Le Conseil fédéral s'est prononcé en défaveur de l'inscription d'un «troisième sexe» à l'état civil. Il l'explique par le fait que le modèle binaire des sexes reste fortement ancré dans la société suisse.
Avant d'adopter un nouveau modèle des sexes, certaines questions de société doivent d'abord être résolues, estime-t-il. Le Conseil fédéral rappelle également que «cette indication a de nombreuses conséquences sur le plan légal».
L'organe «queer» du PS écrivait sa déception mercredi soir, dans un communiqué:
Selon cette section du Parti socialiste, «la question des identités de genre non-binaires est encore peu familière pour une partie de la population». Il regrette ainsi que le Conseil fédéral ne participe pas à «l'évolution des mentalités». Le PS Suisse soutient sa section queer dans sa requête. Le porte-parole Nicolas Haesler explique:
La conseillère nationale verte Sibel Arslan a critiqué les déclarations du Conseil fédéral:
Selon elle, la reconnaissance d'un troisième sexe, non-binaire, est un besoin pour de nombreuses personnes. Le parti a annoncé qu'il allait déposer une initiative parlementaire ou une motion pour permettre l'existence d'un troisième sexe en Suisse.
Si la gauche est énervée ou déçue, à droite, les réactions sont plus mesurées. Le PLR trouve la décision du Conseil fédéral «compréhensible et cohérente». Même son de cloche du côté de l'UDC, dont cette discussion ne fait pas partie des thèmes du parti.
Pour l'association suisse des transgenres, Transgender Network Switzerland (TGNS), l'attitude du Conseil fédéral est une véritable «gifle pouf les personnes non-binaires». Le réseau estime que le Conseil fédéral a démontré «sa propre attitude hostile à l’égard des personnes non-binaires».
Selon lui, le gouvernement ne connaît pas la position de la population suisse, citant une étude de l'institut de recherche Sotomo datant de 2021, dans laquelle 53% des personnes interrogées se seraient prononcées en faveur d'une inscription pour les non-binaires dans les documents officiels.
La NZZ salue la décision du Conseil fédéral. Dans un commentaire, la chroniqueuse Katharina Fontana écrit que l'on ne peut qu'approuver le Conseil fédéral, la différenciation juridique entre hommes et femmes s'appuyant sur des «critères objectifs acceptés par l'immense majorité de la population».
Elle relève tout de même: en Suisse, chacun a le droit de se sentir non-binaire, une position privée dont l'Etat n'a pas à se mêler.
En outre, la chroniqueuse estime que la charge de travail administrative qui s'ensuivrait à Berne serait trop élevée, se rangeant ainsi derrière l'argument du Conseil fédéral. En effet, les mots-clés présents dans les documents officiels et concernant le service militaire, la rente de veuve, les adresses dans les lieux publics devraient tous être adaptés. Et tout cela sans évoquer le plus compliqué encore: d'adapter tous les textes de loi dans les langues nationales.
Ce n'est pas l'avis d'Edgar Schuler, du Tagesanzeiger: il qualifie la décision du Conseil fédéral de «décourageante et éloignée des préoccupations populaires». Selon lui, l'exécutif refuse de prendre part à une discussion de société importante.
Il critique le fait que le Conseil fédéral soit «massivement à la traîne» sur la question du genre. Il se réfère également à l'étude Sotomo, également citée par le TGNS.
Sur Twitter aussi, les avis sont partagés:
Le Conseil Fédéral aurait dû accepter un troisième sexe mais supprimer la notion du sexe du registre civil et par conséquence des statistiques serait méconnaître qu'une ligne majeure de la politique tourne autour des femmes et des hommes comme le débat des rentes le montre.
— @buercher@tooting.ch (@buercher) December 22, 2022
Qu'est-ce qu'un "troisième sexe à l'état civil"?
— Jane Doe🇨🇭🦕🤍💜 Hey doc, leave the kids alone (@Janedoeordont) December 22, 2022
Pourquoi le ressenti d'une personne devrait-elle avoir plus de poids que la réalité matérielle du sexe, un fondamental humain?
Le @Bundesrat_CH a raison, il est urgent d'avoir un vrai débat social sur ces questions de sexe/genre
Et les mots sont utilisés un peu n’importe comment: « troisième sexe », puis « troisième genre ». Il n’y a que deux sexes qui produisent chacun un type de gamètes. Si un 3ème sexe existe, informez-nous en nous indiquant le nom du nouveau gamète et ce qu’il produit.
— Christophe Huguenot (@ChristopheHug12) December 21, 2022