Les chiffres officiels ont presque doublé en huit ans. En 2020, 11% des jeunes en Suisse de 12 à 19 ans ont dit avoir déjà envoyé une photo ou vidéo érotique ou aguicheuse les représentant, alors qu'ils n'étaient que 6% en 2012, selon l'étude JAMES. 37% ont aussi indiqué qu'ils avaient déjà reçu de telles images.
L'échange de nudes a augmenté chez les jeunes. Ce qui inquiète le milieu de la prévention, c'est surtout la dérive de ce phénomène de société: le repartage de fichiers intimes à des tiers sans consentement.
Pour lutter en particulier contre ce danger, une nouvelle campagne nationale a été lancée ce mardi par les polices suisses et la Prévention suisse de la criminalité (PSC). Celle-ci s'articule notamment autour d'une vidéo mettant en scène deux personnages, Jessica et Marco.
Ils s'attirent, ils s'envoient des nudes. Puis Marco décide de repartager les images de sa copine à ses potes, qui eux-mêmes les balancent plus loin. Jessica, dont l'intimité a été exposée, subit alors l'enfer du cyberharcèlement.
Pourquoi le sexting a tant la cote? Qui sont les victimes de ses dérives? Que dit la loi? Nous avons saisi l'occasion de répondre à ces questions que vous vous posez sûrement.
La campagne nationale revient sur les raisons qui poussent les jeunes à s'envoyer des images intimes ou sexuelles:
Marjory Winkler, la directrice de Ciao.ch, ce site dédié aux jeunes entre 11 et 20 ans, explique aussi: «Les nudes sont juste un prolongement de l'intimité, une forme d'intimité différente». Il est alors devenu tout à fait coutumier d'en envoyer, à l'ère du digital. «C'est quelque chose de beau, à la base, quand ces images sont réellement désirées».
Sauf que, parfois, les nudes peuvent aussi être échangés sans qu'une réelle envie en soit à l'origine. Olivia Cutruzzolà, porte-parole de la police cantonale vaudoise et répondante pour la campagne nationale autour du sexting, précise:
C'est là tout le problème: lorsque les images sortent du cadre privé dans lequel elles avaient été échangées à la base et atterrissent sur les écrans d'un grand nombre de gens. Sans que la personne présente sur les photos ou vidéos n'ait donné son consentement.
La chercheuse vaudoise Yara Barrense-Dias a consacré sa thèse de doctorat au sexting chez les adolescents (en 2019 à la Faculté de biologie et de médecine de l'Université de Lausanne). Selon une étude menée en 2017 chez les 24-26 ans, elle note que ces "repartages" sont davantage le fait des hommes.
Plusieurs facteurs entrent là aussi en compte. Pour Olivia Cutruzzolà et Marjory Winkler, les gens qui diffusent des nudes à d'autres ne le font pas nécessairement pour nuire à la personne qui y apparaît. Ils peuvent le faire par fierté, pour montrer que leur crush est beau. Ou pour faire «marrer leurs copains».
Cependant, la volonté de blesser l'autre ou de se venger d'une rupture, par exemple, peut aussi être une motivation. On appelle cela le revenge porn.
Les victimes de ces partages en chaîne sont plus souvent des filles que des garçons. «On peut le dire clairement», affirme Olivia Cutruzzolà.
Après avoir été trahies, elles peuvent être confrontées à des situations de harcèlement ou de cyberharcèlement. Leurs photos peuvent aussi se retrouver sur des sites pédopornographiques. Et la honte et la culpabilité les gagnent encore trop souvent, selon la PSC. Tout cela peut mener à des situations psychologiques dramatiques voire au suicide.
C'est pour cela que, cette année, la campagne veut à tout prix baser sa communication sur la personne responsable des partages, et non sur la victime. Ce qui n'était pas le cas par le passé dans les milieux de la prévention, note Marjory Winkler.
En résumé, le message donné: la personne responsable, c'est celle qui diffuse le nude à d'autres personnes (et tous ceux qui le font par la suite sans casser la chaîne). La responsable, ce n'est pas la victime.
Vous l'aurez compris, la grande prudence s'impose si l'on souhaite s'envoyer des nudes. Le consentement et le contexte privé sont au centre de tout partage.
Le cadre légal est différent en fonction de l'âge des personnes concernées.
Les polices et la Prévention suisse de la criminalité donnent ces conseils principaux: