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La Chine en route vers une dictature digitale

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La Chine est-elle à l'aube d'une dictature digitale?

Le Parti communiste chinois veut accéder à toutes les données numériques de ses citoyens. A cette fin, il a mis en place des mesures drastiques contre les pros de l'informatique. Mais aussi, contre les Boys Band coréens. Explications.
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19.09.2021, 17:1721.09.2021, 16:04
Philipp Löpfe
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En novembre dernier, le report de l'entrée en bourse de l'entreprise financière d’Ant Group a provoqué une avalanche de réactions. En effet, beaucoup ne s'attendaient pas à ce que le Parti communiste chinois (PCC) freine l’une de ses meilleures entreprises. Mais, il est évident que la Chine ne peut pas autoriser un autre système bancaire qui contourne la politique monétaire de sa banque nationale.

Et Pékin a décidé de remettre une couche: le gouvernement souhaite désormais prendre le contrôle d’Alipay, la fintech de l'entreprise financière citée plus haut. Celle-ci est contrôlée par Jack Ma, l'homme le plus riche de Chine. Pour affaiblir sa position, la fintech va maintenant être démantelée.

Nouvelles règles sur les jeux vidéos

Les deux entreprises citées plus haut ne sont pas les seules à perdre du terrain. Tencent, l'un des principaux fournisseurs de jeux vidéo, est également concerné par la stratégie du Parti communiste chinois. Il a d'ailleurs décidé dernièrement de limiter à trois heures par semaine, le temps de jeux vidéo.

Pékin accepte quelques pertes à court terme: qu'il s'agisse de perdre des pros de l'informatique en bourse ou les meilleurs joueurs des tournois de jeux. La Chine possède plusieurs champions à l’heure actuelle, mais un joueur de haut niveau doit pouvoir s'entraîner 60 heures ou plus par semaine.

Le président chinois Xi Jinping s'inspire de Vladimir Lénine et de sa doctrine selon laquelle le parti est l'avant-garde qui dirige le peuple. Ainsi, si vous voulez maîtriser l’ère du numérique, vous devez avoir le contrôle sur les données. C'est pourquoi He Aoxuan, un éminent professeur d'informatique à l'université Beihang de Pékin, déclare au Financial Times:

«Si nous contrôlons les données, alors nous pouvons construire non seulement une meilleure économie, mais aussi un meilleur gouvernement qui prend des décisions basées non pas sur l'intuition, mais sur des preuves scientifiques. Le renforcement de la souveraineté numérique joue un rôle crucial dans la protection des intérêts nationaux, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur»

La construction de cette souveraineté numérique doit être poursuivie rigoureusement. Et les entreprises étrangères doivent aussi s'y soumettre. C'est pourquoi Elon Musk a dû promettre que les données recueillies par Tesla ne devaient pas sortir de la Chine. Apple a dû ouvrir un centre de données dans la province de Guizhou et promettre que toutes les données provenant de Chine y seraient traitées. Microsoft exploite quatre centres de données en Chine.

La construction de «villes intelligentes»

En Russie, Vladimir Poutine a remplacé le personnel qu’il ne portait pas dans son cœur, par d'autres, plus dociles. Le PCC a lui une politique différente. Dimitar Guerguiev, professeur à l'université de Syracuse et auteur d'un nouveau livre sur le léninisme, souligne dans le Financial Times:

«Grâce à son écosystème numérique, le PCC sait maintenant comment acquérir assez d'informations. Grâce à ça, le parti est plus conscient de ce qui intéresse la population et peut ainsi éviter les flops politiques et une bureaucratie hypertrophiée»

Par ce biais, le PCC parvient non seulement à améliorer le contrôle des données, mais aussi à améliorer le bien-être de la population. Bien que nulle part ailleurs dans le monde on ne trouve autant de caméras de surveillance – on estime qu'il y en a 415 millions – la protestation chinoise est limitée, car elle a réussi à résoudre les plus gros problèmes de corruption du pays.

Le contrôle des données permet également la construction de ce que l'on appelle les «villes intelligentes». C'est-à-dire des villes dans lesquelles la technologie numérique contrôle le trafic, la consommation d'énergie et tous les autres services. Actuellement, environ 800 nouvelles villes intelligentes sont en construction en Chine.

Les boys bands coréens aussi dans le viseur

Le PCC veut s'emparer non seulement des données, mais aussi de la culture populaire. C'est pourquoi il prend des mesures contre les pop stars. Les boys bands coréens, qui sont également populaires en Chine, sont dans le viseur. Ainsi, l'une des plus grandes plateformes internet de Chine, a fermé 22 sites gérés par des fans de k-pop en raison d'un «comportement déraisonnable et glorifiant les stars». Le comportement «efféminé» de ces pop stars est également dénoncé.

La répression a fait sursauter la scène culturelle chinoise. Certains craignent même une seconde révolution culturelle, comme celle que Mao a brutalement menée dans les années 1960. Cette crainte est renforcée par un essai paru récemment dans le People’s Daily, le journal quotidien anglais du PCC.

L'essai a été écrit par un certain Li Guangman, éditeur à la retraite. Il y attaque les stars des médias et les milliardaires de l'informatique. Li parle d'une nouvelle «révolution profonde» et d'une renaissance du socialisme. «Cette transformation va tout changer», affirme Li.

«Les marchés des capitaux ne seront plus un paradis où les capitalistes peuvent faire fortune du jour au lendemain et le marché de la culture ne sera plus un paradis pour les mauviettes»

Cet essai provoque l’incertitude, car on ne sait pas exactement quel soutien Li reçoit de la part de la direction du parti. Jude Blanchette, du groupe de réflexion Center for Strategic and International Studies (CSIS) à Washington, explique dans le New York Times: «La crainte vient du fait que personne ne sait où tout cela va mener».

Beaucoup de choses sont encore incertaines en Chine pour le léninisme numérique. Mais une chose est sûre: Un retour au bon vieux communisme à la Mao est exclu. Xi veut contrôler les géants de l'informatique et éradiquer ce qu'il considère comme des excès décadents de la culture pop. En aucun cas, Xi ne cherche à freiner le développement technologique.

C'est pourquoi Kendar Schaefer, du cabinet de conseil Trivium à Pékin, déclare au Financial Times: «Encourager l'innovation technologique reste une priorité absolue pour Pékin».

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