Le journal allemand Handelsblatt s'est vu communiquer par plusieurs lanceurs d'alertes 100 gigaoctets de données internes présumées de Tesla. Les dossiers fournis par des initiés proviendraient du système informatique de l'entreprise.
Pendant six mois, une équipe de douze personnes a analysé des milliers de documents et de plaintes de clients concernant des problèmes avec l'«Autopilot» de Tesla. Les fichiers de l'entreprise contiennent également des données confidentielles sur les clients, les employés et les partenaires commerciaux.
Le journal économique a également publié cette recherche en ligne jeudi soir dans une série d'articles (Paywall).
Selon Handelsblatt, les données dressent «l'image d'un pionnier de la voiture électrique qui semble avoir des problèmes technologiques bien plus importants que ceux connus jusqu'à présent». Par exemple avec son «pilote automatique».
Selon cette source, les fichiers de Tesla contiennent «des milliers de rapports sur des complications avec les systèmes d'assistance à la conduite». Des plaintes, par exemple, selon lesquelles les voitures freinent soudainement à pleine vitesse ou accélèrent d'elles-mêmes. De plus, il y aurait eu de nombreux accidents mineurs, mais aussi des accidents avec des blessés et des morts.
Outre des informations sur des problèmes techniques et des procédures judiciaires suite à des accidents, les documents divulgués montraient, écrit le journal:
Les documents ont également révélé une entreprise taillée sur mesure pour une seule personne: Elon Musk. Le patron semble être «impliqué dans les moindres détails, qu'il s'agisse du matériau de l'anode de la batterie ou des poignées de porte».
Plus d'une douzaine de rédacteurs en Allemagne, au Japon et aux Etats-Unis ont participé à l'analyse. Sebastian Matthes, rédacteur en chef du Handelsblatt, écrit à ce sujet: «Pendant six mois, une équipe de douze personnes du Handelsblatt a analysé des fichiers: 1388 documents PDF, 1015 tableaux Excel et 213 présentations Powerpoint — ainsi que de nombreuses images, vidéos, fichiers audio et e-mails.» Les fichiers les plus récents datent de mars 2022.
Selon le Handelsblatt, des clients et des employés de Tesla de plusieurs pays ont été contactés par le journal. Tous auraient confirmé les informations qui ont été divulguées à leur sujet.
De plus, des experts en informatique en criminalistique de l'Institut Fraunhofer pour les technologies de l'information sécurisée (SIT) auraient analysé les données et n'auraient trouvé aucune indication que «l'ensemble des données ne provenait pas de systèmes informatiques ou de l'environnement de Tesla».
Le journal aurait également rencontré personnellement les lanceurs d'alerte au cours de ses recherches. Les journalistes connaissent les noms, les lieux de travail et les domiciles des sources.
Tesla ne veut pas que ça se sache Les avocats de l’entreprise automobile ont demandé au Handelsblatt de transmettre une copie des données et de supprimer toutes les autres. Les journalistes avaient auparavant posé à Tesla 65 questions sur les «Tesla-Files», auxquelles l'entreprise n'a pas répondu.
Das sagt @Tesla zu den #TESLAFILES: “Please send us a copy of this information, immediately delete all other copies, and confirm with us that you’ve done so.” Wir haben etwas dazu aufgeschrieben. Jetzt @handelsblatt https://t.co/9gVGrifWeX
— Lars-Marten Nagel (@lmn80) May 25, 2023
L’avocat de Tesla a déclaré qu'il soupçonnait un ancien employé d'avoir abusé de son accès et volé des informations confidentielles alors qu'il travaillait comme technicien de maintenance. L'entreprise a annoncé qu'elle allait engager des poursuites judiciaires.
Selon leurs propres déclarations, les lanceurs d'alerte veulent attirer l'attention sur le laxisme de Tesla en matière de protection des données. Ils affirment «qu'ils ont pu accéder aux données du système Tesla et les copier, même si elles ne relevaient pas de leur compétence», écrit le Handelsblatt. De nombreux autres employés auraient également eu accès à des données confidentielles de clients. C'est pourquoi ils auraient également alerté les responsables allemands de la protection des données. L'usine automobile de Tesla pour l'Europe se trouve près de Berlin.
Selon le Handelsblatt, au moins un initié a alerté, outre le journal, les autorités de protection des données. Celles-ci veulent maintenant déterminer «à quel point Tesla est soucieux de la confidentialité des données».
Les autorités allemandes de protection des données parlent d'«indications à prendre au sérieux concernant de possibles violations de la protection des données.» Il s'agit de «données sensibles sur les employés» qui «pourraient être très largement accessibles au sein du groupe». L'affaire pourrait être «particulièrement grave du point de vue de la protection des données, notamment en raison du grand nombre de personnes concernées dans le monde», a déclaré le journal allemand en citant les autorités.
L'affaire a également été transmise à l'autorité néerlandaise de contrôle de la protection des données. C'est là que Tesla a son siège européen.
Tesla s'engage à la plus grande prudence en ce qui concerne la protection des données. Ainsi, seuls les employés «qui doivent pouvoir prouver qu'ils en ont connaissance» peuvent avoir accès aux données sensibles des clients, selon une directive interne de l'entreprise citée par le Handelsblatt. La fuite de données laisse planer un doute à ce sujet.
Par ailleurs, les informations tirées des fichiers de Tesla indiquent que les problèmes avec le «pilotage automatique» pourraient survenir plus fréquemment qu'on ne le pensait jusqu'à présent. Cela doit être rendu public, écrit le journal. D'autant plus que le patron de l'entreprise, Musk, a fait depuis des années de «grandes promesses» concernant la conduite autonome, que Tesla n'a pas encore été en mesure de mettre pleinement en œuvre. En 2016 déjà, il avait déclaré que la conduite autonome était «essentiellement un problème résolu». Les fichiers de Tesla montrent une autre image.
(Traduit et adapté par Pauline Langel)