Mardi soir, il n’y a pas que les fiches du conférencier Eric Marty qui ont été déchirées par des activistes LGBTIQ+. «Les miennes aussi», raconte l’organisatrice de la conférence, Nathalie Piégay, directrice du Département de français moderne de l’Université de Genève, où les faits se sont produits. Eric Marty, professeur à l’Université de Paris, invité à présenter son livre «Le sexe des modernes» (éditions Le Seuil), n’avait pas prononcé trois mots lorsqu’une «trentaine d’activistes masqués», rapporte Nathalie Piégay, ont fait irruption dans la salle Ferdinand-de-Saussure, située dans le bâtiment d’Uni Bastions.
«Il était 18h20, Eric Marty venait de se lever pour prendre la parole, moi, j’étais assise à côté de lui, à l’avant de la salle, face à une quinzaine de personnes venues écouter le conférencier», relate la directrice du Département de français moderne.
Les intrus étaient plus nombreux. «J'ai voulu entamer un dialogue avec eux, je leur ai proposé d’exposer leurs revendications, mais ils n’étaient pas là pour ça. Ils voulaient qu’on parte. Ce que nous avons fait vers 19h30. Entre-temps, ils avaient jeté de l’eau au visage d’Eric Marty, détruit ses fiches et les miennes, jeté par terre des exemplaires de son livre. Ils voulaient qu’on se "casse", nous disaient-ils.»
La directrice du Département de français moderne l’assure: «La conférence d’Eric Marty, dont le livre retrace cinquante ans d’histoire de la théorie du genre, passant en revue ceux qui l’ont nourrie, Jean Genet, Michel Foucault, Jacques Derrida, entre autres, n’était en rien une provocation. Qu’elle ait coïncidé avec la Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie était totalement fortuit. La date de cette conférence, qui fait partie d’un cycle, avait été planifiée l’automne dernier déjà. Mais, je peux comprendre que cela ait pu être interprété comme une provocation.»
Nathalie Piégay pense que le rectorat, qui a décidé de déposer plainte contre inconnus au lendemain du coup de force, est dans son rôle.
La journaliste et essayiste française Peggy Sastre affirmait mercredi dans watson que ces actions militantes distillent le poison de l’«autocensure». «Il n’y a pas le projet de s’autocensurer, affirme Nathalie Piegay. Nous allons continuer à travailler. Nous invitons les personnes selon nos projets d’études, pas en fonction des risques encourus.» Le Département de français moderne, dans son prochain cycle de conférences, pourrait-il inviter l’écrivain à succès Edouard Louis, coqueluche de la gauche radicale? «Bien sûr», répond sa directrice. Et réinviter Eric Marty?
Alors, pourquoi cette colère trans mardi, contre le conférencier Eric Marty, trois semaines plus tôt, à l'Université de Genève déjà, contre les psychanalystes Caroline Eliacheff et Céline Masson, qui, elles non plus, n'ont pas pu présenter au public leur ouvrage, «La Fabrique de l’enfant-transgenre» (éditions de L’Observatoire)?
Nous avons posé la question à Dorina Xhixho, la coordinatrice du groupe LGBTIQ+ du Parti socialiste genevois. Sa réponse:
Pour autant, Dorina Xhixho, qui a suivi un master en études de genre à l'Université de Genève, ne cautionne pas l'intrusion, non dénuée de violence, mardi soir et il y a trois semaines, des activistes trans. «Je n’adhère pas à ce mode d’expression de la colère dans le cadre d’une institution comme l’université, même si c'était à l’occasion de la présentation d’ouvrages considérés comme transphobes par ces militants. Mais cela m’amène aussi à comprendre le malaise, encore une fois, dans lequel se trouve la communauté trans, qui ne dispose pas de suffisamment de canaux pour faire entendre sa voix par rapport aux violences vécues.»
La coordinatrice du groupe LBGTIQ+ du PS genevois prône la discussion:
Mais peut-on écrire en se sentant surveillé?