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De la finance au savon

Le marché de l’emploi est en pleine forme: le moment rêvé pour chercher un nouveau poste.
Le marché de l’emploi est en pleine forme: le moment rêvé pour chercher un nouveau poste.Flavia Korner, HES Suisse
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De la finance au savon

Quitter l’univers du management pour commercialiser ses propres produits? Andrea Ziegler a osé franchir le pas. Auparavant CFO dans plusieurs entreprises internationales, elle fabrique aujourd’hui des savons véganes et naturels. Qu’est-ce qui l’a poussée à tourner le dos à un emploi sûr? Et pourquoi a-t-elle voulu monter son propre projet?
14.06.2022, 10:5914.06.2022, 15:21
Larissa Speziale
Larissa Speziale
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Dans sa fonction de CFO auprès d’entreprises internationales, Andrea Ziegler a parcouru le monde 20 ans durant. «J’adorais ça», déclare la cinquantenaire dynamique aux cheveux courts, «et par chance, je n’ai jamais souffert de jet-lag.» Elle nous raconte son parcours dans les bureaux d’une coopérative de logements du quartier zurichois de Wollishofen. Des odeurs d’huiles essentielles flottent dans l’air. Les locaux dans l’arrière-cour sont aujourd’hui l’espace de travail d’Andrea: une cuisine où elle fait bouillir le savon et une pièce dédiée au séchage, au stockage et à l’emballage.

Andrea occupe les lieux depuis avril 2021. Elle a commencé sa vie professionnelle par un apprentissage de commerce. Elle a ensuite rejoint le domaine informatique, où elle est devenue cheffe des finances. A 30 ans, elle a suivi une filière de deux ans auprès d’un institut de management. A 40 ans, elle a voulu valider officiellement les connaissances acquises dans la pratique. Elle a donc effectué un Master of Advanced Studies in Controlling à la haute école de Lucerne. Tout en travaillant à 100%.

«J’étais pour ainsi dire la reine de l’efficacité, sinon, je n’aurais pas réussi»

Elle est «super reconnaissante» envers notre système de formation duale, grâce auquel il est possible d’étudier pour un master en s’appuyant sur son expérience professionnelle, tout en continuant à travailler.

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«Le mélange des générations pendant mes études a été très enrichissant. Les étudiants au bénéfice de plus d’expérience, comme moi, profitaient du savoir des jeunes, meilleurs en théorie, et vice-versa.» Elle ajoute que les contacts se sont maintenus, malgré la différence d’âge. Après plusieurs années en tant que cheffe des finances chez AFRY, une entreprise internationale active dans le domaine de l’ingénierie, du design et du conseil, puis deux ans dans une PME dans le secteur de la cybersécurité, le rôle d’employée ne l’intéressait plus vraiment. Elle décida alors de se mettre à son compte.

S’identifier à son emploi, le facteur déclencheur

Mais pourquoi notre femme d’affaires fabrique-t-elle aujourd’hui des savons dans sa cuisine? Elle semble pourtant enthousiaste lorsqu’elle nous parle de sa carrière dans les finances. Alors, pourquoi ce changement? «Pendant plus de 30 ans, j’étais chargée de produits développés par quelqu’un d’autre. Je ne pouvais pas les influencer ou participer à leur développement», explique-t-elle. Elle commença à se poser une question:

«Mon travail quotidien m’intéresse-t-il encore?»

Andrea voulait savoir si elle pouvait développer un produit qui respectait ses valeurs, puis le commercialiser. Nous sommes nombreux à nous poser les mêmes questions. Nous avons peut-être même une idée entrepreneuriale concrète. Mais démissionner et renoncer à une carrière prometteuse, voire établie? C’est souvent un pas que nous n’osons pas franchir.

La motivation d’Andrea avait donc d’autres causes. Quand on lui pose la question, elle indique en effet que le climat devenait trop politique dans l’entreprise, ce qui ne lui convenait pas. Elle accorde de l’importance à une communication honnête, empathique et juste. La collaboration devenait de moins en moins personnelle. Le personnel assumait de moins en moins ses responsabilités. Andrea ne parvenait plus à s’identifier à son travail.

Un processus structuré

Andrea commença à s’intéresser à la production de savon. De quoi est-il fait? Comment le produire? «Beaucoup de gens se savonnent jour après jour avec des produits à base de composants dont ils ignorent tout», s’énerve-t-elle. «De plus, ces produits sont vendus dans des bouteilles en plastique et contiennent eux-mêmes des microplastiques. Entre-temps, on a découvert la présence de ces microplastiques dans le ventre maternel!» Outre son insatisfaction professionnelle, c’est ce qui l’a poussée à agir.

Elle a alors suivi des cours et discuté avec des artisans savonniers du monde entier. Le savon parfait a peu à peu pris forme dans sa tête. Elle ne voulait travailler qu’avec des matières premières végétales produites le plus localement possible et connaître les fabricants. Elle procéda à des recherches, se rendit auprès de paysans qui produisent des huiles – composants importants du savon – et commença à fabriquer des prototypes.

Son premier savon vit le jour en octobre 2020. Peu après, elle démissionna. Et en janvier 2021, elle fonda son entreprise sazz (Seifä Andrea Ziegler Züri, ou savons Andrea Ziegler Zurich). Le lancement de ses trois premiers produits sur le marché suivit en octobre de la même année. Elle les fit tester par différentes personnes, puis certifier. Sur le plan financier également, tout est clair depuis le début. Andrea s’est accordé un prêt sans intérêts et se verse un salaire minimal. Le tout est bien structuré, comme l’apprécie la CFO qu’elle a si longtemps été.

Pas toujours rose

Les trois premiers produits lancés, il fallait encore convaincre les acheteurs potentiels. La femme d’affaires avait de nombreux contacts et bénéficiait de la confiance de nombre d’entre eux. Tout commença bien: juste avant Noël, son savon était un cadeau d’entreprise apprécié parmi ses anciens contacts professionnels.

Et ensuite? La dure réalité la rattrapa: «La marge des partenaires de distribution était trop importante. J’ai donc gardé quelques revendeurs triés sur le volet, puis misé sur la vente directe», explique l’artisane. Mais il y a de bonnes et de mauvaises semaines.

«J’ai beaucoup de peine à supporter l’incertitude. Des commandes vont-elles me parvenir ou non?»

Elle ajoute que, dès que personne ne passe commande pendant quelques jours, elle commence à s’inquiéter. Mais, optimiste dans l’âme, elle tente toujours de voir la situation comme une opportunité: «Je me pose des questions et cherche de nouvelles idées.» Elle est en train de créer un set cadeau pour bébés composé d’un savon naturel et d’un linge de bain en coton bio, qu’elle espère vendre à des entreprises.

Un avenir incertain, mais une expérience qui n’a pas de prix

Les savons vont-ils survivre? «Je ferai le bilan à la fin de l’année et verrai alors si je continue ou non», déclare Andrea, «mais avant cela, je donne tout.» Aux yeux de la femme qui aime travailler en fonction des objectifs, il ne sert à rien de se laisser influencer par les résultats à court terme. Seul un horizon à plus long terme, déterminé à l’avance, permet d’évaluer la situation.

A l’heure actuelle, Andrea ignore ce que va devenir sazz. Elle a certes de la peine à accepter l’incertitude, mais ne manque pas de motivation pour un produit dont elle est convaincue à 100%. Et une chose est d’ores et déjà claire: elle n’aurait jamais voulu passer à côté de cette expérience. «Faire quelque chose de concret pour un salaire est différent de juste toucher un salaire. Et cela n’a pas de prix!»

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