Suisse
Marinette sans supérette

Comment apprendre à aimer les vins naturels (même si ça l'air pas bon)

Marinette sans supérette

Je déteste les vins naturels (mais maintenant je sais pourquoi)

Image
J'ai tenté d'affûter mon palais fragile et délicat à la saveur âpre des vins naturels. Vous n'y connaissez rien? Pas de panique, je vous livre la recette.
10.03.2022, 20:5011.03.2022, 18:12
Suivez-moi
Plus de «Suisse»

Par un beau matin de mars, je suis partie à la découverte du vin naturel. Non sans une certaine appréhension. Il faut dire que ma toute première bouteille a failli se solder par une crise cardiaque.

Le récit de mon expérience éprouvante dans cette chronique... acide👇

Cette rencontre ratée avec le vin naturel m'a laissé un goût amer - et pas seulement à cause de l'absence de sulfites.

Au fait, c'est quoi un «vin naturel»?
Il faut distinguer trois catégories: 1- le vin bio 2- le vin biodynamique et 3- le vin naturel. Un «vin naturel», c'est un vin dans lequel aucun intrant, ni aide chimique, n'est ajouté lors de la vinification. Actuellement, il n'existe aucune législation, ni consensus autour de la définition exacte. N'étant pas réglementée, cette dénomination de «vin naturel» n'est donc pas certifiée. On peut toutefois s'accorder sur le fait que la production vise à retrouver un goût aussi originel et «naturel» que possible.

Mon palais est-il trop naze, trop basique, pour pouvoir apprécier ce goût particulier qui ravit l'élite écolo lausannoise? Existe-t-il une technique pour empoigner cette étrange mixture sans grimacer?

Pour le découvrir, j'ai rendez-vous avec Noémie Streuli. Cette sommelière, qui a grandi au milieu des vignes vaudoises et possède aujourd'hui une boutique dédiée aux vins naturels, sera mon initiatrice.

Premier constat: son magasin fait partie de ces endroits dans lesquels on se sent inexplicablement bien. Un local épuré, beaucoup de bois et de béton, une vitrine qui laisse entrer des litres de lumière. Bref, à des kilomètres de l'image intimidante de la cave traditionnelle.

Ladite boutique lausannoise, qui n'a rien d'une cave glauque.
Ladite boutique lausannoise, qui n'a rien d'une cave glauque.

Les bouteilles - environ 200, je l'apprendrai ensuite - s'alignent sagement sur des boîtes en bois clair. Mes craintes s'évaporent. Avec des étiquettes si jolies, presque avenantes, ces vins ne vont pas me mordre.

Enfin, j'espère.

Image

La première fois

Preuve que le vin n'est pas réservé qu'aux sous-sols sombres et sinistres, nous prenons place devant la boutique, au soleil.

Sans doute pour mieux m’apprivoiser, Noémie Streuli me relate sa première bouteille. C'était en 2013. Comme toute belle histoire d'amour, celle-ci débute dans un restaurant parisien.

Toutefois, la rencontre n'a rien du coup de foudre: «Je me souviens surtout avoir été horrifiée par l'étiquette, un truc très bariolé. Sinon, on m'a assez peu présenté la bouteille. Je n'étais pas du tout préparée à ça», confie la jeune femme, en trempant les lèvres dans son cappuccino (oui, les sommeliers aussi boivent du café).

«Quand j'ai commencé, je me suis dit: Mon Dieu, c'est quoi ce truc?»

C'est le choc. «Mais un choc heureux», précise l'experte avec un sourire. Me voilà rassurée, je ne suis donc pas la seule à avoir été complètement désarçonnée.

En tout cas, malgré son trouble (le sien, pas celui du vin), la sommelière a été séduite:

«J'ai été projetée dans un monde complètement différent. J'étais vraiment bouleversée»

«J'ai eu un coup de cœur pour le sommelier de ce restaurant. C'est lui qui m'a donné des pistes.» La jeune femme décide donc de creuser. S'en suivent d'innombrables visites chez des vignerons: d'abord en France, puis dans nos contrées, où le vin naturel s'est démocratisé un peu plus tardivement. «A Genève ou Zurich, j'ai commencé à en trouver il y a seulement cinq ans.»

«Découvrir des vins, c'est un peu la même chose que de découvrir de nouveaux DJ. Il faut les apprivoiser»

La quête se poursuit jusqu'au premier confinement. En mars 2020, Noémie Streuli s'associe avec un très bon ami qui travaille aussi dans le domaine. Ils envisagent d'ouvrir un bar, «mais ce n'était définitivement pas le bon moment».

Alors en novembre, Noémie ouvre sa boutique, Mosto. Avec un objectif clair: «Je voulais casser les barrières, créer tout l'inverse d'un lieu inaccessible et luxueux. J'ai un goût pour la simplicité».

Justement, quand on parle de goût...

Qu'est-ce qui lui plaît, à ma caviste? «Gustativement, je n'aime pas les trucs trop travaillés. Sinon, je suis hyper curieuse. Il n'y a rien que je refuse de manger.»

Son péché mignon? «Trouver des accords mets-vins.»

