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Immobilier: les prix vont devenir «encore plus scandaleux»

Pourquoi les prix de l'immobilier vont devenir «encore plus scandaleux».
Nous sommes à l'aube d'un supercycle dans l'immobilier (image d'illustration).Image: watson

Pourquoi les prix de l'immobilier vont devenir «encore plus scandaleux»

Ni le Covid-19, ni l'inflation, ni les taux d'intérêt élevés n'ont réussi à stopper le boom immobilier. Un nouveau problème se dessine: la gentrification.
09.11.2024, 16:3009.11.2024, 16:31
Niklaus Vontobel / ch media
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Le retournement des taux d'intérêt est déjà terminé. Et comme l'écrit la grande banque UBS, nous retournons même dans un monde de taux bas. L'inflation est en baisse dans le monde entier; les banques centrales des Etats-Unis, de la Suisse et de la zone euro ont toutes baissé leurs taux directeurs. Cela montre clairement que même cette crise n’a pas pu arrêter le boom immobilier.

Bien que les prix de l'immobilier résidentiel ont chuté dans certains pays, notamment en Allemagne où la baisse a été historique, le scénario d'horreur tant redouté ne s'est pas produit. Dans l'ensemble, les prix n'ont que peu baissé dans les pays industrialisés, et ce, malgré la crise du Covid-19, l'inflation et les taux d'intérêt élevés. Et aujourd'hui, ils sont déjà en train de remonter en flèche.

Les prix pourraient continuer à grimper pendant longtemps, même s'ils le font maintenant depuis des décennies – et peut-être encore plus rapidement qu'avant. Le magazine britannique The Economist a récemment écrit que le boom immobilier risquait de devenir «encore plus scandaleux». Les prix seraient désormais portés par un «supercycle qui ne fait que commencer».

Explosion des prix dès 1960

Ce «supercycle» décrit l'évolution des prix de l'immobilier résidentiel dans le monde au cours des 70 dernières années. Avant cela, il n’y avait aucune tendance à la hausse, comme le montre une étude portant sur quatorze pays industrialisés. Au début des années 1960, les prix réels étaient encore à peu près au même niveau qu'en 1870. Près d'un siècle s'était écoulé et les prix étaient toujours à peu près les mêmes.

Tout est déjà construit: s’évader à la campagne est devenu plus difficile.
Tout est déjà construit: s’évader à la campagne est devenu plus difficile.Image: Getty

Puis les prix ont commencé à grimper et l'immobilier résidentiel est devenu inexorablement plus cher. Cinq décennies plus tard, dans les années 2010, les biens immobiliers coûtaient trois fois plus cher en termes réels. Et même après cela, rien n'a pu arrêter leur renchérissement. Ni la crise financière de 2007 à 2009; ni la crise Covid, comme on peut désormais le voir. Aujourd'hui, les prix de 26 pays sont en moyenne 135% plus élevés qu'il y a près d'un quart de siècle. La Suisse s'en sort un tout petit peu mieux: les prix ne sont «que» 94% plus élevés.

Ce supercycle va-t-il vraiment durer encore des décennies? Le fait qu'il soit alimenté par des tendances puissantes qui ont fondamentalement changé non seulement les marchés immobiliers, mais aussi notre quotidien, plaident en faveur de cette hypothèse.

Révolution des transports

Une première tendance a été la fin de la révolution des transports après 1970. Elle avait autrefois rendu les voitures et les trains abordables et fait chuter leurs prix, provoquant ainsi ce que l'on appelle la «mort de la distance».

La baisse des prix des transports a aidé l'industrie. Elle ne dépendait plus de la proximité des ports ou des gares, autour desquels de nombreuses villes avaient été construites. Les entreprises pouvaient désormais installer leurs usines où elles voulaient: le long des autoroutes, des réseaux ferroviaires, ou même à l'étranger. Les travailleurs ont suivi, en construisant leurs maisons à la campagne et en faisant la navette pour aller travailler. Le résultat a été un exode des villes.

Mais à la campagne, il y avait plus d'espace disponible pour construire des appartements. Cela a eu d'énormes conséquences sur le marché immobilier. Comme l'explique Edward Glaeser, professeur d'économie à l'Université Harvard, cela a fait baisser les prix pendant des décennies.

Puis la révolution des transports a pris fin, et les coûts de transport n'ont plus connu de baisse aussi spectaculaire. Les nouveaux terrains à bâtir en rase campagne se sont raréfiés dans le monde entier. Il y en avait trop peu pour suivre le rythme de la demande, entraînée par la croissance de la population et des revenus. Les prix de l'immobilier ont commencé à augmenter inexorablement.

