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L'espace public n'est pas toujours accueillant pour les LGBTIQ+

Lancé de ballons à Cologne (Allemagne) le 17 mai 2014.
Lancé de ballons à Cologne (Allemagne) le 17 mai 2014.

«L'espace public n'est pas toujours accueillant envers les LGBTIQ+»

Rencontre avec la spécialiste Carolina Topini à l'occasion du 17 mai, Journée internationale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie
17.05.2022, 06:0201.12.2022, 11:01
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Ce 17 mai, c’est la Journée internationale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie. Elle commémore le retrait par l’OMS de l’homosexualité de la liste des maladies mentales, il y a de ça 32 ans.

Dans ce cadre, la Ville de Genève a déployé une campagne de sensibilisation et d’affichage, du 09 au 22 mai, en collaboration avec les milieux associatifs et institutionnels. Le thème de cette année? «Nos corps, nos fiertés». Celui-ci célèbre la diversité des corps LGBTIQ+, queer et de tous ceux qui «sortent» des normes dominantes de genre et de sexualité.

Pour en parler, rencontre avec Carolina Topini, assistante doctorante à l’Université de Genève et spécialiste des théories et mouvements féministes et LGBTIQ+.

«Nos corps, nos fiertés»: ça symbolise quoi?
Le droit à l’autodétermination du corps est l’une des revendications les plus anciennes des mouvements LGBTIQ+. Dans les milieux réactionnaires d’ailleurs, on ne perçoit pas ce droit comme légitime, notamment lorsque la personne souhaite opérer des changements corporels, associés à un acte de violence envers son propre corps. En ce faisant, on ne respecte ni le vécu ni le ressenti des personnes.

Même dans le milieu médical?
Oui, ça reste dans la mentalité de certains médecins. Il y a beaucoup de discriminations dans la prise en charge des patients homosexuels, intersexes ou transgenres.

«Le regard du corps médical reste aujourd’hui encore façonné par la pathologisation»

Les personnes transgenres doivent obtenir le «diagnostic de dysphorie» de genre pour avoir accès aux traitements hormonaux et/ou démarches chirurgicales, diagnostique fourni par des psychiatres après un suivi psychologique. Aujourd'hui, nous en sommes encore là, surtout lorsque l'on parle de transidentité.

Ça doit être compliqué au niveau émotionnel...
Evidemment! Les personnes concernées doivent fournir un récit qui prouve «qui elles sont». Cette reconnaissance n'est pas encore acquise et les mouvements LGBTIQ+ luttent auprès de la société contre cette méconnaissance.

Genève a d'ailleurs illustré ces corps et les a affichés dans les rues de la ville.
Une campagne comme celle-ci est essentielle dans l’espace public. En effet, malgré le fait qu’il soit considéré comme «neutre», c’est-à-dire accessible à tout le monde, il reste régulé par des normes de genre et de sexualité. Il n’est donc pas toujours accueillant et bienveillant envers tout le monde. Il est alors primordial de partir de là, et de retravailler les codes de la communication visuelle. Les corps qui sont affichés transgressent les «codes» de l’espace public, associés souvent à la minceur, à la blanchité et à l'hétérosexualité.

«Cette action est un dispositif puissant de légitimation des personnes. Elle dit: ces espaces vous appartiennent aussi, vous avez votre place!»

Qu'est-ce qu'on peut attendre comme réactions?
Je crois que l’objectif est de sensibiliser les gens, d’informer et de rendre visible la cause. Ensuite, si la campagne intéresse les personnes non concernées, elles vont s’interroger sur ces questions. Il serait également intéressant, après coup, de demander aux personnes concernées si elles se sont senties mieux incluses et légitimes dans l’espace public.

Aujourd'hui, on voit une transgression des normes de genre dans la manière de s'habiller: effet de mode ou revendication politique?
Si on remonte aux années 1970, dans le contexte «militant» du mouvement LGBT, on constate que le registre politique était radical. On transgressait les normes de genre et de sexualité, notamment en cassant les codes dans la manière de s’habiller. On peut supposer qu'aujourd'hui, pour les personnes ayant une conscience politique et une sensibilité LGBTIQ+, la transgression par les vêtements continue d’être un enjeu politique et identitaire très important. Pour d’autres en revanche, il s'agit plutôt de suivre l'évolution de l'industrie de la mode et du spectacle.

Le monde de la mode suivrait plutôt les évolutions sociétales?
Peut-être. Les designers se conforment à la société, mais veulent également dicter de nouvelles tendances. Il y a probablement une influence mutuelle. À partir des années 2010, on voit par exemple l'affirmation d'une esthétique androgyne au sein de la mode et d'un discours qui prétend «libérer les genres». On pourrait se demander si les stylistes se sont peut-être simplement réapproprié certains codes et batailles, sans avoir une volonté militante de transgresser?

On remarque quand même une plus grande liberté dans notre manière de nous habiller.
Oui, les gens sont plus libres, sentiment qui vient notamment des mouvements féministes LGBTIQ+.

«Ils ont depuis toujours questionné la manière dont on s’habille et ils ont brouillé les frontières entre les genres»

Cette liberté est également répandue par le féminisme: on revendique une autonomie sur son propre corps, qui passe par les vêtements.

On avance dans la lutte, mais il reste tout de même du chemin à parcourir.
Oui. Il y a certes des avancées en termes de droits, mais ces droits ne sont pas toujours acquis. Je pense ici par exemple aux discriminations qui existent envers les personnes intersexes.

«Mais on observe de plus en plus de travaux collaboratifs entre les institutions, les collectifs LGBTIQ+ et la société civile. Des évolutions sont donc possibles»

Aujourd’hui, le rôle des institutions est de créer un espace et de soutenir financièrement. Mais la parole et l’action doivent être menées par les personnes concernées, car c’est elles qui savent ce qui doit être fait.

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