«Mais bizarrement, j'adore aussi boire du vin sans l'accompagner d'un plat, juste tout seul»

Parmi ses breuvages préférés, elle évoque les «rouges légers d'Auvergne», mais aussi les vins du Nord, d'Autriche ou d'Allemagne - des «blancs vifs et minéraux». «Ça dépend des jours, des saisons.»

Et pour choisir les vins proposés chez Mosto, comment procède-t-elle? «Le choix prend du temps. Je fais confiance à mes distributeurs.» Le tournus est constant: cinq à dix vins par semaine. Depuis l'ouverture, environ 1000 «références» différentes se sont alignées sur les étagères en bois. «Je change la sélection pour que les habitués ne se lassent pas.»

D'ailleurs ces habitués, qui sont-ils?

Des experts en vins? Ou des gens qui n'y connaissent rien? «Je vois de tout: des néophytes absolus qui n'ont jamais bu un verre de leur vie, d'autres qui sont de fins connaisseurs. Des clients viennent sans avoir la moindre idée de ce qu'ils veulent, tandis que certains savent précisément ce qu'ils recherchent.»

Dans tous les cas, elle adore les deux cas de figure. «Ce qui me frustre, c'est de ne pas pouvoir pas assister à l'ouverture de la bouteille, ni accompagner mon client, chez lui, pendant la dégustation.»

«Là, quand je vends une bouteille, elle est lâchée dans la nature»

Bon, et parmi les néophytes (dont je fais partie), est-ce qu'il y en a qui échouent lamentablement à aimer le vin naturel? «En effet, je vois des personnes qui n'arrivent pas à comprendre», confirme gravement Noémie Streuli.

Misère! Je prie pour que cela ne soit pas mon cas. La perspective de finir mes jours avec un palais de fragile m'est insupportable. Car, c'est ça le truc avec le vin naturel: il faut savoir apprécier un vin... qui a le goût de vin.

Aimer le vin naturel: mode d'emploi

Tout d'abord, il faut être conscient des différences avec un vin classique

Un vin «traditionnel», que l'on peut se procurer par exemple dans un supermarché, est pourvu de plusieurs caractéristiques. Il est souvent:

  • Cadré
  • Lisse
  • Charnu
  • Barriqué
  • Mûr
  • Rond

Et c'est pour ça qu'on l'aime. «Quand on achète un vin dans un commerce, on le fait pour retrouver exactement le même goût», m'explique Noémie. Alors que vin naturel, dépourvu de toute aide chimique, est plutôt:

  • Acide
  • Riche en alcool
  • Fidèle au vigneron
  • Représentatif du terroir

Ajoutons que son millésime est également plus marqué, et qu'il est pourvu d'un goût de raisin nettement plus fort. C'est «un goût que l'on avait oublié», précise la sommelière.

Le secret?

«Pour apprécier, il faut se dire que l'un et l'autre n'ont strictement rien à voir. On peut aller jusqu'à se dire que le vin bio, ce n'est pas du vin.»

«On ne cherche pas la même chose dans un vin naturel que dans un vin traditionnel. Ce qui est difficile, c'est d'apprendre à abandonner les codes»

Tout serait donc question d'apprentissage...

Pas de panique, donc, si je n'ai pas aimé mes trois premières bouteilles de vin naturel: «C'est même rassurant!» me conforte mon initiatrice. «Apprivoiser son palais, cela s'apprend.»

Retour à la boutique

C'est l'heure de choisir de nouveaux breuvages qui, je l'espère, siéront plus à mes goûts.

Selon ma guide, pour bien choisir sa bouteille, il faut se poser quelques questions simples:

  • Le budget que l'on veut mettre dans la bouteille.
  • La couleur que l'on préfère.
  • Si l'on veut plutôt un vin «tranquille» ou à bulles.

Informée de mon goût plus prononcé pour les rouges, elle me propose deux ou trois références plus «faciles» d'accès. Mon choix se porte une bouteille avec une «jolie densité», au nom poétique de «Tempête».

J'avoue, j'ai aussi (et surtout) craqué pour la magnifique étiquette.
J'avoue, j'ai aussi (et surtout) craqué pour la magnifique étiquette.

Elle me suggère également de goûter un blanc, même si j'ai moins l'habitude d'en boire, car son acidité naturelle sera moins susceptible de heurter ma sensibilité.

Le nom est également adorable.
Le nom est également adorable.

Je repars le cœur léger, pleine de nouveaux savoirs, à étaler fièrement lors de mon prochain apéro - à voir s'il sera, ou non, arrosé de vin naturel.

On parie que vous pouvez sentir ces photos
1 / 19
On parie que vous pouvez sentir ces photos
partager sur Facebookpartager sur X
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Bouchons de Pâques: le mauvais temps ne freinera pas les voyageurs
Malgré le mauvais temps annoncé dans le sud, l'Office fédéral des routes s'attend à des bouchons devant le portail nord du Gothard avant Pâques déjà.

Il va faire moche à Pâques cette année. Pluie et températures fraîches sont attendues au Sud des Alpes, où la neige perturbe actuellement la circulation à l'approche du tunnel autoroutier du Saint-Gothard. Le Tages-Anzeiger l'a d'ailleurs affirmé mardi: la météo ensoleillée au Tessin pendant les vacances de Pâques est un «mythe».

L’article