La politique et les affaires ne font pas toujours bon ménage: le beau-fils de Donald Trump, Jared Kushner, devrait le savoir mieux que quiconque. Quant à savoir s'il s'est réellement emmêlé les pinceaux entre intérêts politiques nationaux ou gains financiers personnels, deux comités du Congrès des Etats-Unis s'apprêtent à démêler ce qu'il en est.
Selon les documents mis à la disposition du Washington post la semaine dernière, ces comités d'enquête sont à la recherche de potentielles preuves sur les «conflits d'intérêts» de Jared Kushner. Des conflits qui auraient pu l'amener à «influencer indûment les politiques fiscales, commerciales et de sécurité nationale des Etats-Unis, pour son propre gain financier».
Au cœur de ce conflit? Un vieux gratte-ciel new-yorkais trop cher, un sauvetage financier in extremis et enfin, la politique américaine de Jared Kushner dans la région du golfe Persique.
Retour en 2007. Alors que son père Charles est incarcéré dans une prison d'Etat pour évasion fiscale, le jeune businessman de 26 ans s'attelle à remettre l'entreprise familiale sur les rails.
Après avoir vendu les 22 000 appartements que la famille possède dans le New Jersey, Jared Kushner réalise un gros coup en achetant le bâtiment le plus cher dans l'histoire des Etats-Unis: entendez le «666 Fifth Avenue», bien nommé building de 41 étages situé sur la Cinquième Avenue, pour la somme astronomique de 1,8 milliard de dollars.
Cette «grande acquisition», le «plus grand défi de sa carrière» selon ses propres mots, intervient juste avant la crise. Le krach immobilier de 2007 réduit de moitié, du jour au lendemain, la valeur du building.
Neuf ans plus tard, alors qu'il est déjà l'un des principaux acteurs de la campagne présidentielle de son beau-père, Jared Kushner cherche toujours à se débarrasser de l'encombrant «666 Fifth Avenue», qu'il traîne comme un boulet.
D'une compagnie d'assurance chinoise à un banquier russe, le gendre idéal enchaîne les séances de négociations avec de potentiels investisseurs étrangers.
Chargé de gérer la politique américaine au Moyen-Orient, Jared se trouve en plein tour de passe-passe diplomatique entre les Etats-Unis, le Qatar et l'Arabie saoudite lorsque son père Charles obtient une réunion avec le ministre des Finances du Qatar. Parmi les sujets de discussion posés sur la table? Le 666 Fifth Avenue.
Heureusement pour Jared, ses soucis immobiliers sont sur le point de prendre fin: en 2018, une société canadienne, Brookfield asset management, arrive à la rescousse en mettant 1,2 milliard de dollars pour renflouer l'immeuble. L'entreprise familiale, la Kushner companies, échappe de peu à la catastrophe.
En 2018 déjà, plusieurs démocrates du Congrès se demandent si l'arrangement est tout à fait honnête. L'un des plus gros investisseurs de Brookfield n'est autre que la Qatar investment authority, le fonds souverain du Qatar.
Du côté de la société Brookfield: circulez, il n'y a rien à voir: l'entreprise affirme qu'«aucune entité liée au Qatar n'est impliquée, ni même au courant de cette transaction potentielle» dans la négociation de l'immeuble.
Un ton rassuré et rassurant que ne partage pas le président du comité des finances du Sénat, Ron Wyden, rapporte le Guardian.
Le sénateur s'est dit «profondément inquiet» du rôle joué par un gouvernement étranger dans le sauvetage d'une propriété appartenant à Kushner, alors que ce dernier était encore employé en tant que haut responsable de la Maison-Blanche. Et, surtout, étroitement impliqué dans la reformulation de la politique américaine au Moyen-Orient.
Pour les comités d'enquête du Sénat, il s'agit, désormais, d'éplucher toute la correspondance échangée entre la société familiale Kushner, celle de Brookfield et ce fonds qatari, sur laquelle ils pourront mettre la main.
Objectif? Dénicher la moindre référence à un «Kushner cherchant à influencer, interférer avec ou remplacer les opérations et responsabilités normales» des départements d'Etat et de la Défense. Et, en bout de course, déterminer si le rôle joué par Jared dans la politique au Moyen-Orient aurait pu jouer un rôle dans le plan de sauvetage du 666 Fith Avenue.
Déjà contacté par le Washington post au moment de la transaction, Charles Kushner avait nié tout conflit d'intérêts entre son fils et les Qataris. En ce qui concerne Jared, il conserve de bons liens avec le Qatar: lors de la Coupe du monde, il a été photographié avec plusieurs dirigeants qataris.