Désertion ou sage décision? Depuis la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis, pas un jour ne passe sans qu’un journaliste, un média, un politique ou tout autre abonné n'annonce quitter X-Twitter, le réseau social d'Elon Musk, grand soutien du candidat républicain. Pour les journalistes et les élus du peuple, partir ou rester sur une plateforme qui les a parfois accompagnés toute leur vie professionnelle ou politique, s’apparente à un dilemme. Comme en attestent les choix opposés effectués par Elisabeth Baume-Schneider d’un côté, le Conseil fédéral de l’autre.
Le 31 octobre, la ministre de la Culture et de la Santé jetait l’éponge. «X a profondément changé, écrivait la Jurassienne en guise de message d’adieu. Cette plateforme ne correspond pas à la culture du débat à laquelle je souhaite participer. J’ai donc décidé de la quitter. J’invite mes followers à me rejoindre sur Instagram!»
X a profondément changé.
— Elisabeth Baume-Schneider (@elisabeth_baume) October 31, 2024
Cette plateforme ne correspond pas à la culture du débat à laquelle je souhaite participer.
J’ai donc décidé de la quitter. J’invite mes followers à me rejoindre sur Instagram!https://t.co/wZJ80Vudtv
Le Conseil fédéral, en tant qu’instance gouvernementale, a fait le choix inverse. Interrogé la semaine dernière sur ses intentions par nos confrères de watson Zurich, le collège a répondu par le truchement de la Chancellerie fédérale:
En Suisse, en mai déjà, la RTS et son pendant alémaniques SRF annonçaient réduire fortement leur présence sur X. Raison invoquée?
A l’international, le quotidien britannique The Guardian, des journaux régionaux en France, ont débranché la prise qui les reliait à X. Le 19 novembre, Ouest-France écrivait:
Le plus grand quotidien régional français justifiait ainsi sa résolution: «Après plusieurs mois d’activité a minima sur ses comptes X, Ouest-France décide d’y suspendre sans délai ses publications. Le média, attaché aux valeurs démocratiques, au débat apaisé et à la lutte contre la désinformation et le harcèlement, proteste ainsi contre le manque de régulation et de modération de la plateforme.»
Le journaliste de la RTS Alexis Favre n’a pas attendu l’élection de Donald Trump pour prendre le large. En août, le présentateur de l’émission Infrarouge lâchait:
De grandes entreprises comme La Poste ou UBS, craignant que leur image soit associée à celle, très peu consensuelle, d’Elon Musk, avaient décidé, dès le rachat de Twitter par le patron de Tesla en 2022, de réduire leur présence publicitaire sur le réseau.
Mais tout le monde ne partage pas cette hostilité ou cette prudence vis-à-vis du réseau X. Le conseiller communal socialiste lausannois Benoît Gaillard est dernièrement entré dans le débat en faisant connaître son choix. Le 25 novembre, en pleine vague de départs de la plateforme, celui qui est aussi coresponsable de la communication de l’Union syndicale suisse (USS), écrivait:
Ce «j’y suis, j’y reste» a valu à Benoît Gaillard les compliments d’adversaires classés à droite, qui ne le ménagent pas d’habitude. L'un d'eux commentait:
Bravo pour cette décision. De toute façon, il y a fort à parier que les fuyards reviendront discrètement dans quelques mois.
— Alexandre Prior (@AlexandrePrior) November 25, 2024
Joint par watson, Benoît Gaillard justifie son maintien sur X, qui est un peu aux réseaux sociaux ce que le MMA est aux sports de combat:
En clair, Benoît Gaillard ne crache par sur la castagne. «Je reste sur X parce que j’aime être choqué et contredit, je ne cherche pas particulièrement des gens qui pensent comme moi. A mon avis, il ne faut pas quitter X, parce que c’est encore là que se joue une partie de la bataille des idées. Un parti comme La France insoumise l’a bien compris, elle y donne des coups et en prend.»
Camarade de parti de Benoît Gaillard, le président du Parti socialiste vaudois, Romain Pilloud, n’est pas épargné sur X. «Depuis que Musk est à la tête de X, je me pose la question de partir ou rester. J’y ai subi des insultes et injures, j’ai déjà déposé une plainte, qui n’a malheureusement pas abouti. Certes, Twitter pouvait être très dur avant que Musk n’en prenne le contrôle.»
Si Romain Pilloud demeure pour l’heure sur X, c’est parce qu’il en connaît les avantages:
«Faut-il quitter X-Twitter?», demandait la radio France Inter ce mercredi matin 27 novembre. Deux débatteurs étaient invités à répondre à cette question cruciale pour certains. Après avoir dénoncé l’actuel comportement du patron de X aux 2 millions de followers, qui se sert de sa plateforme pour décocher des «attaques ad hominem contre des responsables d’agences fédérales américaines» qu’il accuse de dépenser trop d’argent, Frédéric Filloux, journaliste spécialisé dans la tech, estime qu’il est important, pour un journaliste, justement, de rester sur X.
Le sociologue Gérald Bronner, auteur d’Apocalypse cognitive: la face obscure de notre cerveau, était d’un avis plutôt opposé s’agissant des professionnels des médias.
Moralité, il y a autant de bonnes raisons que de mauvaises de quitter X comme d'y rester.