Après les auditions spectaculaires de la commission chargée de faire la lumière sur les événements du 6 janvier 2021 (l'assaut du Capitole des Etats-Unis par des milliers d'émeutiers radicaux), tout le monde attend que le ministre de la Justice, Merrick Garland, ouvre une enquête pénale contre Donald Trump. Comment pourrait-il en être autrement? Les preuves contre l'ex-président sont accablantes et les déclarations des témoins, membres du Grand old party (GOP), convaincantes.
Le ministre de la Justice fait cependant profil bas. Il n'a rien laissé filtrer, sauf la phrase suivante lors d'une récente conférence de presse:
Le Ministère enquêterait toutefois de plus en plus sur le comportement de Donald Trump.
L'attitude hésitante de Merrick Garland s'explique d'une part par le fait que le ministère de la Justice ne mène jamais ses enquêtes en public. D'autre part, parce que le ministre sait qu'il évolue sur une pente glissante.
Andrew Goldstein, l'accusateur des démocrates dans la première procédure de destitution contre Donald Trump, explique dans le New York times:
C'est à ce moment que Fani Willis, procureure dans le comté de Fulton, un district de l'Etat de Géorgie, entre en scène. Donald Trump aurait commis des délits dans ce comté: elle est donc habilitée à mener une procédure pénale contre lui. En février déjà, elle a ouvert une enquête pénale. Très vite, elle a convoqué un grand jury, organe qui détermine si une personne peut être mise en accusation.
Elle a notamment fait venir en Géorgie un spécialiste des lois dites Rico. Il s'agit de lois initialement utilisées pour lutter contre le crime organisé et qui accordent des pouvoirs étendus aux autorités d'enquête. La Géorgie applique une variante particulièrement dure de ces lois.
Avant même le début des auditions, Fani Willis disposait déjà de solides indices pour ouvrir une procédure pénale contre l'ancien président. Par exemple? Premièrement, la conversation téléphonique de Trump avec Brad Raffensberger, le secrétaire d'Etat de Géorgie. Ce dernier est responsable du déroulement et du dépouillement de l'élection. Dans un enregistrement, on entend Donald Trump le supplier de lui procurer les 11 780 voix manquantes pour gagner en Géorgie.
Secondement, les listes de faux votes des électeurs. En Géorgie, comme dans quatre autres swingstates, les républicains ont créé des listes d'électeurs alternatives et les ont envoyées à Washington dans l'espoir que le vice-président Mike Pence les utilise à la place des listes régulières et aide ainsi Donald Trump à remporter les élections.
Fani Wallis a également obtenu que Lindsey Graham soit appelé à témoigner. L'influent sénateur de Caroline du Sud, un important homme de main de Trump, avait également tenté d'influencer le secrétaire d'Etat. Il s'est fortement défendu pour ne pas avoir à témoigner.
Fani Willis a d'ailleurs fait savoir aux personnes impliquées dans les listes alternatives d'électeurs qu'elles n'étaient plus de simples témoins, mais des cibles de l'enquête. La procureure n'a d'ailleurs pas besoin de faire preuve d'autant d'égards que le ministre de la Justice et peut ainsi passer à l'attaque. En effet:
A cela s'ajoute le fait que les auditions ont renforcé la position de Fani Willis. Elles lui facilitent en effet la tâche pour prouver que Donald Trump a agi en toute connaissance de cause. La commission vient ainsi de publier un clip vidéo dans lequel on peut voir des extraits des essais du discours de l'ancien président qui déclare:
La démarche obstinée de la procureure met également le ministre de la Justice sous pression. Il y a quelques semaines, elle a fait saisir les téléphones et les ordinateurs portables de John Eastman (il a élaboré le plan qui aurait permis à Mike Pence d'empêcher l'élection de Joe Biden à la dernière minute) et de Jeffrey Clark (un haut fonctionnaire du ministère de la Justice que Donald Trump voulait nommer ministre de la Justice au dernier moment).
Vendredi 22 juillet, le ministère de la Justice a également entendu Marc Short (le chef de cabinet de Mike Pence) et Greg Jacob (le conseiller juridique de Mike Pence). Tous deux ont participé de près aux événements du 6 janvier et à leur déroulement.
Traduit de l'allemand par Nicolas Varin