La «panne de système» qui a provoqué la fermeture de l’espace aérien suisse dans la nuit de mercredi, nourrit des peurs rétrospectives. Que se serait-il passé, si cet incident informatique, survenu chez le contrôleur aérien Skyguide et qui a empêché tout mouvement d’avion dans les heures suivantes aux aéroports de Genève et Zurich, s’était produit de jour, lorsque le trafic est dense, les décollages et atterrissages, nombreux?
«Il y a un facteur chance dans la temporalité de l’événement», reconnaît Quentin Tonascia, président du syndicat HelvetiCA représentant les employés du contrôle aérien suisse. «Mais ce que nous, contrôleurs aériens, avons su gérer cette nuit-là, nous sommes naturellement capables de le gérer de jour, quelle que soit la densité du trafic», affirme-t-il. «Nous sommes formés à des protocoles prenant en compte toutes les situations d’urgence possibles et imaginables. La panne de système complète que nous avons connue dans la nuit de mercredi fait partie de ces situations.»
On parle de «rate zero» en termes de trafic: le problème informatique rencontré était tel, qu'il a été décidé par Skyguide d’interdire tout décollage et atterrissage aux aéroports placés sous son contrôle. La piste privilégiée est celle d’une panne au niveau de la redondance, ce système informatique de secours qui prend normalement le relais du premier quand celui-ci connaît une défaillance. Or, le relais n’a pas fonctionné cette fois-ci. Pourquoi? C’est ce qu’il s’agit de savoir dans les plus brefs délais, déclarait mercredi le directeur général de Skyguide, Alex Bristol.
Comment faire face à pareille panne lorsqu’on est contrôleur aérien? Et d’abord, que voit-on ou que ne voit-on plus sur son écran de contrôle? Quentin Tonascia n’était pas en service dans la nuit de mercredi, mais il conçoit le problème qui s’est posé.
A partir de là, il faut agir. En fonction de protocoles d’urgence. Celui mis en œuvre mercredi dans la nuit a été l’arrêt complet du trafic: aucun décollage, aucun atterrissage. «Il est certain que, de jour, cela aurait compliqué la tâche des contrôleurs, étant donné la masse de trafic à gérer, mais il ne faut pas s’inquiéter à posteriori. Nous aurions fait face à la situation», assure Quentin Tonascia. «Le nombre de mouvements quotidiens (réd: décollages et atterrissages) à l’aéroport de Genève, oscille en ce moment entre 320 et 390», informe le directeur ad interim de la communication de Genève Aéroport», Ignace Jeannerat.
«Par heure, le nombre additionné des décollages et atterrissages à l’aéroport de Genève est d’environ 40», reprend Quentin Tonascia:
En cas de panne complète du système de contrôle comme celle de mercredi, le contact de la tour au sol avec les avions se fait par radio. «Les avions dont la destination est Genève sont déroutés vers des aéroports de délestage, Lyon ou Milan, par exemple. Ceux qui ne devaient que survoler la Suisse sont soit déroutés, soit maintenus dans leur couloir de vol, ce qui peut être plus simple à gérer. Il est très important de maintenir la séparation entre les avions.»
On pourrait penser, vu l’exiguïté du territoire suisse, qu’il suffit de demander aux contrôleurs des aéroports de Lyon, Vienne ou Milan de suppléer au pied levé à la défaillance du contrôle suisse.
Aurait-il été possible de faire appel au contrôle aérien militaire suisse? «Non, car les contrôleurs militaires ont des procédures en lien avec des aérodromes dédiés, comme celui de Payerne, par exemple», explique encore le président d’HelvetiCA, le syndicat des contrôleurs aériens.
Un voile sera-t-il pudiquement jeté sur la panne de mercredi, qualifiée d'«historique» le jour même par le directeur général de Skyguide? Cela ne semble pas être l'intention de Quentin Tonascia, le président du syndicat des contrôleurs aériens:
Dans cette affaire, il en va de la sécurité des passagers et des personnels de vol, mais aussi, comprend-on, de l'honneur du contrôle aérien suisse.