L’enthousiasme autour des divers records battus par les véhicules électriques au début du 20e siècle aura fait long feu et ne leur permettra pas un essor commercial à la Belle Epoque. Il n’empêche, au début des années 30, la Suisse compte trois principaux constructeurs de véhicules électriques, tous actifs dans le développement d’utilitaires légers. La société du pionnier Tribelhorn est devenue Elektrische Fahrfzeuge AG (Efag) avant de prendre un nouvel envol sous la houlette de Hans Weiss en 1937 et devenir Neue Elektrische Fahrzeuge AG (Nefag) jusqu’en 1980. Ses principaux concurrents sont la Schweizerische Industrie Gesellschaft (SIG) à Neuhausen am Rheinfall et Oehler & Co. à Aarau. Leurs clients principaux sont les services publics helvétiques, les CFF et La Poste en tête.
La tendance est identique chez nos voisins européens qui plus est grands producteurs de véhicules thermiques. Les livreurs de lait anglais, les facteurs de la Reichspost, leurs homologues autrichiens ou la voirie de Paris resteront fidèles aux petits véhicules utilitaires à batterie.
L’un des derniers coups d’éclat de la voiture de tourisme électrique viendra de Renault en 1937. Pour l’Exposition universelle des Arts et des Techniques appliqués la vie moderne qui se tient à Paris cette année-là, la marque au Losange développa une version électrique de sa Celtaquatre, concurrente directe de la mythique Citroën traction: 35 exemplaires furent mis à disposition des organisateurs par Renault afin de transporter les visiteurs et démontrer le savoir-faire de la marque dans l’innovation.
Mais l’éclatement du second conflit mondial, en 1939, engendra nombre de pénuries. Avec l’Occupation, la France fonctionne sous le régime du rationnement, aussi bien pour les produits de première nécessité que l’automobile. Faute d’essence et de pétrole, les véhicules carburent au gazogène, à l’alcool ou à l’acétylène avec des performances et des autonomies très limitées.
L’électricité regagne alors en intérêt puisqu’elle est la seule énergie non rationnée dans l’Hexagone. Grâce aux nombreux barrages hydroélectriques construits durant l’entre-deux-guerres dans la moitié sud du pays, la France dispose d’une réserve de production importante.
Plusieurs projets de voiture électriques voient donc le jour sous l’Occupation. Ayant plié face à l’Allemagne le 22 juin 1940, la France annule l’ensemble de ses commandes de guerre et le constructeur d’avions Breguet cesse la production d’aéronefs. Afin de conserver les compétences et occuper son personnel, le constructeur d’avions transfère ses équipes de la région parisienne sur son site de Toulouse.
Là, plusieurs projets, dont celui d’une voiture électrique, sont mis en route. La Breguet Type A1 voit le jour, suivie quelques mois plus tard, en 1941, de la Breguet Type A2, équipée de batteries plus puissantes. Leur style était fortement inspiré de l’aviation, tout comme l’utilisation de l’aluminium pour la construction. La Breguet Type A2 disposait d’une autonomie de 100 km à 20 km/h de moyenne. Près de 200 exemplaires de Breguet Type A1 et A2 virent le jour.
Peugeot se lance également dans la danse de la voiturette électrique en 1941, avec sa VLV (voiture légère de ville). Proposant le strict minimum, 2 places dans un encombrement mini de 2,67 m de longueur, la VLV pesait tout de même 365 kg, dont près de 160 kg pour les batteries seules. Elle atteignait 36 km/h en pointe et son autonomie se situait autour de 70 à 80 km. Produite dans l’usine de la Garenne en région parisienne – le fief historique de Peugeot à Sochaux étant réquisitionné par les Allemands – la VLV sera diffusée à 377 exemplaires, un record en cette période.
Dans les créations plus iconoclastes et confidentielles, citons enfin l’Œuf électrique de l’artiste Paul Arzens, construit en 1942. Avant de devenir le styliste des locomotives de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) après la Seconde Guerre mondiale, Paul Arzens avait déjà une vision de l’automobile en ville: non polluante, simple d’utilisation, silencieuse et de petite taille.
Elle guidera le développement de l’Œuf électrique, à la carrosserie réalisée en aluminium et plexiglas qui n’a rien à envier aux concept-cars actuels. Il s’équipe d’un moteur électrique alimenté par 300 kg de batteries pour une autonomie de 100 km et 70 km/h en pointe.
Si, toute proportion gardée, le regain d’intérêt pour la voiture électrique sous l’Occupation permet à l’industrie de ne pas disparaître, tous ses espoirs seront douchés à l’été 1942. L’intensification des pénuries d’aluminium, de cuivre et de plomb, très utilisés pour la fabrication des bobines de moteur et les batteries, auxquelles s’ajoutent les fréquentes coupures d’électricité, mettra à mal un développement d’ampleur. Le coup de grâce sera porté par le commandement militaire allemand en France qui interdira par arrêté, dès le 10 juillet 1942, la production de voitures électriques.
C’en est donc terminé d’une diffusion large de véhicules électriques en Europe. Quelques tentatives verront le jour dans les années 50 du côté de la RDA. Plus à l'est encore, le Japon verra l’arrivée du Tama en 1947, dans un contexte de pénurie de pétrole. Aide utile à la reconstruction du pays après la seconde guerre mondiale, il servira de taxi jusque dans la première moitié des années 50.
Mise de côté par le moteur thermique mais pas abandonnée pour autant, la voiture électrique restera toujours quelque part dans le champ de vision des ingénieurs qui lui redonneront de l'importance à l’aune des crises pétrolières à venir.