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Des armes suisses pour Ukraine? Tout peut basculer dès février

Taiwanese soldiers operate a Oerlikon 35mm twin cannon anti-aircraft gun at a base in Taiwan's southeastern Hualien county on Thursday, Aug. 18, 2022. Taiwan is staging military exercises to show ...
Exporter du matériel militaire suisse? La question de son usage offensif ou défensif se pose. Ici: un canon anti-aérien Oerlikon.Image: keystone

Des armes suisses pour l'Ukraine? La semaine où tout peut basculer

C'est au tour de la commission de politique de sécurité du Conseil des Etats de se prononcer sur la réexportation de matériel militaire suisse à l'Ukraine. Pressions allemandes. Les options du Conseil fédéral.
30.01.2023, 18:5731.01.2023, 08:20
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Avant de siéger vendredi à Berne, direction Bruxelles. Une délégation de la commission de politique de sécurité du Conseil des Etats s’est envolée lundi matin pour le plat pays. But du voyage: une série de rencontres au siège de l’Otan, la grande alliance militaire occidentale basée à proximité de la capitale belge. Le président du Parti libéral-radical et conseiller aux Etats argovien Thierry Burkart, joint par téléphone alors qu’il franchissait le contrôle des bagages à l'aéroport de Zurich, a eu le temps de dire que sa proposition relative à la réexportation de matériel militaire suisse sera débattue en fin de semaine par ladite commission, dont il est l’un des membres.

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La pression exercée par la guerre en Ukraine sur la neutralité suisse ne faiblit pas. L'insistance allemande en vue d'une réexportation de munitions suisses le démontre. Pendant que le Conseil fédéral s’en tient officiellement à un prudent statu quo, les chambres jouent leur rôle de législateur.

La commission de politique de sécurité des Etats aura-t-elle autant d’audace que son homologue du National? Cette dernière s’est affranchie mardi dernier d’une stricte conception de la neutralité en votant deux propositions autorisant sous conditions la réexportation de matériel militaire suisse, d’Allemagne ou d'Espagne vers l’Ukraine, par exemple.

Le 3 février, la commission des Etats votera sur la «Lex Ukraine», une initiative parlementaire issue du Centre, adoptée le 24 janvier par la commission du National à une majorité de 14 contre 11. Cette «Lex Ukraine» entend permettre la réexportation dès le 1er mai prochain de matériel de guerre suisse vers l’Ukraine seulement et spécifiquement pour l’actuel conflit.

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«La proposition du Centre a peu de chances»

Selon Thierry Burkart, «la proposition du Centre, en ce qu’elle introduit une exception à la législation, a peu de chances d’être votée au Parlement dans les prochains mois». Le président du PLR accorde davantage de crédit à la motion socialiste, qui internationalise la donne en faisant de l’ONU l’instance décisionnaire.

Mais c’est sa motion, déposée en juin dernier déjà, suivie d’un avis négatif du Conseil fédéral en septembre, que l’Argovien va défendre avant tout. Le conseiller aux Etats souhaite autoriser «vingt-cinq pays partageant les valeurs démocratiques de la Suisse (réd: l’ensemble du bloc occidental, Otan et neutres compris, à l’exception de la Turquie) à réexporter, dans un délai de cinq ans après son acquisition, du matériel de guerre suisse.

Revirement du Conseil fédéral?

Le temps presse. La Suisse neutre est bousculée par l’histoire en cours. L'avis d'Alexandre Vautravers, expert et historien militaire, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.

«Il est possible que le Conseil fédéral revienne sur sa décision d’interdire la réexportation de matériel militaire. Le gouvernement est certes tenu par la clause de non-réexportation figurant à l’article 18 de la loi fédérale sur le matériel de guerre. Mais il y a lieu de se demander si la munition destinée à des canons de défense aérienne de 35 mm, que l’Allemagne et l’Espagne aimeraient pouvoir réexpédier en Ukraine, doit être considérée comme du matériel offensif ou défensif.»
Alexandre Vautravers

Alexandre Vautravers en est convaincu:

