La deuxième plus grande centrale nucléaire de Suisse a une faille
«Aucune production d’électricité.» Voilà ce qui se passe depuis des mois à la centrale nucléaire de Gösgen (SO). Sur son site internet, dans les communications sur le déroulement de l’exploitation de la deuxième plus grande centrale nucléaire du pays, on ne lit généralement rien d’autre depuis plus de six mois:
A l’issue du contrôle annuel ordinaire, en mai dernier, les exploitants de la centrale avaient dû repousser à plusieurs reprises sa remise en service. Selon les prévisions actuelles, l’installation ne sera reconnectée au réseau qu’à la fin février 2026.
Jamais, dans l’histoire de la centrale nucléaire du Niederamt, celle-ci n’avait été arrêtée aussi longtemps. Pour les groupes énergétiques Alpiq et Axpo, cette panne représente un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de francs. Comme l’installation couvre environ 13% des besoins en électricité du pays, la Suisse est contrainte d'importer davantage de courant.
L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire Ensi avait découvert une possible faiblesse dans le système de refroidissement et exigé des améliorations. Ce n’est qu’une fois la preuve apportée que l’installation peut être exploitée en toute sécurité que «Gösgen» sera autorisée à se reconnecter au réseau. Selon ses exploitants, la procédure est très complexe et prend plus de temps que prévu.
Des problèmes de sécurité depuis des décennies
La classe politique ne se satisfait pas de ces explications. D’autant plus qu’en septembre, il est apparu que les problèmes de sécurité existent déjà depuis 1979, année de la mise en service de la centrale nucléaire. Une expertise commandée par la Fondation suisse de l’énergie (SES) évoque, comme conséquence possible d’un incident, de graves dommages au réacteur, pouvant aller jusqu’à une fusion du cœur.
Alors que Beznau et Leibstadt ont depuis longtemps été équipées de clapets anti-retour amortis afin d’éviter une surcharge de la conduite d’alimentation en eau, aucune mesure de ce type n’a été prise à Gösgen.
On a visité une centrale où ça mal tourné 👇
Responsable du domaine de l’énergie nucléaire à la SES, Stephanie Eger parle même d’un scandale. Le fait que la centrale nucléaire soit exploitée depuis le début avec une faiblesse potentiellement dangereuse montre que le nucléaire, c'est «jouer avec le feu».
La politique s'en mêle
Dans une interpellation, les Verts veulent savoir si les autorités étaient au courant de ces défauts et, dans le cas contraire, demandent:
Le premier signataire, Heinz Flück, envisage lui aussi une enquête indépendante, l’Ensi n’ayant attiré l’attention sur ces lacunes que récemment. Enfin, le Grand Conseil veut savoir quelles conséquences l’arrêt et la mise à niveau auront sur les prix de l’électricité dans le canton et si d’éventuelles prétentions en responsabilité peuvent être examinées.
Des conséquences sur les bénéfices
Melina Aletti (PS) critique le fait que, dans une solution de remplacement approuvée par l’Ensi en 2003, il n’ait pas été reconnu à temps que les exigences en matière de sécurité n’étaient ni suffisantes ni conformes aux standards techniques courants.
Dans une interpellation, elle et d’autres cosignataires du PS veulent savoir comment le gouvernement se tient informé de la situation actuelle concernant l’exploitation et la sécurité, depuis que le canton n’est plus représenté au conseil d’administration d’Alpiq. Les élus réclament des informations sur les conséquences financières de l’arrêt de plusieurs mois, notamment sur les pertes de recettes fiscales.
A ce stade, rien ne permet d’affirmer que la centrale nucléaire de Gösgen fournira à nouveau de l’électricité en mars. Selon Heinz Flück, il reste à savoir ce qu’il adviendra de la centrale si l’installation ne pouvait pas être mise en conformité avec les exigences de sécurité dans un délai raisonnable.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
