L'herbe sèche s'entasse sur plusieurs mètres de haut, à côté d'un grand tas d'épluchures. A une centaine de mètres de là, les bœufs d'Andrea et de Christian Müller se nourrissent dans leur immense ferme de Thayngen (SH). Les bovins fourniront plus tard, grâce au purin, les matières premières nécessaires à leur station-service de biogaz, mise en service en 2014. L'installation compte une trentaine de fournisseurs.
La famille Müller a récemment inauguré son installation. Il s'agit là du dernier chapitre de l'aménagement de la ferme en une bâtisse énergétique diversifiée. Mais l'installation ne fournit pas seulement du biogaz pour la nouvelle station-service. Elle donne de l'électricité pour 600 ménages ainsi que de la chaleur résiduelle pour le réseau de chaleur, auquel 270 ménages sont raccordés. Le gaz issu du purin et des plantes permet de produire environ deux millions de kilowattheures (kWh) d'électricité chaque année. Et sur les toits des étables, 1200 mètres carrés de modules photovoltaïques fournissent 200 000 kWh d'électricité supplémentaires par an.
Le carburant régional neutre en CO₂ ne doit pas seulement servir à alimenter les véhicules de l'entreprise familiale, mais aussi les véhicules à gaz de la région. C'est le cas par exemple de la balayeuse à gaz de la commune de Thayngen, qui ramasse les déchets dans le village. L'installation qui prépare le biogaz – fourni via une station-service – remplace désormais chaque année quelque 200 000 litres de diesel, qui ne doivent pas être brûlés. Bien que les Müller puissent faire le plein de toute leur flotte avec du biogaz, ils n'ont, pour l'instant, qu'un tracteur à gaz à disposition. Il s'agit du premier livré en Suisse. La situation devrait toutefois s'améliorer.
Outre l'utilisation, la production de biogaz devrait également pouvoir être développée. Stefan Mutzner, de la société faîtière de biogaz agricole Ökostrom Schweiz, voit un grand potentiel dans la production d'électricité et considère la famille Müller comme des précurseurs. Grâce à leur goût du risque et à leur réflexion sur les circuits fermés, ils maintiennent en vie la vision de rendre toute l'agriculture suisse autosuffisante en énergie et exempte d'énergies fossiles d'ici 2050. Il affirme:
Les avantages du biogaz sont nombreux. Premièrement, il permet de produire de l'électricité et du méthane pour le réseau de gaz et les stations-service. Deuxièmement, on peut stocker l'électricité dans le biogaz à partir de l'énergie solaire superflue en été. Troisièmement, le purin, le fumier et les résidus de récolte produisent de l'énergie en continu pour toute l'année: le biogaz peut donc être produit de manière flexible en fonction des besoins. Quatrièmement, les installations de biogaz fournissent des engrais naturels neutres en CO2. Finalement, la dépendance vis-à-vis de l'étranger est réduite, ce qui permet d'atteindre un haut niveau de protection du climat.
Actuellement, seuls 4% des engrais de ferme sont utilisés à des fins énergétiques. Stefan Mutzner vise les 40%, permettant ainsi de produire 700 gigawattheures d'électricité par an. Il calcule:
Selon Hans-Christian Angele, directeur de l'association Gaz énergie, seules 37 installations de biogaz sont raccordées au réseau de distribution de gaz en Suisse.
En effet, quatre fois plus de biogaz est importé de l'étranger. Avec le biogaz indigène, sa part dans le réseau de gaz n'est aujourd'hui que de 5%. Stefan Mutzner compte sur un potentiel de 150 installations de biogaz.
Pour produire davantage de biogaz en Suisse, il faudrait, selon Andrea Müller, simplifier et accélérer les procédures d'autorisation. Mais pas que:
Par exemple? Une collaboration accrue entre les exploitations agricoles. En effet, l'installation de biogaz d'Andra Müller résout aussi le problème de nutriments d'autres exploitations qui n'ont pas assez de terres, mais trop de purin.
En 2006 déjà, des informations sur la pénurie d'électricité en Allemagne ont donné au couple Müller l'idée de tirer davantage profit de leur exploitation agricole. Outre la viande et les pommes de terre, ils ont vu dans la production d'électricité une autre source de revenus. Différents obstacles et doutes, comme les émissions d'odeurs, ont pu être éliminés ou surmontés. Mais les risques financiers liés à l'exploitation d'une telle installation pilote sont toujours «à la limite».