Par Rafaela Roth
Olivier Guéniat, la statistique saute aux yeux. Votre ville, Neuchâtel, est la chef-lieu de la consommation de crystal-meth en Suisse. Pourquoi?
Olivier Guéniat: C'est une chose qui s'explique historiquement. Dans les années 1990, entre 1995 et 1998, de nombreuses prostituées thaïs ont émigré dans la région et ouvert des salons de massage. Elles ont vendu à leurs clients les fameuses pilules thaïes. Neuchâtel n'a pas été la seule concernée, Bienne et Bâle ont vécu les mêmes choses.
Pourtant, Neuchâtel se distingue. 33,4 milligrammes y sont consommés par tranche de 1'000 habitants chaque jour, à Zurich qui domine la consommation de toutes les autres drogues ce ne sont que 21,8. Comment expliquer cette différence?
C'est effectivement assez alarmant qu'une petite ville comme Neuchâtel domine la statistique de la consommation de cette drogue. Nous estimons la consommation quotidienne de pilules thaïes entre 200 et 300 par jour. Malgré tout cette drogue reste marginale en Suisse.
Qui sont les consommateurs?
Historiquement, ce sont des consommateurs qui ont commencé fin des années 1990, ils sont donc un peu plus âgées et ont environ 40 ans. C'est ce que montre la statistique, en même temps elle souligne le fait que le crystal-meth rend très dépendant. Dans le domaine des soirées et autres fêtes, les plus gros consommateurs ont moins de 30 ans et sont majoritairement masculins. Le problème de cette drogue, c'est qu'on en devient vite psychiquement dépendant et les thérapies fonctionnent difficilement.
Pourquoi est-il difficile de soigner une addiction à la meth?
Il n'y a pas de produits de substitution. Les accros à la meth ne crochent pas sur la méthadone, comme l'ont par exemple les héroïnomanes. Elle ne soigne par leurs symptômes. C'est une des explications à la longue dépendance des consommateurs.
Le crystal-meth se vend à combien sur le parché?
0,1g revient entre 40 et 50 francs. Ce qui équivaut à une pilule. Le gramme vaut entre 250-350 francs. On arrive vite au demi-million. Imaginez vous les profits des revendeurs et de dealers.
Aussi cher? Le crystal-meth n'est-il pas la «cocaïne des pauvres»?
Cette dénomination est valable pour les USA, mais pas pour la Suisse. Là-bas, les consommateurs produisent eux-même leur dose avec de l'éphédrine - produit que l'on peut se procurer facilement en pharmacie ou en supermarché. En Suisse, les médicaments sont plus chers. Chez nous, on peut vendre de la meth pour un franc par milligramme, en gros un million le kilo.
D'où vient le meth consommée en Suisse?
Ces 4 dernières années, nous avons enregistré une hausse des activités d'organisations souterraines vietnamiennes qui possèdent la meth sur le marché tchèque. Elles ont pris le contrôle de la production en Suisse. D'autres sources d'approvisionnement sont le marché noir thaï et depuis peu le darknet.
Cette drogue serait importée par les réseaux du dark net?
Oui. Nous avons pu arrêter cette année un dealer qui a simplement commandé 6 kilos de crystal meth en ligne et s'est fait livrer le tout à domicile. Il aurait vendu près de 2'700 grammes de meth à 120.-/g.
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