En 1988, année d'élection présidentielle aux Etats-Unis, le candidat démocrate Michael Dukakis était nettement en tête des sondages face au républicain George H. Bush. C'est alors qu'il a décidé de se faire photographier en tenue militaire dans un char d'assaut. Il avait l'air si ridicule qu'il a aussitôt chuté dans les intentions de vote et perdu l'élection.
En 2022, Josh Hawley, sénateur républicain de l'Etat du Missouri, apprend lui aussi à ses dépens qu'une image peut en dire plus que mille mots. Le jeune aspirant-tribun est devenu la risée de la nation. Et cela s'est passé ainsi:
Hawley est issu d'un milieu aisé. Il a fréquenté des écoles privées coûteuses et a étudié la justice à la prestigieuse Université de Yale. Il a ensuite fait ses premiers pas dans la pratique auprès d'Antonin Scalia, fameux juge conservateur de la Cour suprême.
Malgré ses origines bourgeoises, Hawley se présente comme un homme du peuple. Il siège au Sénat depuis 2019 et ne ménage pas ses efforts pour s'attirer les bonnes grâces de Donald Trump et de la meute «Make America great again» (MAGA). Il s'est particulièrement distingué par ses attaques contre les géants de la tech. Sur Fox News, de préférence chez Tucker Carlson, il s'insurge régulièrement contre Google, Facebook & Co, dont il abhorre le caractère «woke».
En novembre 2020, alors que le parti républicain était agité par les accusations de fraude massive proférées par Donald Trump lors de l'élection présidentielle, Hawley s'était opposé à la direction de son propre parti de manière très médiatisée. Il a été le premier sénateur à exiger une vérification des résultats dans les swing states controversés, contre la volonté du chef de la minorité, Mitch McConnell.
On avait alors pu penser que Hawly faisait partie des «républicains éclairés» refusant de faire le lit des mensonges de Trump plus longtemps. Pour ne pas rater le coche, d'autres sénateurs conservateurs comme Ted Cruz ou Ron Johnson ont fait de même.
Raté. Le matin du 6 janvier 2021, Hawley s'est montré à la foule des partisans de Trump, rassemblée devant le Capitole, et s'est fait photographier le poing levé, de manière combative. Il voulait ainsi encourager encore plus la foule, déjà bien chauffée à blanc, à la révolte. Ce qu'on ne voit pas sur la photo, c'est qu'Hawley a fait son geste pseudo-révolutionnaire bien protégé derrière un cordon de police.
Plus tard ce jour-là, lorsque la foule a pris d'assaut le Capitole, Hawley a très vite été pris de peur. Lors de sa dernière audition, la commission d'enquête sur les événements du 6 janvier s'est fait un plaisir de montrer une séquence vidéo. On y voit le sénateur fuir, vraisemblablement pris de panique, devant cette même foule qu'il avait encouragée quelques heures auparavant.
Les images sont ravageuses. En quelques jours, Hawley est devenu aux Etats-Unis le symbole de la lâcheté et de l'hypocrisie de certains partisans de Trump. On ne compte désormais plus les mèmes sur Internet et les commentaires haineux dans les médias. La carrière de ce sénateur très ambitieux, à qui on prêtait des ambitions pour la Maison-Blanche, a en tout cas pris un sérieux coup dans l'aile, si ce n'est un coup fatal.
Sur le fond, la fuite de Hawley n'est pas importante pour l'enquête. La commission en a tout simplement profité pour lui donner une leçon. Il n'empêche, l'enquête méticuleuse menée par celle-ci a eu raison de Trump et commence à faire trembler le Grand old party (GOP), le parti républicain.
Les mots de Liz Cheney représentent le constat d'une femme politique bien résolue, s'étant fixé pour objectif déclaré d'empêcher Trump de remettre un jour les pieds dans le bureau ovale. De nombreux sondages et une avalanche de commentaires dans les médias américains parviennent à la même conclusion.
Ce n'est pas que les républicains renoncent en masse à l'amour de Trump. Mais ils commencent à se lasser de lui. L'obsession de l'ex-président pour son «élection volée» devient un handicap pour lui, d'autant plus qu'un rival important au sein du parti républicain a appris à l'exploiter habilement...
En effet, alors que Trump continue de radoter et de s'apitoyer sur son sort, le gouverneur de Floride Ron DeSantis s'est mis, lui, à aborder les sujets préoccupant la base du parti: la guerre contre la culture «woke», l'inflation, la situation à la frontière avec le Mexique et la criminalité croissante. Avec un succès grandissant.
Ce qui complique la tâche de Trump, c'est que les républicains sont confrontés à des vents contraires suite aux développements de ces dernières semaines. Les jugements de la Cour suprême sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et les armes à feu peuvent réjouir les plus conservateurs de la base du GOP, mais la majorité des Américains les rejettent.
La canicule de cet été montre également à quel point la lutte contre le réchauffement climatique est devenue urgente et à quel point il est absurde que les républicains nient ce problème. Croire que seul le prix de l'essence fera la différence lors des élections de mi-mandat pourrait donc s'avérer une erreur.
Ce n'est pas tout. Le fait que Trump soit sur le point de perdre le soutien du puissant éditeur Rupert Murdoch pourrait s'avérer dévastateur pour lui.
Certains journalistes, comme le commentateur vedette Sean Hannity sur Fox News, soutiennent encore fermement l'ex-président. Mais les principaux médias de Murdoch l'ont déjà lâché.
Le distingué Wall Street journal seconde ainsi la pique du tabloïd new-yorkais: «Certaines personnalités se révèlent lors des crises. Mike Pence a passé son test de personnalité le 6 janvier. Et Donald Trump a totalement échoué».
Traduit de l'allemand par Tanja Maeder
