Suisse
Nucléaire

«Non à tout nouveau réacteur nucléaire français à côté de Genève»

Frédérique Perler, maire de Genève.
Frédérique Perler, maire de Genève. Montage: saïnath bovay

«Nous refusons tout nouveau réacteur nucléaire français à côté de Genève»

Dans une interview à watson, Frédérique Perler, la maire écologiste de Genève, dit sa ferme opposition à la construction de nouveaux réacteurs à la centrale nucléaire du Bugey, en France voisine.
22.01.2022, 08:4823.01.2022, 19:47
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Que savez-vous précisément des intentions du gouvernement français concernant la centrale nucléaire du Bugey, située dans l’Ain, à 70km à vol d’oiseau de la frontière genevoise?
Frédérique Perler:
Nous avons appris, Ville et canton de Genève, que la France avait décidé de prolonger de dix ans la durée de vie de la centrale nucléaire du Bugey et qu’une nouvelle installation de dépôt de déchets radioactifs allait être mise en service, sans concertation avec Genève. Cela remonte à 2019. Et puis, à la fin de l’année dernière, nous avons eu connaissance, par la presse, de l’intention du gouvernement français de construire de nouveaux réacteurs dits de nouvelle génération, des EPR, dont possiblement deux au Bugey.

Cela va-t-il se faire?
Rien n’a été signé semble-t-il à ce propos, côté français. En tout cas, nous ne disposons pas, pour l’instant, des bases juridiques pour recourir à l’installation d’EPR au Bugey, ou, plus au sud, à la centrale du Tricastin, dans la Drôme.

S'agissant, d'une part, de la prolongation de dix ans de la centrale du Bugey, d'autre part, d’une nouvelle installation d’entreposage de déchets radioactifs, en quoi consiste votre recours?
Il faut savoir que sur le dossier du nucléaire civil, principalement sur la question de la centrale nucléaire du Bugey, la Ville et l’Etat de Genève travaillent ensemble. Nous avons donc mandaté un cabinet parisien pour défendre nos intérêts. Il s’agit du cabinet d’avocats de Corinne Lepage, l’ancienne candidate écologiste à l’élection présidentielle de 2002, auparavant ministre de l’Environnement de 1995 à 1997. Nous avons déposé une première plainte en 2019 devant l’Autorité de sûreté nucléaire française. Cette première plainte ayant été déboutée, nous avons déposé un recours le 23 février 2021. Nous attendons toujours une décision.

«Parce que nous serions impactés en cas d’accident»

Est-ce que des partenaires français se joignent à vos démarches juridiques?
S’agissant de la plainte et du recours dont je viens de faire état, nous sommes seuls, Ville et canton de Genève.

Pourquoi estimez-vous être en droit de recourir dans cette affaire nucléaire juridiquement française?
Parce que nous serions impactés en cas d’accident nucléaire, tout particulièrement si cela se produisait à la centrale du Bugey.

Vous attendiez-vous à un possible démantèlement de la centrale du Bugey, 42 ans d’exploitation cette année, lorsque le président Macron, en 2018, avait annoncé l’arrêt d’ici à 2035, de 14 réacteurs sur les 58 que compte la France?
Nous aurions pu l’espérer. Nous serions en tout cas absolument ravis d’une telle annonce concernant le Bugey.

Parce que c’est une centrale relativement ancienne?
Entre autres pour cette raison. Ce qui est sûr, c’est que la Constitution genevoise précise bien que les autorités cantonales s’opposent, par tous les moyens à leur disposition et dans la limite de leurs compétences, à l’installation de centrales nucléaires ou de dépôts de déchets radioactifs sur le territoire genevois et au voisinage du canton. Et nous estimons légitimement que la centrale du Bugey, distante de 70 km seulement à vol d’oiseau, se situe dans le voisinage genevois. Enfin, rappelons le moratoire fédéral qui interdit la construction de tout nouveau réacteur nucléaire en Suisse.

Si, par principe, vous et le canton de Genève êtes opposés à ce voisinage avec le nucléaire civil français, on peut penser que vous l’êtes encore plus à l’éventuelle installation d’un et peut-être deux nouveaux réacteurs sur le site du Bugey? Pour ce qui vous concerne, cela relancerait la question nucléaire pour des décennies.
C’est certain. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà demandé au cabinet d’avocats de Corinne Lepage à Paris d’étudier un angle juridique sur lequel nous pourrions recourir, si, d’aventure, le gouvernement français décidait de construire de nouveaux réacteurs nucléaires à cet endroit. Il est probable qu’il n’y aura pas de décision française sur ce dossier avant l’élection présidentielle d’avril. Il est en tout cas bien clair que nous refusons la construction de tout nouveau réacteur français à côté de Genève.

«Je me méfie des conclusions des experts»

Quel est votre avis sur l’énergie nucléaire?
Pour moi, qui suis une élue verte, l’opposition à l’énergie nucléaire est quelque chose de fondamental. C’est une énergie qui pose beaucoup de problèmes. D’une part, quant à l’approvisionnement des matières premières non durables nécessaires à sa production. D’autre part, c’est une énergie qui produit des déchets qui sont irradiants pendant des milliers d’années, ce qui est problématique pour les générations futures. Enfin, le fonctionnement, en tant que telle d’une centrale, est dangereux en cas d’accident.

Si l’accident de la centrale de Tchernobyl en 1986 a eu des conséquences dramatiques, il semblerait, selon un rapport de l’ONU, que celui survenu en 2011 à Fukushima n’ait provoqué aucun cancer dû aux radiations.
Je me méfie de telles conclusions, qui peuvent être orientées. Le nucléaire est une énergie en soi dangereuse. En cas d’accident, on sait très bien qu’il y a des effets connexes sur tout le vivant.

Savez-vous si le territoire genevois consomme du nucléaire français?
Le canton de Genève est approvisionné par SIG, les services industriels genevois. SIG propose une énergie 100% renouvelable. En ce qui concerne la Ville de Genève, l’énergie qu’elle achète est 100% renouvelable.

C’est là un renouvelable contractuel, parce que, dans les faits, il est impossible d’affirmer que la Ville de Genève ne consomme pas d’énergie nucléaire aussi, étant donné son raccordement aux réseaux internationaux.
Oui, c’est un renouvelable basé sur des contrats, calculé en fonction des besoins de la Ville.

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