La Maison-Blanche vient de confirmer une information révélée la semaine passée par les médias américains. Washington va livrer une unité du système de défense antiaérienne Patriot à l'Ukraine, cédant ainsi à l'insistance du gouvernement de Kiev, qui réclamait cette arme depuis des mois.
Le système Patriot va renforcer «de manière significative» la défense ukrainienne face aux frappes russes, s'est réjoui Volodymyr Zelensky mercredi à Washington.
Alors que le chef d'Etat ukrainien a laissé entendre qu'il allait demander encore davantage de missiles, son homologue américain a tenu à souligner: «Ce n'est pas une mesure d'escalade, c'est défensif».
Le système Patriot est une arme sol-air qui a acquis une certaine notoriété en Europe lors de la seconde guerre du Golfe au début des années 1990. Quel sera son impact sur le conflit en cours en Ukraine?
L'expert en sécurité Mark Cancian ne veut pas parler d'un «game changer» capable de bouleverser le cours de la guerre en Ukraine. En effet, il faudra certainement quelques mois pour que le système Patriot y soit transféré et puisse être utilisé de manière efficace, déclare-t-il dans un entretien avec CH Media.
Normalement, la formation sur le système dure 40 semaines. «Cela peut certainement être plus rapide», dit Cancian, qui travaille pour le groupe de réflexion CSIS à Washington. Mais les Ukrainiens ne peuvent pas se passer complètement de formation.
Un haut responsable de la défense américaine, qui s'exprime sous couvert d'anonymat dans le site spécialisé The Drive, abonde:
Il a ajouté que les Etats-Unis travaillent avec l'Ukraine pour «l'aider à gérer et à intégrer une variété de capacités de défense aérienne».
Plus important encore: les missiles Patriot ne seront pas utilisés contre les drones de conception iranienne avec lesquels les forces armées russes attaquent de manière ciblée les infrastructures civiles en Ukraine depuis des semaines. La raison: des coûts trop élevés.
Un seul missile antiaérien du système Patriot vaut quelques millions de dollars, alors que les drones Kamikaze utilisés par la Russie coûtent tout au plus 50 000 dollars, calcule Cancian. Même Washington ne peut pas se permettre de tirer sur des engins sans pilote avec des missiles Patriot. Notons que la défense antiaérienne ukrainienne a abattu plusieurs drones Shahed au cours des dernières attaques.
L'expert américain en sécurité estime que l'unité Patriot sera déployée dans l'agglomération de Kiev. Cela permettrait au moins de:
La livraison du système a en outre une grande «valeur symbolique», souligne-t-il. En effet, le gouvernement du président ukrainien Volodymyr Zelensky a depuis longtemps demandé aux alliés occidentaux de lui fournir des systèmes de défense antiaérienne plus performants.
Dans une première réaction, la Russie avait qualifié la livraison des Patriots de «provocation». En réalité, il s'agit d'un système purement défensif avec lequel les Ukrainiens ne pourraient pas lancer d'attaques.
Ces missiles ne modifient donc guère le cours de la guerre sur le front. Le système de défense rendrait toutefois extrêmement difficile la possibilité pour la Russie de lancer de nouvelles attaques de missiles.
Les Ukrainiens manquent de munitions pour leur système défense aérienne, le S-300 de conception russe. Il n'y a pratiquement pas de stock en dehors de la Russie. Si l'Ukraine était privée de défense antiaérienne, la Russie pourrait commencer à utiliser ses bombardiers lourds.
Le système Patriot se compose, en gros, de trois éléments. Le composant le plus important est le radar, qui permet de guider le missile.
Le lanceur – qui, dans sa version moderne, peut porter jusqu'à 16 missiles – est quant à lui mobile. Le système est fabriqué par la multinationale de l'armement Raytheon Technologies, tandis que les missiles proviennent de la production de Lockheed Martin.
Le système est actuellement en service dans 17 pays, comme on peut le lire sur le site Internet de Raytheon. Au cours des sept dernières années, plus de 150 missiles balistiques auraient été tirés à l'aide de missiles Patriot.
Dans le cadre de l'acquisition de l'avion de combat F-35, le système sera bientôt stationné en Suisse. Le Département de la défense (DDPS) prévoit d'en acquérir cinq unités; le budget correspondant s'élève à deux milliards de francs.
Cet article a été publié le 15 décembre 2022 et a été mis à jour et adapté le 22.