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Jeux olympiques 2022 en Chine: A quoi sert un boycott diplomatique?

Chine, JO, Jeux Olympiques
Image: Montage Watson
Analyse

La Chine dit qu'elle se fiche qu'on boycotte ses Jeux. Vraiment?

Après les Etats-Unis et l'Australie, le Royaume-Uni et le Canada ont également décidé de boycotter diplomatiquement les Jeux olympiques de Pékin. En Suisse, les Verts demandent à faire de même. Mais est-ce vraiment utile?
09.12.2021, 18:3510.12.2021, 12:49
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«Tout le monde se fiche de savoir s'ils viennent ou non. Leurs petits jeux ne changeront rien à la réussite des Jeux olympiques». Voici comment les autorités chinoises ont réagi au boycott diplomatique des JO d'hiver 2022 annoncé par les Etats-Unis, l'Australie, le Royaume-Uni et le Canada.

«Ils paieront inévitablement le prix de ce mauvais coup»
Zhao Lijian, Porte-parole de la diplomatie chinoise

Concrètement, aucun de ces quatre Etats – qui reprochent au régime communiste ses violations répétées des droits humains, notamment envers les musulmans ouïghours du Xinjiang – n'enverra de représentants officiels à Pékin en février prochain. Leurs sportifs, eux, seront libres de participer à la manifestation.

Mais le gouvernement chinois soulève une question intéressante. Est-ce vraiment utile de boycotter diplomatiquement les Jeux Olympiques si les athlètes, véritables stars de l'événement, participent comme si de rien n'était aux compétitions?

A quoi sert un boycott diplomatique?

«Il n'y a pas d'effets concrets directs. En revanche, c'est un signal fort qui a un impact symbolique et politique», analyse Marc Julienne, chercheur à l'institut français des relations internationales et spécialiste de la Chine. Il poursuit:

«Le pays qui reçoit les Jeux est le centre du monde durant plusieurs semaines. Le boycott permet d'égratigner cette stratégie de softpower»
Marc Julienne, chercheur à l'institut français des relations internationales

Professeur de sciences politiques à l'université de Genève, Pascal Sciarini va dans le même sens. «Désormais, le sport prend une telle importance qu'il peut être utilisé comme une arme diplomatique.» Une arme diplomatique dont Les Verts souhaitent se servir. Mercredi, le parti a adressé une lettre ouverte au Conseil fédéral pour lui demander de se joindre au mouvement.

«C'est très symbolique, mais cela permet de dire ouvertement que nous ne sommes pas d'accord avec la politique de répression forte du gouvernement autocrate chinois», explique le conseiller national et vice-président des Verts Nicolas Walder.

Celui qui est également membre de la commission de politique extérieure à Berne y voit aussi un moyen d'envoyer un message à la population chinoise. «Le gouvernement utilise les Jeux Olympiques pour briller sur la scène internationale, mais aussi pour convaincre ses propres citoyens. Là, cela permet de montrer que les Occidentaux ne sont pas d'accord.»

Nicolas Walder pointe finalement un autre avantage du boycott diplomatique:

«C'est aussi un signal envers le CIO pour qu'il réfléchisse un peu mieux avant d'attribuer les Jeux Olympiques»
Nicolas Walder, Conseiller national Vert

Pour en revenir à la Chine, est-ce que le simple fait de ne pas envoyer de représentants officiels peut contraindre le gouvernement à revoir sa politique intérieure? «Bien sûr que non. Ce n'est pas ce boycott qui va suffire, mais c'est un levier de pression parmi d'autres pour faire plier Pékin, notamment concernant les Ouïghours, même si on en est encore très loin», affirme Marc Julienne. Le politologue rappelle:

«Depuis 2018, la Chine a déjà modifié plusieurs fois son discours sur la question à cause de la pression internationale»
Marc Julienne, chercheur à l'institut français des relations internationales

Pourquoi laisser les athlètes participer?

Mais si le but est de faire plier la Chine, pourquoi ne pas aller au bout de la démarche et n'envoyer ni diplomates ni sportifs à Pékin en 2022? «Les sportifs représentent leur pays, pas leur gouvernement. Imposer un boycott sportif, ce serait leur imposer une position politique», analyse Marc Julienne.

Le politologue Pascal Sciarini approuve.« Il y a une volonté de montrer son mécontentement, mais sans pénaliser les athlètes qui s'entraînent toute leur vie pour ce genre de compétitions.» L'expert pointe également la nécessité de trouver le bon compromis pour ne pas trop énerver la Chine.

«C'est le principe de la diplomatie, vous voulez les mettre sous pression, mais sans rompre la relation. Sinon, vous n'avez plus de leviers»
Pascal Sciarini, professeur de sciences politiques à l'université de Genève

Aux yeux de Nicolas Walder, cette recherche d'équilibre correspond à la manière dont une grande partie de la communauté internationale se comporte à l'égard de Pékin actuellement. «Beaucoup de pays condamnent la Chine pour ses violations des droits humains, mais conservent des relations économiques avec eux.»

Et s'il reconnaît que cela peut paraître hypocrite, le conseiller national Vert précise: «Les rapports économiques sont tellement entrelacés qu'il est très compliqué de les rompre complètement.»

La Suisse va-t-elle oser boycotter la Chine?

Pour Nicolas Walder, aucun doute, la Suisse doit emboîter le pas des Etats-Unis et participer au boycott diplomatique des Jeux olympiques de Pékin comme le demande son parti. «C'est un mouvement de fond, probablement que l'Union européenne va suivre. A partir de là, est-ce que nous pouvons nous permettre de rester en dehors?»

Rappelant que notre pays a déjà été pointé du doigt pour son accord de libre-échange avec la Chine, l'élu vert affirme que la présence d'un diplomate helvétique à Pékin serait très critiquée. «Si le boycott est généralisé et que la Suisse ne s'y associe pas, c'est comme si nous prenions parti pour la Chine et là, ça devient très délicat», observe le politologue Pascal Sciarini.

Il précise toutefois que si la communauté internationale n'est pas unanime sur le boycott, il y a de fortes chances pour que la Suisse donne la priorité à ses intérêts économiques. «Le Conseil fédéral va sans doute estimer qu'il n'y a pas suffisamment de raisons de se froisser avec nos partenaires commerciaux

Pour Nicolas Walder, la question se pose autrement:

«Jusqu'à quel point nos intérêts priment sur les crimes contre l'humanité?»
Nicolas Walder, Conseiller national Vert
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source: keystone / keystone
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