«Ces systèmes de DCA de 35 mm fabriqués en Suisse par Rheinmetall, engagés pour la défense contre des hélicoptères de combat, des avions de bombardement et des missiles de croisière, relèvent d’un usage défensif et servent ainsi à protéger les populations de même que les infrastructures critiques, à l’instar des centrales nucléaires ou du réseau énergétique. Ce qui pourrait donner au Conseil fédéral une marge d’interprétation.»
Alexandre Vautravers

Défense, Affaires étrangères, Seco: les décideurs

Le Conseil fédéral, ce sont principalement, en l'espèce, trois instances: la Défense, les Affaires étrangères et le Secrétariat à l'économie (Seco). Selon une source proche du dossier, les militaires suisses ne verraient pas d'objection à la réexportation de matériels ne figurant pas dans leurs dotations. Aux Affaires étrangères, Ignazio Cassis passe pour plus ouvert sur une telle éventualité que son prédécesseur Didier Burkhalter, présenté comme un tenant d'une neutralité orthodoxe lorsqu'il dirigeait le département. Le Seco, enfin, nous dit-on, ne voit généralement pas d'inconvénients à des transactions profitables à l'économie suisse.

Le sénateur PLR vaudois Olivier Français, dont la formation a rompu le tabou de la neutralité le 24 janvier en commission de politique de sécurité du National, entend demeurer fidèle à l’idée qu’il s’en fait. Il rejettera la «Lex Ukraine» et ne jugera sans doute pas d’un bon œil la motion proposée par le président du parti, Thierry Burkart.

«Je suis d’accord pour fournir du matériel défensif aux Ukrainiens, mais on doit selon moi en rester à des équipements tels que casques et gilets par-balles»
Olivier Français, conseiller aux Etats (PLR/VD)

Bévue du Centre?

La clause de non-réexportation a été imaginée par Le Centre et incluse en 2021 dans un contre-projet indirect à l'initiative populaire «contre les exportations d’armes dans des pays en proie à la guerre civile», lancée en 2014. Soutenu par le Conseil fédéral, le contre-projet indirect avait été adopté. «En proposant une "Lex Ukraine", les ex-démocrates-chrétiens tentent de réparer ce qui apparaît aujourd’hui comme une erreur, note un observateur des questions diplomatiques et militaires. Le but à l’époque était d’ôter au Conseil fédéral un pouvoir dérogatoire. On voit ce qu’il en est à présent.»

Piqué, le conseiller aux Etats jurassien centriste Charles Juillard, membre également de la commission de politique de sécurité et en partance lui-même pour l’Otan à Bruxelles, réplique:

«Il est facile de dire après coup qu’il n’aurait pas fallu proposer cette clause, mais à l’époque, personne n’envisageait une guerre en Ukraine»
Charles Juillard, conseiller aux Etats (Le Centre/JU)

Charles Juillard votera la Lex Ukraine vendredi en commission.

«Des fabricants d'armes pourraient quitter la Suisse»

Des arguments économiques pourraient amener le Conseil fédéral à revoir sa position. «Depuis le démantèlement partiel du fabricant suisse d’armement Ruag, beaucoup d’entreprises d’armement produisant en Suisse sont détenues par des groupes étrangers, allemands, américains ou encore italiens, note Alexandre Vautravers. Rheinmetall, par exemple, est allemand.» Il poursuit:

«Si des pays partenaires rencontrent des difficultés à réexporter du matériel militaire suisse, certaines entreprises présentes sur notre sol pourraient être tentées de délocaliser leur production»

Serait-ce la semaine du grand chambardement sur la question ukrainienne en Suisse? Vendredi 3 février, les entretiens de Watteville, les premiers du nom en 2023, au cours desquels le Conseil fédéral s’entretient traditionnellement de questions d’actualité avec les présidents des partis gouvernementaux, seront en partie consacrés à l’Ukraine. Quel message le gouvernement fera-t-il passer? Entend-il aller vite et autoriser sans attendre la réexportation d’armes suisses vers ce pays en guerre? Ou demandera-t-il aux partis de voter d’abord une loi qui lui permette d’agir ensuite sans donner l’impression de déroger au droit?

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