se réunissent fort à propos.

Philippe Eggertswyler, maire de Porrentruy.
Philippe Eggertswyler, maire de Porrentruy.image: watson

«Des délinquants, la racaille»

Dimanche soir, CNews interviewait en duplex Lionel Maitre, le responsable politique espace-loisirs du Syndicat intercommunal du district de Porrentruy (SIDP) et à ce titre partie prenante dans la décision concernant la piscine. Le plateau de cette chaîne française classée à l’extrême droite buvait du petit lait en écoutant ce représentant de la démocratie suisse, où tout semble être plus simple qu’en France.

«Comment appelez-vous ces jeunes venus de France et qui se comportent mal?», demandait l’animateur. «Des délinquants, la racaille», répondait du tac-à-tac Lionel Maitre, par ailleurs maire de Boncourt, à la frontière française – le terme «racaille», s’il a de tout temps désigner la «mauvaise graine», décrit depuis quelques années de façon généralement stigmatisante et à mot couvert les «Noirs» et les «Arabes» de banlieue au comportement violent.

«Ni xénophobie, ni racisme»

Dans cette affaire, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment médiatique. Mais pour Philippe Eggertswyler, il n’y a pas d’ambiguïté, «parce qu’il n’y a ni xénophobie, ni racisme, dans notre décision».

«C’est précisément parce que nous nous refusons tout délit de faciès que nous avons pris un arrêté de portée universelle, visant toute personne non-suisse, sauf exceptions. Les frontaliers français d’origine maghrébine ayant un permis de travail helvétique peuvent venir à la piscine de Porrentruy.»

Philippe Eggertswyler l'assure:

«Notre décision ne cible pas des faciès, mais des comportements inacceptables»
Philippe Eggertswyler

La semaine dernière, Lionel Maitre avait renseigné watson sur ces comportements prohibés: harcèlement, violences verbales et physiques, baignades en sous-vêtement, etc. Philippe Eggertswyler cite de son côté le cas d’une famille revenant de baignade et qui ne retrouvait plus ses affaires, déplacées ailleurs par ces jeunes devenus indésirables. Sur la vingtaine d'individus appréhendés, la quasi-totalité provenait de France voisine, avec un profil «issus de l'immigration».

Elu PCSI, le Parti chrétien-social indépendant, émanation de l'ex-PDC, Philippe Eggertswyler ne voulait pas transformer la piscine de Porrentruy en une espèce de camp sous surveillance, «avec des maîtres-chiens patrouillant dans l’enceinte du bassin et des fourgonnettes stationnées à l’extérieur».

«Je ne voulais pas que des enfants ou des parents assistent à des plaquages au sol de délinquants par des membres de la sécurité. Ce n'est pas pour cela qu'on vient à la piscine»
Philippe Eggertswyler

Le maire rejette les leçons de morale. «Dans le civil, je suis éducateur et je dirige un établissement accueillant justement des jeunes aux comportements parfois violents. Par expérience, je sais qu’un éducateur seul ne peut rien face à des phénomènes de bande, de meute, comme ceux que nous avons constatés à la piscine. Dans notre métier, la prévention est capitale, mais il faut aussi parfois réprimer en disant tout simplement non.»

La piscine de Porrentruy pose des problèmes dilplomatiques.
Club Ados de La Voinaie, Delle.Image: watson

Pendant ce temps, au Club Ados de Delle

A une quinzaine de kilomètres de Porrentruy, Delle, en France, face à Boncourt, le garde-manger des frontaliers suisses, tout y est abondant et moins cher. A La Voinnaie, un quartier populaire où se sont installées il y a une cinquantaine d'années des familles immigrées venues travailler en France, Viviane, la cheffe, et Mourad, son adjoint, veillent sur le Club Ados, une structure d’accueil destinée aux adolescents. Il faut insister pour qu’ils veuillent bien s’exprimer sur la situation. «On est apolitique et laïque, j’insiste sur laïque», affirme Viviane.

«Nous, on n’emmène pas nos jeunes, âgés de 14 à 18 ans, à la piscine de Porrentruy. Il y a quelques années, le Club Ados de La Voinaie avait été interdit de piscine de Delle, à cause violences, mais ça, aujourd'hui, c'est fini»
Viviane, responsable du Club Ados

Parmi les ados rassemblés ce lundi matin au Club Ados, des têtes brunes et des têtes blondes. On croit comprendre que les piscines sont des lieux à éviter ou dont on n'est jamais sûr de leur ouverture au public en raison des incivilités, un phénomène généralisé en France. Alors l’été, pour les baignades, les jeunes de La Voinaie vont à la base de loisirs de Brognart ou à celle de Malsaucy, toutes deux situées dans les environs. Mais le «clou», cette année, sera la semaine de vacances au Parc des Eaux-Vives, à Huningue, en Alsace. Tous s’en réjouissent.

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Video: watson
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