Renaissance des villes

Après 1950, des tendances ont commencé à attirer les gens vers les villes. Les banques, les conseillers, les assureurs, les comptables ou les avocats gagnaient en importance. Dans les villes, ils étaient plus proches des clients, des universités ou des concurrents. Glaeser écrit par exemple que les villes sont meilleures pour la transmission des connaissances. Et cela n'est pas négligeable: il suffit d'un peu plus d'informations, et un trader empoche des millions en quelques minutes.

Ces secteurs urbains clés ont été suivis par d'autres, comme des hôtels, des commerces de détail et des restaurants. Des villes américaines comme New York et San Francisco ont connu une croissance spectaculaire dans ces secteurs dans les années 1980, écrit Glaeser. En Europe, des villes comme Londres ou Francfort ont connu un succès similaire.

Tout cela a conduit à une renaissance des villes – mais, selon Glaeser, comme c'est souvent le cas lorsque les villes triomphent, il y a beaucoup de perdants. L'habitat urbain est très recherché et devient de plus en plus cher. La colère grandit face à la gentrification de quartiers autrefois abordables.

La construction sans entrave, une solution?

The Economist soutient que la solution est claire: si la demande et les prix augmentent, l'offre doit suivre – il faudrait construire davantage. Selon l'économiste Glaeser, cela aiderait beaucoup:

«Le meilleur moyen de favoriser l'accessibilité financière des logements est d'enlever les entraves aux nouvelles constructions»

C'est ce que les villes ont autrefois fait. Dans le New York du début des années 1920, la demande de logements urbains avait également explosé, mais les prix sont restés abordables, car jusqu'à 100 000 nouvelles habitations étaient construites chaque année.

Cela fonctionne même si les nouveaux bâtiments sont plus chers à l’achat ou à la location que les anciens, surtout s’ils sont construits dans des zones recherchées. Selon Glaeser, ils ont mis en place un processus qui garantit que les nouveaux bâtiments coûteux profitent également aux personnes à faible revenu, un processus de filtrage.

Les nouvelles maisons des quartiers branchés sont occupées par des personnes à hauts revenus; leurs anciennes maisons, donc moins chères, situées dans des quartiers moins branchés, deviennent accessibles aux salariés moyens; et leurs maisons encore plus vieilles et encore moins chères, situées dans des quartiers encore moins à la mode, deviennent accessibles aux personnes à faible revenu.

Ce processus de filtrage s'est arrêté quelque temps après les années 1970. D'après l'économiste Glaeser, la résistance aux nouvelles constructions dans les villes était devenue trop intense: les protestations des riverains avaient augmenté et la réglementation était devenue trop stricte. D'ailleurs, ce dernier a mené une étude dont les résultats soutiennent cette hypothèse. Celle-ci montre que, dans les grandes villes, les zones avec plus de réglementations ont moins d'activité de construction et des prix plus élevés; les zones peu réglementées connaissent une activité de construction plus importante et des prix plus bas.

La gentrification

Le processus de filtrage a été remplacé par la gentrification: les personnes à hauts revenus ne s'installent plus dans des quartiers neufs et chers, mais dans des quartiers abordables, où ils font monter les prix et modifient les commerces et les restaurants. Glaeser le résume ainsi:

«Le manque de nouvelles constructions entraîne des conflits sur le caractère des quartiers résidentiels»

La fin de la révolution des transports et la renaissance des villes ont contribué à maintenir le supercycle en activité à travers toutes les crises. Aujourd'hui, le boom pourrait «devenir encore plus scandaleux», car d'autres tendances alimentent la demande immobilière.

Grâce à la baisse des taux d'intérêt, les hypothèques sont à nouveau moins chères et davantage de personnes peuvent se permettre d'acheter un logement. Dans le même temps, le manque d’investissements est encore plus important, car les obligations de la Confédération ou des entreprises offrent des rendements inférieurs. Les fonds de pension et les compagnies d’assurance paient à nouveau davantage pour l’immobilier.

Depuis la crise de Covid-19, l'immigration dans les pays occidentaux est également plus élevée qu'auparavant. Selon The Economist, la population née à l'étranger dans les pays industrialisés occidentaux augmente chaque année de 4% – un record, dans une «nouvelle vague de migration de masse». L'article souligne que les politiciens, du Canada à l'Allemagne, prennent des mesures rigoureuses contre cela. Pourtant, ils accepteraient probablement plus d'immigrés que par le passé – ils en ont finalement besoin pour subvenir aux besoins de leur population vieillissante.

Le supercycle ne pourrait donc vraiment commencer que maintenant. Selon Glaeser, la seule chose qui pourrait l'arrêter serait que les villes réapprennent à faire ce qu'elles savaient faire autrefois: construire suffisamment.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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