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Iran: ne plus jamais dire que le voile est un vêtement comme les autres

Téhéran, 24 septembre 2022. Des manifestants le long d'une route.
Téhéran, 24 septembre 2022. Des manifestants le long d'une route.image: capture d'écran
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Iran: ne plus jamais dire que le voile est un «vêtement comme les autres»

Révolte contre le régime théocratique chiite en Iran, mort du prédicateur sunnite Youssef al-Qaradawi: il se passe quelque chose sur le front de la lutte contre l'islamisme.
26.09.2022, 18:5026.09.2022, 20:36
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L’islamisme, comme le communisme, est une utopie. Comme toute utopie avant lui, voilà qu’il se heurte au réel d’une humanité forcément imparfaite à ses yeux. Ce qui est attaqué en Iran depuis le 16 septembre, date de la mort de Masha Amini, suite à son arrestation par la police des mœurs pour un voile mal mis, c’est un régime théocratique instauré en 1979 par un pouvoir religieux.

Cette année-là, au terme d’une révolution islamique guidée par l’ayatollah Khomeiny, les mollahs imposaient aux femmes iraniennes le port du tchador, un long voile sombre couvrant le corps de la tête aux pieds.

Cette révolution rencontrait un écho favorable en Europe chez des intellectuels de gauche, tel le Français Michel Foucault, qui voyaient là une saine réaction à l’«impérialisme américain». De la même façon qu’elle se fourvoyait, au même moment, en soutenant les khmers rouges, auteurs d’un génocide au Cambodge commis au nom du progrès, une «certaine gauche», selon l’expression consacrée, se trompait en applaudissant à l’instauration d’une République islamique d’Iran.

Beaucoup finirent pendus

Sans doute cette gauche avait-elle pensé pouvoir instrumentaliser la révolution à son profit. Nombreux étaient les marxistes iraniens, persécutés sous le shah, à penser qu’ils ne feraient qu’une bouchée des enturbannés de Téhéran. Certains, partant parfois de Suisse où ils avaient trouvé refuge, rejoignirent le mouvement. Beaucoup d’entre eux finirent pendus. Ils n’avaient pas compris ou voulu voir que les religieux islamistes avaient en horreur le communisme, associé à l’athéisme et à la mécréance.

Mais cette amère déconvenue ne découragea pas une «certaine gauche», toujours, à Genève par exemple Jean Ziegler, lequel, par engagement tiers-mondiste, apporta son soutien à une figure montante de l’islam politique, Tariq Ramadan.

Or l’islam prôné par Tariq Ramadan n’est alors pas un «islam de gauche», qui aurait fait son Vatican II comme le catholicisme romain sous le pontificat de Jean XXIII, dans les années 1960. Non, c’est un islam qui reste rigoriste, qui dit que le port du voile est obligatoire pour les filles dès l’adolescence. Et qui n’entend rien retrancher à son rigorisme, afin de garder l’islam «intact et pur». Lâcher du lest sur la rigueur, ce serait démobiliser les croyants au moment où les idéologues islamistes ont besoin d’eux pour mener la revanche d'un «islam humilié» contre l’Occident.

«Tenue islamique»

Quel est le nom que donnent des prêcheurs de l’islam politique au voile? Celui de «tenue islamique», comme on le dirait d’un uniforme. La visibilité du voile participe alors d'une mobilisation idéologique. Cruel, sinon coupable aveuglement que celui de cette gauche, qui aura associé, et parfois continue de le faire, islam et lutte des masses laborieuses, ne rendant pas service aux musulmans. Ni ici, ni ailleurs.

Est-ce un signe? La mort, annoncée ce lundi, du prédicateur sunnite Youssef al-Qaradawi, à l’âge de 96 ans, figure de proue de l’islamisme dans sa composante Frères musulmans, intervient alors que des milliers d’Iraniens et d’Iraniennes bravent la mort pour mettre fin au régime théocratique des mollahs.

Ne pas confondre islam et islamisme

C’est là qu’on se rend compte de la différence entre islam et islamisme, entre musulmans et islamistes, une distinction volontairement occultée, par exemple en France par Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France insoumise, à des fins électoralistes, cherche à faire croire que les mesures prises pour lutter contre l’islamisme relèvent de l’islamophobie.

Les civils iraniens se battent-ils contre l’islam (chacun ayant par ailleurs le droit de ne pas aimer sa religion ou d'en trouver certains aspects liberticides)? Non, ils demandent la fin d’une dictature islamiste, qui a fait du voile l’un de ses principaux marqueurs et de la femme, qui se doit d'être pudique, donc voilée, l’un de ses principaux témoins. Si le voile tombe, le régime a de grandes chances de tomber aussi.

Pas l'«égal de la minijupe»

Alors non, le voile n’est pas un «vêtement comme les autres», il n’est pas non plus l’«égal inversé de la minijupe», et l’on peut espérer que plus jamais ces sottises ne seront affirmées à la télévision et à la radio sans rencontrer de contradiction. A l’heure de la révolte en Iran, il en va de la responsabilité des directions de chaînes et d’antennes.

Porter le voile: un droit

Pour autant, il n’est pas question de mener bataille en Occident contre les femmes voilées. Chaque individu a le droit de porter les vêtements qu’il souhaite, sous réserve de règles, celles fixées par la laïcité, valant pour certains lieux publics, par exemple.

Ceux qui n'ont à la bouche que le mot d'islamophobie, doivent comprendre que nombreux sont les militants et militantes laïques à avoir une mère ou une soeur voilée. Ce n'est jamais contre l'une ou l'autre qu'ils en ont lorsqu'ils rappellent l'origine politique du voile et son caractère sexiste. Quand bien même celui-ci n'aurait pas cette signification aux yeux de celle qui le porte, que ce soit par piété ou pour d'autres raisons.

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