Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a officiellement ouvert au Vatican l'ambassade de Suisse auprès du Saint-Siège. Le ministre avait coupé le ruban en mai 2022 déjà, mais l'ouverture proprement dite est intervenue ce mercredi.
Que signifie ce rapprochement pour les deux Etats? La Suisse a-t-elle vraiment besoin d'un ambassadeur dans le plus petit Etat du monde? Avant d'entrer dans le vif du sujet et d'entendre les explications de notre expert, voici un petit rappel historique.
Vous avez suivi jusque-là? Très bien. watson a demandé à Jean-Pierre Dorand, historien et auteur de La Suisse et le Vatican dans la tempête, ce que représente l'inauguration de cette ambassade.
Comment qualifieriez-vous les relations entre la Suisse et le Vatican?
Elles sont excellentes aujourd'hui, mais il faut rappeler que le «Kulturkampf», dans les années 1870, a été une période de conflit. A l'époque, les évêques de Lausanne et de Bâle ont été expulsés, les tensions étaient majeures entre notre pays et le Saint-Siège. Le «Kulturkampf» était une confrontation idéologique. C'était un véritable «choc de civilisation», ce n'était pas la petite Suisse contre le petit Saint-Siège, mais l'Etat moderne laïc contre la vision rétrograde de l'Eglise. Ces deux visions se sont affrontées pendant près d'un siècle.
Un ambassadeur suisse au Vatican, est-ce vraiment utile ?
Bien sûr! L’universalité des relations est vitale pour la Suisse. Idem pour le Saint-Siège.
Ce n'est pas anecdotique. Au contraire, c’est la formalisation du rétablissement, sur un pied d’égalité, des relations entre la Suisse et le Vatican. Il a fallu près de 150 ans pour que cela se concrétise. Cela va changer peu de choses, mais les contacts seront plus fréquents et plus rapides. Quant aux tâches de l'ambassadeur, elles seront habituelles: soit représenter la Suisse, défendre ses intérêts et assurer le contact avec le gouvernement local.
Le réseau diplomatique du Saint-Siège est donc efficace?
Je peux vous dire que durant la Seconde Guerre mondiale, les Suisses ont eu des renseignements de premier ordre de la part du Vatican. En 1939-1945, le cardinal secrétaire d’Etat Maglione et l’ambassadeur à Rome Rueger étaient de bons amis. Le Vatican fournit des renseignements politiques et militaires à la Suisse et celle-ci lui rend des services diplomatiques (courrier transporté en sûreté) et financiers (capitaux bloqués aux Etats-Unis).
La diplomatie du Vatican peut donc se démarquer des autres administrations ?
Oui, bien sûr. Le nonce, c'est le doyen du corps diplomatique dans certains pays. Regardez la photo du Conseil fédéral lorsqu'il reçoit le corps diplomatique dans son ensemble, c'est le nonce que l'on voit à sa tête. Cela marque son importance.
Grâce à ce positionnement, il peut œuvrer comme Etat dans les affaires les plus complexes.
Vous êtes historien et avez écrit La Suisse et le Vatican dans la tempête; qu'est-ce qui vous intéresse dans les relations de ces deux Etats?
Leurs relations sont passionnantes. Ce qui m'a intéressé, ce sont les relations complexes qui lient notre pays à la cité-Etat.
Cet article a originairement été publié le 6 mai 2022