«On s'en fout de la cinquième vague.» La réaction est épidermique quand on évoque la probable arrivée d'une nouvelle salve de Covid cet automne. Pourtant, force est de constater que, partout en Europe, les chiffres de la pandémie repartent à la hausse. Et la Suisse n'échappe pas au phénomène:
Mais, juste pour une fois, juste pour cette vague, ne pourrait-on pas dire qu'on s'en fiche? «Ce serait totalement irresponsable pour soi, pour les autres, pour la collectivité», répond sans détour l'infectiologue, Philippe Eggimann. Si le président de la société médicale de la Suisse romande (SMSR) comprend tout à fait que le public puisse être fatigué de la pandémie, il assure que l'ignorer n'est pas une réaction très mature:
Philippe Eggimann précise d'ailleurs que cette cinquième vague réunit toutes les conditions (rentrée scolaire, retour de l'hiver, baisse de l'immunité des personnes vaccinées, etc.) pour être plus importante que la quatrième.
«Peut-être qu'on en a trop fait avec cette pandémie, maintenant les gens sont fatigués du Covid. S'en ficher, cela peut être une manière de se protéger», observe Serge de Vallière, infectiologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv) et Unisanté. Il rappelle, pourtant, que ne pas prendre en compte la cinquième vague met en péril ceux qui n’ont pas développé d’immunité après la vaccination en raison d’une maladie sous-jacente .
A ses yeux, l'important, pour savoir s'il faut s'inquiéter ou non de l'arrivée d'une nouvelle vague, est de se demander quel sera son impact sur le système sanitaire. «Si les soins intensifs sont surchargés avec des patients souffrant de la maladie Covid, vous ne pouvez pas utiliser ces lits pour d'autres choses.»
Conséquence: les opérations non urgentes doivent être reportées. «Cela va avoir une répercussion sur le bien-être de ces gens. Leur prise en charge sera retardée et leurs souffrances prolongées», détaille le spécialiste tout en précisant que le retard pris l'an passé n'a pas encore été résorbé.
Mais alors, ne pourrait-on pas augmenter les capacités d'accueil des hôpitaux suisses afin d'éviter la surcharge et de pouvoir, très égoïstement, ne pas se préoccuper de la cinquième, de la sixième et de toutes les vagues à venir?
Ce n'est pas si facile, à écouter Serge de Vallière: «Bien sûr, on pourrait développer les soins intensifs, mais des infirmiers et des médecins, on n'en trouve pas si facilement, surtout dans l'urgence». Autre problème de taille, le coût de l'opération. «Chaque lit représente plusieurs milliers de francs par jour. Il y a déjà beaucoup de pression sur les coûts de la santé, je ne pense pas qu'on puisse se permettre de les faire encore augmenter.»
Nous voilà donc coincés avec cette cinquième vague et l'obligation de s'en soucier. Et c'est bien là tout le problème à en croire le politologue René Knüsel:
Alors qu'en mars 2020, la situation était suffisamment anxiogène pour que chacun se sente individuellement menacé, désormais une partie de la population banalise la situation. «Le Covid entre de plus en plus dans une forme de normalité. Mais il est encore trop tôt pour dire "je m'en fous".»
Philippe Eggimann va dans le même sens. Il précise d'ailleurs que les vaccinés sont tout aussi concernés que les non-vaccinés. Même si la piqûre réduit les chances de souffrir de conséquences graves de la maladie, l'infectiologue rappelle que les vaccinés peuvent toujours attraper et transmettre le virus:
Malgré la fatigue et la lassitude, l'expert invite donc les Suisses à rester concentrés sur l'objectif final. «Souvenez-vous tout ce qu'on a vécu depuis mars 2020, on a fait un chemin invraisemblable. On ne va pas lâcher alors qu'on est dans la dernière ligne droite.»