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Les enfants tirent sur Poutine: à quoi ressemble la vie en Ukraine

Les enfants tirent sur Poutine: à quoi ressemble la vie en Ukraine

On joue à l'opéra, les bars sont ouverts, on se marie: dans l'ouest de l'Ukraine, la vie continue malgré les sirènes d'alarme et la pénurie de carburant.
21.05.2022, 16:27
Chiara Stäheli, Lviv / ch media
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Les restaurants, les magasins et les bars sont ouverts. On y joue à l'opéra, on boit, on rit, on fait du jogging. Les gens flânent dans les rues, on peut entendre de la musique, les coursiers livrent de la nourriture et beaucoup vaquent à leurs occupations habituelles. Les transports publics sont en service, les voitures roulent sur les pavés, on klaxonne, on jure et on s'insurge.

Tout est normal, pourrait-on penser. S'il n'y avait pas les sacs de sable devant les fenêtres des caves pour se protéger des éclats d'obus, les alertes aériennes, les patrouilles militaires armées et équipées de gilets de protection, les statues entourées d'échafaudages, les fenêtres barricadées, les checkpoints dans les rues ou le couvre-feu le soir à partir de 23 heures. Tout serait normal, si la guerre n’était pas là depuis bientôt trois mois.

Des sacs de sable ont été déposés devant les fenêtres des caves pour se protéger des éclats d'obus
Image: Chiara Stäheli | CH Media

Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées au cours de la guerre – dans l'est de l'Ukraine surtout, d'innombrables autres victimes viennent s'y ajouter chaque jour. Les attaques se poursuivent, la menace est toujours aussi grande. Mais les habitants de l'ouest du pays ne semblent pas se laisser intimider. Les habitants de Lviv vaquent à leurs occupations quotidiennes. Ils recherchent la normalité en cette période d'incertitude et apprennent ainsi à vivre avec la menace.

Interdiction de quitter le pays

Là par exemple, un homme dans la trentaine séjourne depuis deux mois à Lviv, où il loue un petit appartement. Il fait partie des plus de 400 000 personnes en provenance d'autres régions du pays qui ont trouvé refuge à Lviv. A titre de comparaison, la ville compte environ 720 000 habitants en temps normal.

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source: watson

Au cours de la conversation, l'homme raconte dans un anglais hésitant qu'il vient de Kharkiv et qu'il s'est réfugié ici avec sa famille. Il se sent certes plus ou moins en sécurité maintenant, mais aurait préféré continuer son voyage vers la Pologne, tout comme sa femme. Mais comme il est en âge de faire son service militaire, il doit rester dans le pays et ne reçoit pas non plus d'argent de l'Etat comme les autres déplacées à l'intérieur du pays. Le technicien du son cherche donc un emploi de toute urgence, il ne lui reste que 100 dollars, après quoi il sera ruiné. Avec une partie de cet argent, il achète du matériel pour pouvoir accompagner, la semaine prochaine, au moins une représentation de ballet en tant que technicien du son et gagner ainsi un peu d'argent.

Une collecte de fonds pour leur professeur

Sinon ici, deux jeunes femmes qui vont à l'école secondaire à Lviv collectent, aujourd'hui, de l'argent dans le centre-ville pour leur professeur qui se bat sur le front pour l'armée ukrainienne. Dans une heure, les deux adolescentes et leurs camarades de classe se retrouveront sur la grande place devant l'opéra et expliqueront aux passants pourquoi elles collectent de l'argent.

Deux jeunes femmes collectent aujourd'hui de l'argent leur professeur qui se bat sur le front pour l'armée ukrainienne
Image: Chiara Stäheli | ch media

Mais elles sont encore à la recherche d'une prise pour le micro. Alors que l'une des deux jeunes est au téléphone avec une connaissance pour en discuter, la deuxième raconte qu'elle habite avec sa famille, en dehors de Lviv. Elle explique avoir du vivre sans eau, ni électricité la semaine dernière. C'est la raison pour laquelle elle se rend dans un bunker à chaque fois que les sirènes, qui annoncent des attaques aériennes, retentissent.

«Là-bas, nous n'avions ni eau ni électricité la semaine dernière à cause d'une attaque, ça m'a bien fait peur et m'a angoissée»
Avec leurs camarades de classe, les deux jeunes femmes collectent de l'argent pour leur professeur.
Ces deux étudiantes récoltent de l'argent pour leur prof.Image: Chiara Stäheli | CH media

Mais ce n'est plus le cas de tout le monde depuis longtemps. Lorsque l'alarme retentit en ville, de nombreux habitants ne semblent pas s'en soucier. Comme les attaques ici à l'ouest visent généralement des sites stratégiques, une grande partie des habitants de Lviv ne s’attend pas à une attaque de missiles sur des civils. Du moins pas à l'heure actuelle.

Et il y a aussi le couple qui se marie ce samedi. La jeune femme assise sur la pelouse du parc, en train de lire un livre. Les hommes âgés, plongés dans une partie d'échecs. L'homme au chapeau qui vend de la barbe à papa. La famille qui passe l'après-midi au marché. Ils vivent tous dans un pays en guerre avec son grand voisin.

Faire la queue devant les stations-service

Même si la vie ne le laisse pas directement supposer, la guerre affecte aussi les gens à Lviv. Et ce, même si c'est dans une bien moindre mesure qu'à l'Est. Ces jours-ci, il n'est pas rare que celui qui veut faire le plein de sa voiture doive faire la queue pendant plusieurs heures. A de nombreux endroits, il y a pénurie d'essence ou de diesel, parfois des deux. Des queues de plusieurs centaines de mètres de long se forment devant les stations-service.

Les sirènes d'alarme sont également pesantes. La semaine dernière, le calme est certes revenu pendant plus de cinq jours – il n'y a plus eu d'attaques sur la ville et ses environs. Mais les semaines précédentes, les habitants de Lviv ont dû passer plusieurs heures par jour dans un bunker en attendant la fin de l'alerte aérienne. Dans la nuit de samedi à dimanche également, les sirènes ont hurlé à trois heures et demie du matin. On passe directement du lit au bunker. Dans ces moments-là, on peut faire une croix sur son sommeil.

Victoria, 7 ans, utilise un fusil Kalachnikov en plastique pour tirer des balles sur un portrait du président russe Vladimir Poutine, lors d'une attraction de rue dans le centre de Lviv, en Ukrai ...
Ici, Victoria, 7 ans, utilise un fusil Kalachnikov en plastique pour tirer sur un portrait du président russe Vladimir Poutine.Image: keystone

Ce qui continue de rendre les Ukrainiens forts, c'est leur espoir, leur solidarité, leur cohésion. Ces valeurs ne se ressentent pas seulement dans les conversations, elles sont également visibles: des drapeaux aux couleurs de la nation sont accrochés dans les rues de Lviv. Beaucoup portent des T-shirts avec des déclarations dirigées contre l'agresseur russe, ou mettent un ruban bleu et jaune à leur veste. A un stand de rue, les enfants peuvent tirer sur une cible avec un fusil en plastique sur... une image de la tête de Poutine.

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Video: watson
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