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La BNS a sous-estimé l'inflation et tente de se rattraper

La BNS a sous-estimé l'inflation et tente de se rattraper

epa10015598 Swiss National Bank's (SNB) Chairman of the Governing Board Thomas Jordan speaks during a semi-annual conference of Swiss National Bank (SNB BNS), in Bern, Switzerland, 16 June 2022.  ...
Thomas Jordan, président de la Direction générale de la Banque nationale suisse (BNS).photo: keystone
Le président de la Banque nationale suisse, Thomas Jordan, et ses économistes n'ont pas vu venir l'inflation. Ils agissent désormais avec d'autant plus de détermination et soumettent leurs modèles de pronostic à une révision.
18.07.2022, 18:53
Patrik Müller / ch media
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«Permettez-moi maintenant d'aborder l'évolution de l'inflation»: le président de la Banque nationale suisse BNS, s'est risqué, le 16 décembre 2021, à jeter un coup d'œil sur l'année à venir. «En novembre, le renchérissement était de 1,5%. Nous partons du principe que l'inflation atteindra bientôt son point culminant et qu'elle diminuera au cours de l'année prochaine». Thomas Jordan avait même précisé:

«Pour 2022, notre prévision est de 1,0%»

Un peu plus de six mois après cette déclaration, le renchérissement annuel en Suisse s'élève à 3,4%, soit trois fois plus que ce qui avait été prévu. L'inflation, l'indicateur le plus important pour la Banque nationale, a atteint, en juin, son plus haut taux depuis trois décennies.

Personne ne reprochera à la BNS de ne pas avoir vu venir l'invasion de l'Ukraine par Poutine. La guerre et les sanctions économiques contre la Russie ont entraîné des perturbations sur les marchés de l'énergie et des hausses de prix, notamment pour le gaz et le pétrole.

L'inflation élevée depuis longtemps dans la zone euro et aux Etats-Unis

Au sein de la BNS, des critiques s'élèvent néanmoins contre cette «erreur d'appréciation qui fait date», pour reprendre les termes d'une source bien informée. En effet, même sans la guerre en Ukraine, des signes de hausse des prix sont apparus dès la fin de l'année dernière. D'une part, parce que la demande des consommateurs augmentait, ceux-ci ressentant un certain besoin de se rattraper après presque deux ans de pandémie. D'autre part, parce que la politique monétaire est restée très généreuse: la BNS n'a pas pensé à augmenter les taux d'intérêt, le taux d'intérêt négatif n'a pas été touché et des francs ont continué à être injectés sans relâche dans le circuit économique.

L'inflation en Suisse en comparaison à L'UE et aux Etats-Unis

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De plus, le renchérissement a fortement augmenté dans de nombreux pays, ce qui a presque inévitablement eu des répercussions sur la Suisse via «l'inflation importée». Ainsi, aux Etats-Unis, le taux d'inflation a grimpé à 5,4% (en septembre), 6,2% (en octobre) et 6,8% (en novembre) en automne 2021. Cette semaine, la barre des 9% a été franchie.

Dans la zone euro, de loin la zone commerciale la plus importante pour la Suisse, le renchérissement avait également augmenté depuis longtemps au moment de la prévision de 1% de Jordan. Alors qu'il était encore inférieur à 2% en été, il s'est envolé à partir de septembre pour atteindre 5% vers la fin de l'année.

Mais, à la Banque nationale, on partait du principe que le renchérissement contournerait la Suisse en raison de l'effet du franc et qu'il diminuerait à nouveau à l'étranger. Thomas Jordan affirme en décembre 2021:

«Avec une réduction des difficultés de livraison, la stabilisation des prix de l'énergie et la disparition de divers effets uniques, l'inflation à l'étranger devrait à nouveau baisser à des niveaux plus modérés au cours de l'année prochaine.»

L'inflation sous-estimée même après le début de la guerre

Le 24 février, l'armée russe a attaqué l'Ukraine. Le 29 avril, Thomas Jordan s'est exprimé pour la première fois en détail sur les conséquences pour la politique monétaire et la conjoncture. Lors de l'assemblée générale de la BNS, il a relevé la prévision d'inflation à 2,1%. Une augmentation du taux directeur n'est toujours pas nécessaire. Jordan a déclaré à ce sujet:

«Nous nous sommes prononcés jusqu'à présent contre une telle mesure, pour deux raisons:

Premièrement, la pression inflationniste est modérée dans notre pays.

Deuxièmement, l'inflation devrait à nouveau se situer dans la zone de stabilité des prix dans un avenir prévisible.»

Ce n'est que le 16 juin, il y a un mois, que le directoire de la BNS a changé d'avis. Jordan a annoncé qu'il allait augmenter le taux directeur d'un demi-point de pourcentage pour le porter à -0,25%.

Il a justifié sa décision de la manière suivante : «Nous avons décidé d'augmenter les taux d'intérêt parce qu'il y a désormais des signes que l'inflation se propage également aux biens et services qui ne sont pas directement touchés par la guerre en Ukraine et les conséquences de la pandémie». Par ailleurs, Jordan a reconnu qu'il y avait un risque que l'inflation «reste au-dessus de 2% pendant une période prolongée».

Taux directeur de la Banque nationale suisse

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Selon les informations du journal Schweiz am Wochenende, la Banque nationale a soumis à un examen critique ses modèles de prévision qui avaient sous-estimé l'inflation. Les modèles économétriques seront remis en question et réajustés si nécessaire, apprend-on. A la BNS, on répond que c'est vrai, mais que ce n'est pas exceptionnel:

«Nous vérifions nos modèles en permanence»

La BNS s'exprime également sur le reproche d'avoir sous-estimé l'inflation et d'avoir réagi trop tard. Elle souligne que seul le déclenchement de la guerre a fait grimper celle-ci, que l'inflation de base reste faible et que la valeur élevée de 3,4% est en grande partie due aux prix de l'énergie.

La BNS se justifie et prévoit la prochaine grande étape

De plus, explique-t-on à la BNS, celle-ci aurait réagi, dès le mois de décembre, aux pressions inflationnistes en laissant le franc suisse se réévaluer. Concrètement, la Banque nationale a réduit les interventions qu'elle avait entreprises pendant des années pour atténuer la réévaluation du franc. On souligneà la BNS:

«Nous avons fait contrepoids, même si nous n'avons pas augmenté les taux d'intérêt jusqu'à la mi-juin»

En effet, la Banque nationale a la possibilité d'endiguer les pressions inflationnistes en réévaluant le franc. Elle a utilisé ce moyen, sinon le renchérissement en Suisse serait actuellement de 5% au lieu de 3,4%, comme le supposent les insiders, avec des conséquences imprévisibles pour les négociations salariales de l'automne.

La Banque nationale a laissé entendre qu'elle relèverait à nouveau son taux directeur lors de son prochain examen de la situation économique et monétaire du 21 septembre. Ce qui est plutôt surprenant, c'est l'ampleur de la hausse visée actuellement, comme l'ont déclaré les milieux impliqués au Schweiz am Wochenende: elle devrait à nouveau être d'un demi-point de pourcentage, passant de -0,25 à 0,25%. Mais cela pourrait encore changer d'ici septembre, en fonction de l'évolution de l'inflation et de la conjoncture, souligne-t-on.

Si le renchérissement devait encore s'accentuer, une augmentation de trois quarts de point de pourcentage, à 0,5%, serait même envisageable. Mais une chose est déjà sûre: l'époque des taux d'intérêt négatifs prendra fin, le lendemain de la décision, le 22 septembre, cette information devrait être communiquée.

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