Après la cascade de spoilers et autres scènes incendiaires dévoilées ces jours-ci dans la presse (watson en tête), vous pouvez légitimement vous poser la question: vaut-il la peine de dépenser 45 boules dans ce bouquin dont on a l'impression de tout savoir?
La réponse est non. Cette autobiographie n'en vaut pas la peine.
Ce qui ne m'a pas empêché d'en acheter deux exemplaires. Alors, voici quelques conditions avant de songer à craquer pour Le Suppléant.
541 pages, c'est long.
Après une série Netflix de six épisodes, deux interviews à rallonge sur les chaînes itv et CBS et, plus largement, trois ans d'auto-apitoiement bruyant, il se peut que vous soyez également fatigué des complaintes du prince Harry.
Dans Spare, n'espérez pas un changement de ton. Fidèle à lui-même, le duc de Sussex s'épanche. En long, en large, parfois en travers.
Entre deux parties de chasse sur les terres familiales, descentes à ski sur des pistes de Klosters et safaris en Afrique du Sud, Harry souffre en pantoufles. De la disparition de lady Di, bien sûr, qui conduit tout son récit; de son rôle de perpétuel second; des «mensonges» perfides des tabloïds qui le poursuivent chaque jour que Dieu fait.
Je vous épargne le pitch détaillé, vous le connaissez déjà. Rien de neuf sous la brume de Grande-Bretagne.
Toutefois, ce livre offre aussi une plongée touchante - et rafraîchissante - au coeur de l'intimité royale. On y découvre Charles III en slip, enduit du parfum L'Eau Sauvage de Dior, la Reine-mère qui siffle joyeusement du gin à l'âge de 101 ans et Elizabeth II, «reine de la sauce à salade», qui se dandine avec des boules quies lors d'un bal, pour ne pas souffrir du volume de la musique.
Sans oublier les innombrables petites anecdotes bizarres qui parsèment les pages du livre «le plus étrange jamais écrit par un royal», comme le décrit la BBC: entre le stylo bille "poisson" offert par tante Margo à Noël et l'engelure au pénis soignée à coup de baume à lèvres Elizabeth Arden.
Autant de bonbons savoureux pour les fans nostalgiques de la Reine et du prince Philip, et autres autres lecteurs curieux de découvrir les coulisses de cette étrange planète nommée monarchie britannique.
Si vous avez le goût de la saillie et des insanités verbales, Le Suppléant va vous régaler. Avec une sincérité et un humour surprenants, Harry a peur des morts, mais pas des mots.
Quelques exemples:
Au-delà de ce sens savoureux de la répartie, je ne saurais trop vous recommander la version originale de Spare. Exercice plus laborieux, certes, mais la version française manque sérieusement du panache britannique - et du talent du prête-plume J.R Moehringer.
Plus prosaïquement, et dans une version comme dans l'autre, ne vous attardez pas sur l'écriture. C'est mal torché.
Bref, vous l'avez compris: si vous manquez de temps, d'envie et de patience, passez votre chemin. Pour les fans de royals, foncez tête baissée. Tout prêt à vous énerver.