Le procès en deuxième instance de l'un des couples les plus connus de la politique française s'est ouvert le 15 novembre. Il y un an et demi, François Fillon était condamné pour détournement de fonds publics (entre autres). Il avait fait appel.
Costume bleu nuit, cheveux poivre et sel, celui qui fut le chef du gouvernement entre 2007 et 2012, aujourd'hui âgé de 67 ans, est entré dans la salle d'audience sans s'exprimer face à la presse. Il était accompagné de sa femme Penelope.
Désormais retraité, Fillon a consacré ces derniers mois à préparer sa défense, a assuré son avocat Antonin Levy, pour qui l'enjeu de ce procès est que son «innocence» et «celle de son épouse soient enfin reconnues».
Cette première journée d'audience a été consacrée à des questions de procédure. La cour d'appel examine jusqu'au 30 novembre ce dossier, qui avait entraîné la chute spectaculaire du candidat de la droite lors de la présidentielle 2017.
L'histoire débute en 2017: au mois de janvier, une enquête est ouverte suite aux révélations du Canard enchaîné. Alors favori des sondages, François Fillon est mis examen. Et ce, à six semaines du premier tour. Il en est sorti éliminé.
Lors de ce nouveau procès, François Fillon devra revenir sur plusieurs points.
Tout d'abord, l'ancien candidat à la présidentielle devra s'expliquer sur l'emploi de son épouse comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013.
L'accusation considère que les activités de Penelope Fillon relevaient du «rôle social» d'une «conjointe d'homme politique», mais pas d'une collaboratrice. Ses prestations ont pourtant été rémunérées pas moins de 613'000 euros nets (plus d'un million d'euros bruts), alors qu'elles étaient «fictives ou surévaluées».
Le travail de Penelope Fillon était certes «discret», majoritairement oral mais «essentiel», a toujours clamé son mari.
Autre revenu sujet à débat: le lucratif contrat de Penelope Fillon comme «conseillère littéraire» en 2012 et 2013 à la Revue des deux mondes, de 135'000 euros bruts.
Le couple est aussi jugé pour l'emploi de leurs deux enfants en tant qu'assistants parlementaires de leur père, lorsqu'il était sénateur entre 2005 et 2007. La rétribution s'élevait à 100'000 euros bruts.
Finalement, François Fillon est poursuivi pour avoir omis de déclarer un prêt de Marc Ladreit de Lacharrière à hauteur de 50'000 euros à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il a été relaxé en première instance.
Ami de François Fillon, cet homme d'affaires a reconnu, dans une procédure distincte, un emploi en partie fictif et il a été condamné en 2018 pour abus de biens sociaux.
Suite au premier procès, le 29 juin 2020, Fillon écopait de cinq ans d'emprisonnement dont deux ferme, 375'000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité. Quant à Penelope Fillon, elle a été condamnée à trois ans de prison avec sursis, 375'000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité. L'Assemblée nationale, partie civile, avait obtenu plus d'un million d'euros en dommages-intérêts.
La défense, qui critique depuis l'origine une «enquête folle» et «à charge», compte profiter de ce second procès pour «débattre» des déclarations de l'ex-cheffe du parquet national financier (PNF) Eliane Houlette en juin 2020. Cette magistrate avait évoqué en commission parlementaire des «pressions» hiérarchiques dans ce dossier. Le camp Fillon avait dénoncé une instrumentalisation de la justice.
Suite à ces accusations, le président Emmanuel Macron avait saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Conclusion: selon lui, la justice a fonctionné «de façon indépendante» dans cette affaire.
En septembre 2021, la presse a révélé qu'une seconde enquête visant François Fillon a été ouverte en 2017, concernant les conditions d'emploi d'un autre assistant parlementaire, l'écrivain Maël Renouard, entre 2013 et 2015. Cette enquête est toujours en cours. (ats/mbr)